Quand la mémoire du football rejoint l’espoir des enfants (Par Dr Bertin Kadima Tshimanga)

Photo Droits Tiers
Santos Muitubile avec le maillot de la sélection nationale

Souvenirs de quartier

Je me souviens encore de ma petite enfance sur l’avenue Kibambi, dans le quartier Camp Christ Roi de la commune de Kasa-Vubu. C’était l’avenue de Mutubile Santos, capitaine des Léopards en 1987.

Plus tard, à l’adolescence, j’ai grandi à Lingwala, sur l’avenue Itaga. Juste à côté, la célèbre avenue Tshuapa abritait un autre héros de 1987 : Sabou Makengo, celui-là même qui scella la qualification du Zaïre en marquant le dernier tir au but.

Ces coïncidences donnaient au football une dimension intime : les héros n’étaient pas des étrangers, mais des voisins, des grands frères qui allaient marquer l’histoire.


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Le match de 1987 : un dimanche après-midi inoubliable

Ce dimanche 19 juillet 1987, le stade du 20 Mai vibrait comme jamais. Officiellement, sa capacité était d’environ 40 000 spectateurs, mais ce jour-là, il en avait accueilli bien plus : il était plein comme un œuf, débordant jusque dans les travées, les grillages, les toits. Des milliers de personnes s’étaient entassées pour assister à ce duel décisif contre le Sénégal.

Sur la pelouse, le duo défensif Buana Ngalula – Aimedo Nkongolo (†) formait un mur face au redoutable Jules Bocandé. Dans les buts, Elengesa multipliait les arrêts et repoussa deux tirs au but sénégalais.

Le temps réglementaire se solda par un 0–0 crispant. Vint alors la séance des tirs au but. Sous le soleil déclinant de l’après-midi, chaque tir était accueilli par une clameur assourdissante. Et quand Makengo, de l’avenue Tshuapa, transforma le penalty décisif, le stade explosa : Zaïre 4–2 Sénégal.


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La fête de Kinshasa

La liesse ne resta pas confinée au stade. Elle se propagea dans toute la capitale. Des avenues de Kasa-Vubu à celles de Lingwala, de Bandalungwa à Ndjili, Kinshasa dansait, chantait, klaxonnait.

Les tambours battaient jusque tard dans la soirée. Pour nous, enfants du quartier, ces héros n’étaient pas des mythes lointains : nous les connaissions, nous avions grandi dans leurs rues. Leur victoire était aussi la nôtre.

Mon camarade de classe Babou Ponde me confiait que Nkongolo était le petit frère de sa mère. Mon ami intime Serge Sesa Mulambu vivait dans le même quartier que Buana Ngalula. Ces liens rendaient leur épopée encore plus proche, presque familiale.


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Leçon de médecine

Aujourd’hui, ma vie a pris une autre voie : celle de la médecine, celle de la pédiatrie.

Dans les hôpitaux de Kinshasa, je me consacre aux enfants les plus fragiles, les extrêmes et grands prématurés. Chaque jour, je vois leurs parents vaciller entre désespoir et espoir.

Et chaque jour, comme en 1987, je revois ce stade bondé, cette défense héroïque, ce penalty victorieux : une leçon de courage et de résilience.

Comme Elengesa défendait son but, comme Buana et Nkongolo fermaient l’accès à Bocandé, je défends avec mes équipes la vie de ces enfants minuscules, fragiles, mais portés par l’espérance.


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 Vers 2025 : une nouvelle page à écrire

Aujourd’hui, la RDC retrouve le Sénégal dans les éliminatoires de la Coupe du Monde. L’histoire se répète, et les souvenirs de 1987 nous rappellent que rien n’est impossible.

Dans l’axe, Chancel Mbemba, notre “demi-Dieu”, incarne l’héritage de Nkongolo et Buana. Devant, Yoane Wissa et Cédric Bakambu portent l’espoir d’une attaque décisive.

Comme en 1987, il faudra du courage, de la discipline et de la foi. Mais si Kinshasa a déjà vibré pour les Léopards, elle peut vibrer encore.


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Conclusion : entre mémoire et avenir

1987 nous a appris que les rêves peuvent devenir réalité, même face à un adversaire redoutable.

En tant que médecin des enfants, je retrouve ce message chaque jour auprès des prématurés qui luttent pour la vie : l’espérance, quand elle est partagée, devient une victoire.

Le Zaïre d’hier a écrit l’histoire. La RDC d’aujourd’hui peut l’écrire à nouveau.


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Dr Bertin Kadima Tshimanga
Quand la passion du football hante “le médecin des enfants”