Face à la volonté exprimée par le Président de la République, Félix Tshisekedi, de changer la constitution du 18 février 2006, portée par son parti politique, l'Union pour la Démocratie et le Progrès Social (UDPS), l'opposition lève sans cesse la voix contre cette initiative qui, d'après plusieurs acteurs politiques opposés au régime, est une manœuvre pour le pouvoir en place de s'éterniser à la tête du pays.
Pour sa part, Olivier Kamitatu, haut conseiller de Moïse Katumbi, soupçonne le président de la République de vouloir toucher à l'article 220 de la loi fondamentale, lequel précise les dispositions qui ne peuvent donner lieu à révision, notamment celles liées au nombre et à la durée des mandats du chef de l'État.
« Le président de la République veut, en réalité, déverrouiller l'article 220 qui limite le nombre de mandats, qui considère qu'il ne peut plus y avoir à la tête du Congo un nouveau dictateur qui s'impose à tous les Congolais », a-t-il déclaré dans une vidéo sur X.
L'ancien président de l'Assemblée nationale (de 2003 à 2006) rappelle à Félix Tshisekedi son dynamisme sous l'ère Kabila, de concert avec ses anciens pairs de l'opposition, lorsque le régime passé nourrissait l'ambition de changer l'actuelle constitution. M. Kamitatu se souvient également des martyrs, tels que Rossy Tshimanga, Thérèse Kapangala et d'autres activistes de la société civile, lâchement abattus lors des manifestations anti-changement de la constitution. « Qu'est-ce qu'on va leur dire ? », se demande-t-il, sans réponse.
L'ancien ministre du Plan (2007-2011, 2014-2015) s'étonne, par ailleurs, du revirement de plusieurs professeurs de droit constitutionnel, dont André Mbata, dont les anciennes vidéos, aujourd'hui exhumées, les montrent défendant bec et ongles ce texte qu'ils considéraient, jadis, « plein de modernité, qui affirme la parité entre les hommes et les femmes, qui maintient et impose les droits de l'opposition politique, qui est un compromis entre les unitaristes et les fédéralistes, qui inclut les compétences des provinces, de l'État central, les compétences partagées, qui instaure la conférence des gouverneurs... ».
« Tout cela, devrions-nous le déchirer pour les caprices d'un seul homme, qui veut s'imposer contre la volonté de tout un peuple ? », s'est-il interrogé.
À l'UDPS, le train du changement de la constitution déjà en marche
Le secrétaire général de l'Union pour la Démocratie et le Progrès Social (UDPS), Augustin Kabuya, a annoncé l'organisation d'une manifestation de grande envergure à travers toute la République démocratique du Congo pour soutenir le projet de révision de la Constitution initié par le président Félix Tshisekedi. Dans une série de déclarations publiées sur les réseaux sociaux, M. Kabuya a critiqué les tentatives de l’opposition de semer "la confusion" autour de ce projet et a affirmé la volonté de son parti de mobiliser le peuple congolais en faveur de cette démarche. D'ores et déjà, le parti présidentiel a réalisé un sketch faisant la promotion de cette initiative, dans lequel il montre l'ancien député national et opposant Delly Sessanga parlant également de la question du changement de la constitution.
De leur côté, Martin Fayulu et Moïse Katumbi ont promis de s'opposer à cette ambition de Félix Tshisekedi, dont le mandat touche à sa fin. La Conférence épiscopale nationale du Congo (CENCO) a également exprimé ses réserves, soulignant le risque de déstabilisation sociale et politique d’une telle initiative dans le climat actuel de tensions et de grèves. Le Bureau National du Conseil de l'Apostolat des Laïcs Catholiques du Congo (CALCC) estime que si un tel projet venait à se concrétiser, il le percevrait comme « une tentative de coup d'État constitutionnel, pendant que la population est abandonnée à son triste sort face à des dirigeants qui ne pensent qu'à leurs ventres et à leurs familles ».
Samyr LUKOMBO