17ème Sommet des affaires États-Unis -Afrique: « Il est temps de remplacer la logique de l'aide par celle de l'ambition et de l'investissement privé » (João Lourenço)

Le Président Angolais João Manuel Gonçalves Lourenço
Le Président Angolais João Manuel Gonçalves Lourenço

Le Chef de l'État Félix-Antoine Tshisekedi séjourne depuis ce lundi 23 juin 2025 à Luanda en Angola où il participe au 17ème Sommet des affaires États-Unis -Afrique (2025, US- Africa Business Summit). Organisé par le Corporate Council on Africa (CCA), ce sommet de Luanda réunit  plus de 1 500 délégués dont des Chefs d’État, des chefs de gouvernement et des ministres africains, de hauts fonctionnaires du gouvernement américain ainsi que des dirigeants d'entreprises américaines et africaines.

« Les voies de la prospérité : une vision commune du partenariat entre les États-Unis et l’Afrique », tel est le thème principal de ce rendez-vous d’affaires. Dans son discours, le Président Angolais João Manuel Gonçalves Lourenço a rappelé que l'Afrique n'est plus un continent doté d'un grand potentiel de richesses minérales, de ressources en eau et en forêts, et d'une croissance démographique sans précédent ; c'est de plus en plus un continent de décisions transformatrices et de projets concrets.

« La nouvelle dynamique nous fait prendre conscience qu'il est temps de remplacer la logique de l'aide par celle de l'ambition et de l'investissement privé. Il est temps de considérer l'Afrique comme un partenaire crédible, riche en ressources, mais manquant de capital financier et de savoir-faire, et désireux de créer des synergies mutuellement bénéfiques. Les États-Unis, qui n'ont jamais participé à la colonisation des pays africains, doivent adopter une vision différente et simple du continent et, par conséquent, considérer que le développement de l'Afrique, grâce à votre contribution, sera bénéfique pour l'Amérique et pour le monde. En unissant nos forces, nous détenons ensemble la clé pour résoudre les deux principales crises qui affectent l'économie mondiale : la crise alimentaire et la crise énergétique », a déclaré João Manuel Gonçalves Lourenço dans son mot de circonstance.

Selon le président du pays hôte, l'Afrique met également un accent sur les minéraux stratégiques, notamment ceux essentiels à la transition énergétique mondiale, dont l'exploitation responsable peut transformer les économies mais aussi les sociétés.

« À cet égard, nous attendons plus que des capitaux ; nous misons sur des partenariats respectueux de la souveraineté de nos pays, qui valorisent le contenu local, favorisent le transfert de connaissances et contribuent à la création d'emplois qualifiés. Ce Forum doit être considéré comme un élément important des relations économiques entre l'Afrique et les États-Unis d'Amérique. Nous entendons et œuvrons à électrifier et, par conséquent, à industrialiser nos pays, en valorisant nos matières premières et en augmentant l'offre d'emplois, afin d'éviter l'exode de nos jeunes, qui constituent notre plus grande richesse, et de les empêcher d'entreprendre la traversée dangereuse et humiliante de la Méditerranée vers l'Europe et d'autres régions, à la recherche d'un emploi et de meilleures conditions de vie » a fait remarquer le président João Lourenço.

À lui de rassurer :

« Du Nord au Sud et de l'Atlantique à l'océan Indien, les investissements structurels se multiplient et façonnent un nouveau paysage économique africain, du corridor de Lobito, qui reliera par voie ferrée le port de Lobito, sur l'océan Atlantique, au port de Dar es Salaam, sur l'océan Indien, et promet de transformer le commerce intra-africain et intercontinental, aux zones économiques spéciales en expansion sur le continent, et aux initiatives en cours pour développer des chaînes de valeur régionales dans des secteurs tels que les minéraux critiques, l'agriculture et l'énergie, pour n'en citer que quelques-uns ».

Afrique, partenaire de stabilité et de vision à long terme

Se référant aux crises récurrentes au monde notamment au Moyen-Orient et en Europe de l'Est, João Lourenço présente le continent africain comme un partenaire de l'avenir mais aussi de la stabilité au niveau mondial.

« Avec plus de 70 % de la population africaine âgée de moins de 30 ans, il n'est pas exagéré d'affirmer que l'avenir de l'innovation mondiale portera également une empreinte africaine, ce qui est déjà en partie le cas. Dans un monde marqué par une instabilité géopolitique persistante, de l'Europe de l'Est au Moyen-Orient, le continent africain, malgré quelques foyers localisés de conflits armés ou de tensions politiques, s'impose comme un partenaire de stabilité et de vision à long terme. Les circonstances extérieures renforcent encore l'urgence d'approfondir nos liens de confiance, de coopération économique et de sécurité stratégique, où le rôle des États-Unis d'Amérique est essentiel, compte tenu de leur rôle unique à l'échelle mondiale », a souligné Joao Lourenço, président Angolais.

Afrique veut encore plus des États-Unis

Toutefois, dans son discours, il a reconnu qu'au cours des dernières décennies, la présence américaine en Afrique a évolué, passant d'une orientation principalement axée sur l'aide à une orientation de plus en plus centrée sur l'investissement privé, l'innovation et la création de partenariats solides.

« Nous souhaitons que l'investissement privé direct américain sur notre continent dépasse l'extraction des ressources minérales conventionnelles et des terres rares, ainsi que le secteur pétrolier et gazier, pour se concentrer également sur d'autres secteurs manufacturiers, tels que la sidérurgie, l'aluminium, le ciment, l'agriculture, la construction navale, l'automobile et le tourisme. Les entreprises américaines présentes aujourd'hui en Afrique, y compris en Angola, bénéficient d'un environnement commercial de plus en plus ouvert, qui protège les investisseurs privés étrangers. Les gouvernements s'engagent à faciliter, à alléger la bureaucratie et à créer les conditions permettant au secteur privé de jouer un rôle moteur dans l'économie. Pour les entrepreneurs américains, l'Afrique est prête, nos gouvernements sont prêts à jouer un rôle de facilitateur et notre secteur privé est prêt à nouer des alliances génératrices de profits, mais aussi de prospérité partagée », a souligné le Président Angolais.

Nouvelle stratégie commerciale des USA

Ce sommet intervient dans un contexte où les États-Unis d'Amérique sont en train de changer de paradigme dans leurs relations avec l'Afrique. En marge de son séjour à Abidjan (Côte d'ivoire), Troy Fitrell secrétaire adjoint par intérim aux Affaires africaines du Département d’État avait dévoilé un plan ambitieux en six points pour dynamiser les échanges commerciaux entre les États-Unis et le continent. Ce nouveau plan incarne la doctrine « trade, not aid » (le commerce plutôt que l’aide) désormais mise en avant-plan par l'administration de Donald Trump.

« Je pense que la principale différence réside dans sa mise en pratique. Et pour être honnête : Washington adore les slogans qui riment, et la stratégie « le commerce, pas l’aide » s’y prête parfaitement. Je préfère parler d’une stratégie axée sur l’investissement. Or, le commerce reflète bel et bien un échange entre partenaires égaux, participants égaux à une activité, contrairement au paradigme axé sur l’assistance que nous avons connu par le passé, qui impliquait un donateur et un bénéficiaire et qui imposait notre volonté de façonner la situation dans un pays plutôt que de la laisser négocier d’égal à égal », avait expliqué Troy Fitrell lors d'un échange en ligne avec la presse.

Et d'ajouter :

« Mais lorsqu'il s'agit des principaux investisseurs à long terme en Afrique, c'est là que se trouve la classe moyenne. C'est là que se trouve la croissance économique. C'est là que se trouvent les retombées. C'est là que se trouve ce qui fonctionne. L'objectif de la stratégie que j'ai exposée dans ce discours est donc de définir comment mettre en avant ce qui fonctionne réellement dans un partenariat avec l'Afrique, et c'est précisément l'objectif de ces six points : mettre cela en pratique. Je pense que nous avons toujours dit que nous le ferions ; il est temps maintenant de le mettre en pratique».

Cette nouvelle stratégie américaine coïncide avec l'implication de l'administration Trump dans la crise sécuritaire dans l'Est de la République Démocratique du Congo. Les USA viennent d'arracher un nouvel accord de paix entre la RDC et le Rwanda. Après l'étape des experts de deux pays, les Ministres des Affaires Étrangères de la RDC et du Rwanda vont signer officiellement cet accord à Washington DC le 27 juin prochain avant la tenue d'un sommet des Chefs d'État concernés autour du Président américain Donald Trump.

Parallèlement à cette démarche, un accord minier entre la République Démocratique du Congo et l'administration Trump est actuellement en négociation.  L'objectif de cet accord est d'attirer davantage d’investissements américains dans le secteur minier congolais. Ce nouveau projet s’inscrit, selon l’administration Trump, dans sa stratégie économique pour le continent africain.

Clément MUAMBA