Si elle n’est pas touchée directement par l’activisme de la rébellion AFC/M23, la province de l’Ituri fait face aux exactions persistantes de plusieurs groupes armés locaux et étrangers, compromettant la quiétude et la sécurité des populations de cette région située à l’Est de la République démocratique du Congo.
Selon le nouveau rapport du Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations Unies ( OCHA/RDC ), en octobre 2025, la situation dans le territoire de Djugu est restée marquée par des affrontements armés récurrents, des attaques ciblées contre les civils, des meurtres et d’autres violations des droits humains. Selon la société civile locale, le 2 octobre, un affrontement entre deux groupes armés dans un village situé en périphérie du site de déplacés de Rhoo (Zone de santé (ZS) Drodro) a fait 14 morts, dont sept personnes déplacées.
"Dans la ZS de Jiba, des combats entre deux factions d’un même groupe armé, les 3 et 4 octobre, ont contraint plus de 4 000 personnes à se déplacer vers des villages jugés sécurisés dans la zone de santé voisine de Linga. Dans la ZS de Drodro, environ 10 000 personnes sont restées isolées dans l’aire de santé de Gokpa, avec des besoins multisectoriels non couverts. Les principaux axes commerciaux et l’accès aux champs restent bloqués par les activités des groupes armés, caractérisées par des incursions, des affrontements récurrents et des restrictions de mouvement", renseigne le rapport rendu public mardi 18 novembre.
Selon les autorités et la société civile locales, l’accalmie relative observée sur les axes Limani – Iga Barrière et Nizi –Mangala, la reprise des activités scolaires et la saison agricole ont favorisé le retour de plus de 18 000 personnes en provenance de la périphérie de la ville de Bunia et de la zone de santé de Lita depuis fin septembre. Ces personnes retrouvent leurs villages dans les aires de santé de Lingo, de Lopa (ZS Nizi) et de Mandje, Paty et Bbaya (ZS Mangala) après deux à trois mois de déplacement. Leurs maisons, champs et autres biens de valeur avaient été incendiés et pillés lors des affrontements armés entre juin et juillet 2025.
Des attaques d’éléments armés contre les populations civiles se sont poursuivies en octobre dans le territoire d’Irumu. Selon le rapide OCHA/RDC, depuis le 1er octobre, une série d’attaques armées dans les localités de Manzembi, Mambelenga, Otomabere, Takumanza et Kaduka (ZS Komanda) a coûté la vie à au moins 12 civils, selon des sources locales. Ces attaques, ainsi que des opérations militaires contre des groupes armés, ont provoqué des déplacements pendulaires de populations (estimations encore non disponibles) le long de l’axe Mungamba–Lolwa.
"Sur le plan nutritionnel, depuis plus de deux mois, l’Unité Nutritionnelle Thérapeutique Intensive (UNTI) de Nyakunde est en rupture de stock de produits essentiels, notamment des laits thérapeutiques F75 et F100, selon une alerte du cluster nutrition", ajoute le rapport
La situation humanitaire en Ituri reste marquée par une insécurité persistante, des déplacements massifs de populations et une crise aiguë en matière d’alimentation et de santé. Les attaques des groupes armés ont déjà provoqué la fuite de milliers de personnes dans les territoires de Djugu et d’Irumu, aggravant les besoins en vivres, soins médicaux, abris, eau et protection. À cela s’ajoutent des épidémies comme la rougeole et le Mpox, ainsi que les dégâts causés par des catastrophes naturelles.
Tout comme le Grand Nord, l’Ituri reste confrontée aux attaques répétées des ADF, un groupe armé à l’origine essentiellement ougandais. Actifs depuis près de trois décennies dans l’est de la RDC, les ADF ont prêté allégeance en 2019 au groupe État islamique, qui les présente désormais comme sa branche en Afrique centrale. Malgré les opérations militaires conjointes entre l’armée congolaise et l’armée ougandaise, la menace demeure.
Outre l’activisme des ADF, la province reste minée par des tensions intercommunautaires déjà explosives. Selon plusieurs acteurs locaux, celles-ci sont dangereusement exacerbées par le déploiement de milliers de soldats ougandais depuis février, dont la présence dépasse largement les zones initialement convenues dans le cadre de l’opération Shujaa, menée conjointement par la RDC et l’Ouganda contre les groupes armés actifs dans la région.
Clément MUAMBA