RDC – M23 : Jean-Baptiste Kasekwa dresse un tableau "sombre" et "catastrophique" de la situation à Goma

Photo Actualite.cd
La ville de Goma

Les violents combats opposant les Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC) aux rebelles du M23, soutenus par Kigali, pour le contrôle de Goma, chef-lieu du Nord-Kivu, ont une nouvelle fois plongé cette province de l'Est de la RDC dans une profonde crise humanitaire, économique et sécuritaire.

Dans une interview accordée à ACTUALITÉ.CD, le député national honoraire Jean-Baptiste Muhindo Kasekwa dresse un bilan "catastrophique" de la situation. Selon ce cadre du parti de Martin Fayulu, la ville de Goma traverse une crise sans précédent.

« C’est un drame sans nom. Les déplacés, contraints de fuir leurs camps depuis samedi et dimanche, errent toujours dans les rues de Goma sous les tirs, sans assistance, sous la pluie. Les femmes et les enfants ne peuvent plus retourner dans les camps, les humanitaires sont partis, et même les familles d’accueil sont à court de vivres. Toutes les routes de ravitaillement sont bloquées, y compris la dernière voie lacustre de Minova », a-t-il dit.

Un des dangers sur le plan sanitaire est la présence de nombreux cadavres en décomposition dans plusieurs quartiers de la ville.

« On parle d’environ 250 corps jonchant les rues de Kituku, Lansapesia, Jescalier. À Katindo, près de l’hôpital provincial, à l’aéroport et à Kihisi, plusieurs centaines d’autres cadavres s’amoncellent. Sans une intervention rapide du CICR pour les enterrer, une épidémie majeure risque d’éclater », alerte-t-il.

Le pillage des entrepôts du CICR, où étaient stockés médicaments et vivres, a encore empiré la crise.

« Le CICR, qui soignait les blessés de guerre dans les hôpitaux, n’a plus de médicaments. Les morgues sont débordées et sans électricité. La situation humanitaire est désespérée », regrette-t-il.

Sur le plan économique, Jean-Baptiste Kasekwa décrit des pillages d’une ampleur inédite.

« Toutes les boutiques et entrepôts de Goma ont été pillés : au centre-ville, à Katindo, à Birere, Joli Hôtel. Les stocks des ONG comme le PAM ont été systématiquement dévalisés. Même dans les quartiers, les magasins sont attaqués », souligne-t-il.

Le chaos est accentué par la libération de prisonniers de Munzenze, qui se sont armés et sèment la terreur.

« Ces ex-détenus, rejoints par des groupes armés et des militaires incontrôlés, pillent tout sur leur passage. Des bandits armés et des ‘kulunas’ terrorisent la population », dit-il.

Jean-Baptiste Kasekwa évoque également la présence de militaires rwandais à Goma, accentuant la confusion et la violence. Sur le plan sécuritaire, l’ex-député déplore l’effondrement total de l’autorité de l’État.

« Depuis dimanche, des militaires rwandais et le M23 ont pénétré plusieurs quartiers de Goma. Certaines zones restent sous contrôle des FARDC, mais sans commandement clair, car plusieurs officiers se sont retirés jusqu’à Bukavu. La ville est devenue une jungle », regrette-t-il.

La panique règne, les combats se poursuivent et les tirs nourris provoquent des morts par balles perdues. Jean-Baptiste Kasekwa critique vivement l’absence de plan d’évacuation pour les civils et les infrastructures stratégiques.

« Ni les officiers ni le gouvernement n’ont prévu de plan de contingence pour protéger la population et évacuer le matériel essentiel. L’ennemi expose volontairement les cadavres pour humilier les Congolais et leur armée. Notre gouvernement doit être tenu responsable », insiste-t-il.

La situation sécuritaire, humanitaire et économique est catastrophique dans la ville de Goma après d'intenses combats entre les Forces Armées de la République Démocratique du Congo et les rebelles du M23 soutenus par l'armée rwandaise. Dans son adresse à la nation, Félix Tshisekedi avait annoncé la planification d'une riposte vigoureuse pour tenter de récupérer les différentes localités sous occupation de la coalition M23-AFC-RDF.

Malgré les appels incessants de la Communauté Internationale et des pays de la région pour le retour des discussions, la situation reste statique et au point mort depuis l'annulation de la réunion tripartite de Luanda. Si Kinshasa croît encore à cette initiative, Kagame semble tourner la page au regard des multiples critiques émises depuis un temps à l'endroit de ce processus piloté par l'Angola.

Clément Muamba