Lancement de la gratuité de la maternité, Interdiction par le Gouvernement de l'achat obligatoire des fournitures scolaires uniformes et autres objets aux parents, nomination d'un opposant au poste du Premier Ministre par le régime de transition au Gabon ; la semaine qui s'achève a été riche au niveau de l'actualité. Retour sur chacun de ces faits marquants avec Chantal Faida.
Bonjour Madame Chantal Faida et merci de nous accorder de votre temps. Pouvez-vous nous parler de vos activités et votre parcours ?
Chantal Faida : Je suis Chantal Faida Mulenga-Byuma Activiste sociale, analyste des questions politiques et sécuritaires. Fondatrice de l'organisation Uwem Asbl spécialisée dans les questions de promotion de défense des droits humains, gouvernance et leadership féminin.
La semaine a été marquée par le lancement de la gratuité des accouchements à Kinshasa par le Président de la République. Que pensez-vous de cette décision ?
Chantal Faida : Nous avons tous suivi avec satisfaction le lancement des accouchements à Kinshasa. C'est une bonne nouvelle pour les familles congolaises d'autant plus que l'article 47 garantit le droit à la santé et à la sécurité alimentaire. Le Président de la République a comblé une partie de l'article 47 et nous lançons un plaidoyer pour que l'autre partie de l'article soit également comblée, notamment la promotion ou garantie d'une sécurité alimentaire à tous les Congolais. En ce qui concerne la gratuité des accouchements, nous avons noté d'innombrables services qui vont accompagner cette gratuité, en l'occurrence les consultations prénatales, les accouchements simples et compliqués, les consultations post natales et également la planification familiale. Cependant en ce qui concerne la planification familiale, nous avons été informés qu'il y a plusieurs hôpitaux de référence de la ville de Kinshasa qui sont en rupture d'intra en terme de planification familiale, c'est-à-dire tous les intra qui facilitent aux femmes l'accès au service de contraception. Nous aimerions que le Chef de l'Etat puisse se pencher également sur cette question de commun accord avec le Ministère de la santé pour que le Gouvernement puisse faire de cette question de la planification familiale sa priorité et ne pas attendre que ce soit les partenaires et bailleur externe qui puissent doter la RDC des intra en terme de service de planification familiale. Je note également que cette gratuité d'accouchement vient d'être lancée alors que les médecins des hôpitaux et centres de santé sont en grève. Nous lançons un appel au Chef de l'Etat de pouvoir garantir des meilleures dispositions pour que cette gratuité d'accouchement ne puisse pas souffrir de sa mise en œuvre parce que la plupart des accouchements simples ou compliqués font nécessairement appel à l'expertise des médecins et s'ils sont en grève les patientes, les mères, les familles congolaises vont devoir encore débourser des fonds pour aller dans les structures privées.
Le Gouvernement interdit l'achat obligatoire des fournitures scolaires, uniformes et autres objets aux parents. Quel est votre point de vue à ce sujet ?
Chantal Faida : Le Gouvernement a fait un pas très appréciable en donnant une réglementation pour rendre publique sa position par rapport à la marchandisation des services scolaires. J'estime d'ailleurs que c'est ce qui biaise la qualité de l'éducation et cela impacte le moral des parents congolais à chaque rentrée. Cependant nous aurions souhaité qu'en plus de ces mesures, qu'il puisse y avoir un mécanisme de suivi et des sanctions pour les écoles publiques qui dérogeront à cette règle. Aussi, cela permettra de garantir un meilleur fonctionnement pour une assurance effective de la gratuité de l'éducation de base. Nous aurions également souhaité qu'au moment où la gratuité a été lancée, les infrastructures devaient suivre. Avec le programme de développement de 145 territoires, on a suivi qu'il y a beaucoup de territoires qui ont commencé l'année avec un certain nombre d'écoles, mais cela reste toujours insuffisant par rapport au nombre d'enfants qui attendent d'être accueillis dans des meilleures conditions. Il y a également la question des primes et salaires des enseignants qui sont toujours dérisoires par rapport au coût de la vie. Je lance un appel au gouvernement pour que la carrière, le métier d'enseignant, soit revalorisé parce que l'éducation est la clé du développement. S'il y a une baisse de motivation au niveau des enseignants congolais, la qualité d'éducation sera profondément affectée, et pour avoir des dignes et bons patriotes, c'est aujourd'hui qu'il faut investir en eux à travers de l'éducation.
Tueries des civils à Goma, la défense introduit une demande de liberté provisoire des six militaires présumés meurtriers. Partagez-vous le même avis ?
Chantal Faida : Je commencerai d'abord par présenter mes condoléances les plus attristées aux familles des victimes des tueries qui ont lieu à Goma le 30 août à la suite d'une manifestation férocement réprimée. Nous déplorons et condamnons ces actes de recours aux armes pour dissuader la population. Nous avons suivi le procès en flagrance des militaires interpellés comme étant les présumés auteurs d'acte de bavure à l'endroit des populations civiles et nous demandons que ce procès puisse se dérouler en toute célérité et sérieux parce que plus de 50 personnes ont perdu la vie en l'espace de 24 heures. Nous sommes sous le choc et demandons que justice soit faite et que les manifestations soient encadrées comme le stipule notre constitution.
La République démocratique du Congo a saisi le Conseil de sécurité des Nations unies pour solliciter un retrait anticipé de la Mission de l'organisation des Nations unies pour la Stabilisation au Congo (MONUSCO). Avez-vous des recommandations à faire ?
Chantal Faida : Je recommande au conseil de Sécurité pour une fois de traiter cette question avec beaucoup de délicatesse et sensibilité face à ce qui se passe en RDC. La plupart du temps, on a toujours banalisé les demandes du gouvernement et prorogé le mandat de la Monusco, plusieurs personnes affirment que les résultats trainent et se font attendre depuis près de 20 ans. Aujourd'hui la Monusco cohabite avec les forces irrégulières dans certaines parties du territoire du Nord-Kivu et cela est inacceptable. Nous demandons au Conseil de Sécurité d'écouter et de réserver une réponse positive à cette demande du gouvernement congolais. Si la communauté internationale veut assister la RDC, elle devrait le faire à travers son armée techniquement, financièrement et matériellement pour qu'elle puisse assumer avec beaucoup de responsabilité ces attributions qui sont celles de protéger l'intégrité du territoire aujourd'hui menacée et sécuriser les populations.
La République unie de Tanzanie, par le biais de son ambassade à Kinshasa, annonce l'exemption de visa pour les citoyens de la République démocratique du Congo souhaitant pénétrer sur son territoire. Cette mesure arrive peu de temps après celle prise par le Kenya, qui a également décidé d'exempter les citoyens congolais de visa. Quelles seraient selon vous les retombées pour la RDC et les Congolais en particulier ?
Chantal Faida : La nouvelle d'exemption de visa pour les Congolais en partance pour le Kenya et la Tanzanie est vivement saluée et ne fait pas l'objet d'étonnement d'autant plus que la RDC a intégré la communauté de l'Afrique de l'Est. Cependant, nous tirons une sonnette d'alarme pour que notre souveraineté demeure, il serait déplorable que dans le futur, nous ayons des difficultés à gérer les entrées des étrangers et même gérer le niveau de responsabilité des personnes qui choisiront la RDC comme pays de résidence pour des durées plus au moins longues. Il nous faut en urgence une réglementation, une loi ou un décret du Premier ministre qui va règlementer les droits et devoirs des immigrés.
À Goma, Une jeune femme a été tuée par des hommes en tenue militaire à Mabanga Sud pour avoir refusé de céder son sac. Quelles mesures préconisez-vous pour éviter ce genre de drame ?
Chantal Faida : La question de l'insécurité à Goma demeure préoccupante depuis plusieurs années. Ce, en dépit de l'instauration de l'état de siège, c'est ainsi qu'une majorité des habitants de Goma demande la levée de l'état de siège pour que l'administration des civils puissent retrouver leurs postes. Nous condamnons cet acte et nous recommandons aux autorités de prendre les mesures qui s'imposent, c'est-à-dire d'organiser des patrouilles nocturnes, éclairer les avenues et quartiers de Goma, et surtout de pouvoir instaurer des postes de commissariat dans chaque avenue pour que la population puisse être secourue de toute urgence en cas de cambriolage ou même de menace d'assassinat.
Le Général Brice Oligui Nguema, qui a été investi président de transition au Gabon, a annoncé que le Président déchu Ali Bongo peut désormais se rendre à l'étranger pour les raisons médicales s'il le souhaite. Pouvez-vous commenter cette information ?
Chantal Faida : Nous suivons avec attention ce qui se passe à la République du Gabon, un pays membre de la CEEAC dont la RDC est également membre et nous encourageons le pouvoir de transition à organiser une passation ou remise de pouvoir aux institutions ou dirigeants civils étant donné que dans les attributions des forces de sécurité la direction de gestion publique ne relève pas des éléments des forces de sécurité mais bien des partis et regroupements politiques. Et nous saluons les mesures prises par l'actuel président de transition en l'occurrence la liberté de mouvement de l'ancien président Ali Bongo, et même le dialogue organisé pour pouvoir maintenir l'unité et la sauvegarde des intérêts nationaux.
Toujours au Gabon, le Président de la transition a nommé Raymond Ndong Sima opposant au Président Ali Bongo Premier ministre de transition. Pensez-vous que c'est une bonne stratégie de gouvernance ?
Chantal Faida : Nous avons suivi la nomination du premier ministre issu de l'opposition dans le régime de transition au Gabon et nous demeurons observateurs par rapport à la réaction des autres acteurs politiques parce que qui dit Gouvernement de transition dit inclusion et implication de toutes les forces et couches sociales. Nous suggérons qu'il y ait entente au niveau national pour qu'il n'y ait plus de frustration par rapport à ce régime de transition au Gabon.
Propos recueillis par Grace GUKA