RDC : « la haute couture est le symbole du luxe et d’un certain savoir-faire », Charlotte Kambeya

Photo/ Droits tiers
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Styliste-modéliste depuis plus de 20 ans, Charlotte Kambeya a fait la navette entre la Belgique et la RDC avant de créer une maison de couture éponyme basée à Kinshasa. Du choix des tissus à la confection, livraisons ou perspectives, elle se dévoile dans un entretien accordé au Desk Femme d’Actualité.cd.  


Bonjour Madame Charlotte Kambeya et merci de nous accorder de votre temps. Vous êtes styliste et modéliste, responsable de la marque artisanale qui porte votre nom. Qu’est-ce qui vous a motivé à vous engager dans ce secteur ?


Charlotte Kambeya : J’ai  nourri cette ambition depuis ma plus tendre enfance avec une maman couturière. Au fil du temps, j’ai eu la conviction que c’est ce métier que je voulais exercer, que c’est dans ce milieu de la mode que je voulais évoluer. Il a fallu ensuite suivre toutes les filières de formation pour y arriver. La passion que j’ai pour ce métier est ma seule motivation.


Comment est née la Maison Charlotte Kambeya. Pouvez-vous nous parler de votre parcours dans ce secteur?

 
Charlotte Kambeya : La maison est née dans les années 2000. Après des études de haute couture faites à Lyon (France), je me suis installée en Belgique et j’ai pu travailler dans plusieurs maisons de couture. La dernière dans laquelle j’ai évolué, c’est la maison Natan à Bruxelles et parallèlement en étant indépendante complémentaire, la maison Charlotte Kambeya est née. Mais, je me suis retenue d’avoir une grande visibilité pour ne pas exercer de concurrence étant donné que j’étais employée à temps plein pour la maison Natan. J’y ai occupé le poste de responsable d’atelier pendant 16 ans. 

Dans une vidéo sur votre parcours, vous avez dit que « la haute couture, c’est le respect des codes, des règles». Quels sont les principes qui méritent d’être « respectés » ? 


Charlotte Kambeya : La haute couture a effectivement des exigences. Elle est le symbole du luxe et d’un certain savoir-faire. Celui-ci doit respecter des normes telles que la qualité des matières utilisées, de finitions, même le temps de travail sur une pièce est important, le nombre d’ouvriers dans un atelier l’est tout autant. Et ce label est obtenu auprès de la Chambre syndicale de la haute couture de Paris. Ne peut donc pas se prévaloir de travailler  dans la haute couture qui veut. Ce sont vraiment des règles qui sont très importantes et qui méritent d’être respectées. 


Votre retour en RDC a également été motivé par le désir de combler, des lacunes entre le talent de modéliste-styliste et la formation qui se donnait sur place. Pensez-vous y avoir contribué jusque-là ? 


Charlotte Kambeya : j’emploie actuellement des jeunes filles qui sont en formation dans l’atelier de patronage et de montage, et je suis satisfaite de leur évolution. Nous déménageons bientôt pour un site plus spacieux. Cela me permettra de pouvoir doubler, voire tripler l’effectif. Je participe régulièrement à des conférences du secteur de la mode ici à Kinshasa pour faire entendre ma voix, surtout pour encourager les jeunes qui veulent s’y engager à se former davantage , soit par des stages dans les ateliers « sérieux » de la place, soit via des cours en ligne qui existent. Je compte bientôt ouvrir une école de formation à la haute couture.


Quels sont les tissus les plus exploités par votre maison ? 


Charlotte Kambeya : la maison travaille avec des matières qui sont recherchées avec beaucoup d’exigences. La soie, dans toutes ses épaisseurs (de la mousseline ou taffetas), le coton, satiné ou du wax. Nous n’utilisons que des matières « nobles » pour rester dans notre standing de haute couture et de luxe.


Vous habillez la première dame de la RDC. Sur quoi mettez-vous l'accent dans la création de ses tenues? Comment se passe la confection?


Charlotte Kambeya : dans la création des tenues de la Première Dame, il y a bien entendu, beaucoup d'exigences comme vous pouvez l’imaginer. Le souci est de pouvoir satisfaire à ses demandes parce que Madame a elle-même beaucoup d’idées qu’elle nous soumet régulièrement et cela nous aide dans la recherche pour nos propositions. Nous mettons l’accent sur la qualité, sur la différence (ses tenues sont souvent uniques et exclusives aussi bien dans les modèles que dans les matières). La confection se passe normalement à l’atelier. Je m’occupe principalement des tenues de la Première Dame et lorsqu’elles sont faites par l’une des ouvrières désignées, cela se fait en toute discrétion et dans l’anonymat total. 


Lors de sa première visite en RDC, la reine de Belgique, Mathilde d’Udekem d’Akoz avait également porté l'une de vos créations. L'adaptation aux exigences de cette nouvelle cliente a-t-elle été facile pour l'atelier ? 


Charlotte Kambeya : la Reine Mathilde nous a fait honneur de porter l’une de nos créations lors de sa visite en RDC, mais la Reine n’est pas une nouvelle cliente pour moi. Ayant travaillé pour la maison Natan pendant 16 ans, je l’ai donc habillé pendant ces 16 années via la Maison de Couture, ce qui a toujours été un pur bonheur pour moi. Ses exigences, je les connaissais. Elle a tenu à me faire l’honneur de porter une des créations portant mon nom lors de sa visite en RDC. Tout s’est très bien déroulé, la gestion des déplacements pour les essayages entre Kinshasa et Bruxelles étaient un peu compliqués mais tout s’est bien déroulé, toujours dans le grand secret et dans l’anonymat car on ne peut pas dévoiler les tenues de sa Majesté avant le jour-j.

 
Vos créations portent des noms tels que Broca, Guipura, TAFFETA, Fitiz, ou Malia. Quelles sont vos sources d'inspiration ? 


Charlotte Kambeya : les sources d’inspirations pour les noms des modèles dépendent toujours des collections. Vous remarquerez que pour les chemisiers blancs, nous avons un thème différent de  celui des robes longues, pour lesquelles nous avons nommé selon les matières (…)La collection du défilé était inspirée de fleurs et de pierres précieuses. 


Résumez en trois mots vos créations ? 


Charlotte Kambeya : Raffinées, Élégantes, Intemporelles. 


Que faut-il, selon vous, à une styliste-modéliste pour se prévaloir de la haute couture en RDC ? 


Charlotte Kambeya : il est écrit partout à Kinshasa devant les ateliers,  la mention  « haute couture ». Il serait important que nos stylistes modélistes aient le souci du respect de ce label, et cherchent surtout à en connaître les exigences. La qualité des finitions, du choix des couleurs de fils et surtout la coupe avec un patron seraient un bon début. L’intérieur d’un vêtement doit être aussi beau que l’extérieur. Bref, le souci du détail et de la perfection.


Vous avez organisé votre tout premier défilé à Kinshasa le 25 février. Un retour sur cet évènement ?


Charlotte Kambeya : ce fut un travail de longue haleine, une très longue préparation. De la création des modèles à la recherche des tissus, cela nous a valu plusieurs déplacements étant donné qu’à Kinshasa nous ne trouvions malheureusement pas les belles matières avec lesquelles nous voulons travailler. Au niveau de l’organisation, la recherche du cadre idéal, des mannequins, rien n’a été laissé au hasard (…) En fin de compte, il y a eu une grande satisfaction, les invités étaient au rendez-vous et tout s’est bien déroulé. Mes ouvrières ont aussi pu voir le résultat de leurs efforts. Je tenais au travers de ce défilé à montrer à cette équipe, à ces jeunes filles encore en formation qu’avec de la persévérance, on peut arriver à un résultat comme celui-là, pas à Paris, ni Milan mais bien à Kinshasa 


Un dernier mot ?    


Charlotte Kambeya : je ne suis jamais satisfaite de ce que je fais. Je souhaiterais contribuer à la remise à niveau de nos écoles techniques section coupe & couture, les accompagner pour une révision des programmes, afin que nous puissions atteindre un niveau digne de notre beau et grand pays.

Propos recueillis par Prisca Lokale