Au cœur des rues, entre la résilience silencieuse de Christine Masika et les aspirations à un avenir meilleur pour tous, Beni se prépare à faire entendre sa voix lors des élections à venir, dans l’espoir que ces dernières marquent un tournant vers la paix et le progrès.
Reportage
Dans les ruelles tranquilles du quartier Ngadi à Beni, Christine Masika, une femme âgée de 66 ans, lutte contre le poids de l'âge et les souvenirs douloureux d'une vie marquée par diverses tragédies. Son visage, marqué par le temps et la peine, se reflète dans les gestes laborieux qu'elle déploie pour extraire l'huile dans un moulin à palme. Cette activité, bien qu'éreintante, est son unique moyen de subvenir à ses besoins alimentaires.
Depuis neuf ans, Christine a été contrainte de vivre en solitude, imposée par les rebelles, suite au massacre de sa famille lors des premiers actes de violence des ADF à Beni. Les souvenirs de cette tragédie la hantent encore, et malgré le poids des années, elle aspire à un changement radical. Son souhait le plus ardent est que le prochain président mette fin à ce cycle de violence dévastateur.
« Les assaillants ont tué mes six enfants alors qu'ils étaient à table, sur le point de commencer leur repas. Parmi les victimes, il y avait deux femmes et trois hommes. Depuis leur décès, ma vie est devenue extrêmement difficile. Trouver de la nourriture est devenu un défi quotidien, et ma maison menace de s'effondrer d'un moment à l'autre », témoigne Christine Masika.
Sa vie a basculé : « Mes petits-enfants, devenus orphelins à la suite de cette tragédie, sont désormais une préoccupation constante. Je ne sais pas comment répondre à leurs besoins. Dans notre communauté, j'entends dire que nous devons élire Félix Tshisekedi. Si celui-ci est réélu président du pays, je lui demande instamment de mettre fin à cette guerre dévastatrice. Depuis lors, nous n'avons plus accès à nos champs. Nous sommes incapables de trouver de la nourriture ou même du bois pour nous réchauffer. Si cette situation d'insécurité prenait fin, cela apporterait un immense soulagement à notre communauté, et nous pourrions enfin retrouver un peu de paix pour dormir la nuit », dit-elle.
Christine Masika n'est pas la seule à espérer un meilleur avenir après les élections. Noëlla Kathungirwaki, à la tête d'une ONG locale, prend en charge depuis des années les femmes ayant été otages des combattants ADF. Son appel est simple : elle demande aux autorités une assistance pour encadrer ces femmes traumatisées, mais pleines de volonté. Elles ont besoin, elles aussi, de soutien pour retrouver un semblant de normalité, notamment en ayant accès à l'éducation.
« Parmi ces 88 femmes, certaines ont passé au moins trois, quatre, voire cinq ans dans la brousse, et sont revenues dans la communauté sans disposer du moindre revenu. C'est pourquoi nous les soutenons en leur accordant des microcrédits. Nous suggérons qu'un président élu s'implique activement dans le soutien à ces femmes. Actuellement, nous encadrons au moins cinq femmes issues de ce groupe ayant vécu chez les ADF ; nous les formons à la couture. De plus, d'autres femmes expriment le besoin de poursuivre des études », déclare Noëlla Kathungirwaki, responsable de l'ONG Collectif d'Action Féminine pour les Vulnérables.
À Beni, les défis ne se limitent pas à la sécurité. Dorcas Marhonyi rappelle que, au-delà de l'insécurité, il est crucial que les candidats aux élections abordent la question du chômage des jeunes. Pour cette communauté, la nécessité de créer des opportunités d'emploi pour la jeunesse désœuvrée est une priorité tout aussi urgente que la question de la sécurité.
« Les candidats qui viennent nous parler évoquent uniquement l'insécurité dans leurs discours et oublient qu'il ne s'agit pas seulement du problème de l'insécurité à Beni, mais également du manque d'emploi, voire de l'excès de chômage. Ces candidats devraient également envisager des solutions pour d'autres aspects de la vie que l'insécurité », ajoute Dorcas.
La campagne électorale en cours, lancée le 20 novembre et se clôturant le 18 décembre, est teintée à Beni d'une certaine réserve. Certains candidats manquent de moyens tandis que d'autres font face aux attaques sporadiques des combattants ADF, ce qui rend la campagne timide dans certaines agglomérations de la région.
Yassin Kombi