RDC :  sur fond des tensions entre sympathisants et autorités judiciaires, le sort de Constant Mutamba sera connu ce mercredi devant la Cour de cassation

Constant Mutamba
Constant Mutamba

Le sort de l'ancien Garde des Sceaux congolais, Constant Mutamba dans l'affaire de détournement présumé de 19 millions USD dans le cadre de projet de construction d’une prison à Kisangani, chef-lieu de la province de Tshopo sera connu ce mercredi 27 août 2025. Ce verdict qui sera rendu par la Cour de cassation intervient dans un contexte de tension entre les autorités notamment judiciaires et les partisans ainsi que les sympathisants de l’ancien ministre de la justice.

Après d'intenses veillées organisées devant la résidence de Mutamba à Kinshasa par ses sympathisants et partisans sur fond de mobilisation pour exiger son acquittement, Isofa Nkanga Edmond, procureur de la République près le Tribunal de Grande Instance de Kinshasa/Gombe a, dans une réquisition d'information, ordonné l’ouverture de poursuites contre des individus non identifiés accusés d’avoir diffusé sur les réseaux sociaux des messages « offensants et menaçants » visant des magistrats et incitant à la violence après le réquisitoire dressé dans le procès contre l'ancien ministre Constant Mutamba.

Selon le document consulté par ACTUALITE.CD, le commissaire général adjoint de la police nationale congolaise en charge de la Police judiciaire et le commissaire provincial de la ville de Kinshasa ont été instruits pour « rechercher, appréhender et acheminer » devant la justice, les auteurs de ces publications diffusées notamment sur Facebook, WhatsApp, TikTok, X (ex-Twitter) et YouTube. Ces messages, selon le parquet, constituent des outrages envers un officier du ministère public ainsi que du harcèlement par voie électronique, des infractions prévues et punies par le code pénal congolais et le code du numérique soulignant « l’extrême urgence » de l’opération, enjoignant les forces de l’ordre à traduire rapidement les acteurs mis en cause devant les juridictions compétentes.

Se servant de ce procès, l’Observatoire de la dépense publique a émis de sérieux doutes sur l’impartialité des institutions judiciaires. Dans son communiqué rendu public mardi 26 août 2025, l’ODEP rappelle qu’il s’oppose fermement à tout détournement des deniers publics, mais aussi à l’injustice, relevant le fait selon lequel « cette affaire soulève de sérieux doutes sur le respect des procédures légales et l’impartialité des institutions judiciaires ». Pour l’ODEP, ce procès constituera un test décisif : soit la justice congolaise s’affirme comme indépendante et équitable, soit elle risque de renforcer le soupçon d’instrumentalisation politique, au détriment de la confiance citoyenne et de la consolidation démocratique.

Le Ministère public a requis la peine de 10 ans de travaux forcés pour détournement de 19 millions USD. Il a relevé plusieurs éléments qui soutiennent ses arguments : le recours à la procédure de gré à gré au lieu de la passation des marchés publics, la mise à l'écart par l'ancien Ministre de la Justice de certaines institutions censées le conduire dans cette procédure (notamment le secrétariat général à la Justice), la conclusion du marché des constructions avec la société Zion construct qui n'a pas d'existence juridique, le fait de virer l'argent sur le compte de cette société au mépris de ces règles de procédure, l'exécution du marché sans avoir l'avis de non objection, la fictivité de la société qui est matérialisée par l'absence de siège sociale, l'absence de personnel de cette société, l'absence de garantie bancaire de cette société, etc.

Sur le plan du droit, l'organe de la loi a soutenu que l'acte de détournement a été posé par le prévenu dès l'instant où l'argent a quitté le compte FRIVAO du Ministère de la justice, pour le compte de la société Zion construct. Pour l'élément moral, le Ministère public a soutenu d'abord que le prévenu est un praticien du droit, ayant la connaissance des règles des marchés publics, mais a pourtant procédé en violation de la procédure prévue en la matière. Il a aussi soutenu l'intention frauduleuse par le fait de procéder alors que le Conseil des Ministres, ni la Première ministre n'avait validé de contrat, et sans avoir obtenu l'avis de non objection. Il a aussi ajouté à cela, notamment l'inexpérience de la société choisie et l'inexistence de cette dernière.

C’est ainsi que le Procureur général a requis la peine de 10 ans des travaux forcés à l’encontre de Constant Mutamba, assortie d’une interdiction de 10 ans après l’exécution de la peine, du droit de vote ou d’éligibilité, de la privation du droit à la libération conditionnelle ou à la réhabilitation et de l’interdiction d’accès aux fonctions publiques quel qu’en soit l’échelon.

De son côté, Constant Mutamba, qui plaide non coupable, dénonce un « complot politique » destiné à briser sa carrière politique. Dans son dernier mot, le prévenu a fait prévaloir des convictions chrétiennes qui, selon lui, ne pouvaient pas lui permettre de détourner les deniers publics. Il a affirmé avoir rendu de bons et loyaux services au pays durant son passage au Ministère de la Justice. Les avocats de la défense ont déchargé leur client et demandé à la Cour de l'acquitter. Pour les avocats de la défense, le Ministère Public n'a pas suffisamment produit des preuves qui peuvent conduire à la condamnation de leur client et ont exhorté les juges à dire le bon droit.

Clément MUAMBA