«Cher Saint père François, au-delà de la prière, il faut nous aider dans la diplomatie pour mettre fin aux massacres qui nous troublent », ce que les victimes attendent du Pape François

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Des déplacés, respecapés à la cathédrale de Butembo.

Comme chaque mardi, ils étaient des dizaines de déplacés ayant répondu présents à la causerie morale (séance de moralisation et de distribution d’aide rendue disponible par des personnes de bonne volonté) qui se tient chaque semaine dans la salle flambeau de la cathédrale Mater ecclésiale de Butembo (Nord-Kivu). Parmi eux, des rescapés des massacres et autres actes de violences commis par des groupes armés dans l’est, notamment dans la région de Beni où, depuis plus de 8 ans, les rebelles des Forces démocratiques alliées (ADF) massacrent des civils, poussant ceux qui s’échappent, à trouver refuge dans des familles d’accueil où ils peinent à trouver quoi mettre sous la dent. Alors que la RDC accueille depuis ce mardi 31 juillet (quatre jours) le Pape François, ACTUALITE.CD est allé à la rencontre de ces rescapés qui n’ont pas pu faire le déplacement à Kinshasa pour exprimer leurs  cris d’alarme au Souverain pontife. A ce dernier, ils n’ont que deux attentes : la prière et l’appui diplomatique à la RDC pour aider le pays à faire taire les armes.   

Kavugho, a perdu 4 de ses proches dans une attaque des ADF en chefferie de Bashu, voisine à Butembo. Aujourd’hui, elle veille sur deux orphelins de son fils et sa belle-fille massacrés. Larmes aux yeux, elle a exprimé ce qu’elle attend du Pape François.

«Nous souffrons tellement. Nous avons abandonné nos champs et nous ne trouvons plus quoi mettre sous la dent alors qu’on vivait bien dans nos villages. Aujourd’hui nous passons nuit en brousse, nous avons des orphelins qu’on peine à nourrir.  Qu’il (le Pape François) nous aide dans la prière pour que la paix revienne au Congo. Nous n’avons plus rien à faire. Que Dieu nous aide. J’ai la foi que Dieu peut facilement écouter sa prière, qu’il nous aide, qu’il donne de la force à nos militaires, à nos autorités étatiques pour qu’ils parviennent à rétablir la paix au Congo ».

Kambale Vivuya Giscard, 37 ans, est l’un des rescapés des massacres des civils à Beni. En 2018, alors qu’il était au champ avec sa famille à Samboko, près de Eringeti, les ADF les ont surpris, ligotés, décapité sa femme, avant de le laisser partir avec ses deux enfants. Réfugié à Butembo, Giscard traverse une vie misérable qui ne lui fait pas oublier la cause de son exode : les massacres de Beni.

«C’est vrai, les rescapés vont témoigner devant le Pape à Kinshasa. Mais ce sont des cris de détresse que nous lançons depuis longtemps. Régulièrement, des journalistes passent recueillir nos témoignages, mais nous ne savons pas si on se fait entendre. C’est vrai, le Pape va prier pour la paix, il faut vraiment qu’il prie pour nous pour que les massacres finissent. Aussi, s’il a des connaissances, des liens avec d’autres pays du monde, qu’il toque pour que la paix soit rétablie dans notre pays. Il faut qu’il nous aide, qu’il fournisse d'efforts pour demander à d’autres Etats de nous venir en aide pour en finir avec cette guerre.  Nous n’avons pas besoin de beaucoup de choses. Nous n’avons que besoin de la paix. Car ici (dans l’est du Congo), nous sommes des travailleurs, nous savons bien nous débrouiller, nous cultivons suffisamment pour nourrir nos familles. Si on met fin à la guerre, tout ira bien. Nous savons que le Pape est un grand, une grande personnalité, et il a un carnet d’adresses riche. Il peut facilement échanger avec les présidents des Etats-Unis, de la France, de la Russie et ceux d’autres pays, et il peut leur témoigner qu’il revient de la RDC où les gens sont massacrés, les gens souffrent, pour que ces nations nous aident à ramener la paix. Nous sommes convaincus qu’il est à mesure de mobiliser le monde pour notre cause. Au-delà de la prière, il faut aussi des actions. Nous voulons le voir mobiliser le monde pour appuyer nos militaires en vue de casser ceux qui nous troublent. Qu’il nous aide vraiment dans la diplomatie ».  

Yoha Nyasavo Bibiche. Il y a six mois, elle a vu son fils massacré par des rebelles ADF à Mungamba (Ituri).

«Cher Saint Père François, aidez-nous, s’il vous plaît, à en finir avec cette guerre qui nous trouble. Nous aimerions voir le Pape nous rassurer que plus jamais ces actes ne se commettent au Congo. Car il a la force de mobiliser le monde entier pour en finir une fois pour toute. Qu’il nous aide à trouver une solution à son niveau pour qu’on ne puisse plus revivre ça. Qu’il nous aide aussi à mobiliser les  bonnes volontés pour qu’ils nous viennent en aide, en attendant la fin de la guerre. Nous n’avons plus de toit. Manger, s’habiller, c’est devenu un casse-tête.  Nous avons besoin de l’assistance, en plus de celle que nous recevons ici à l’Eglise catholique (de Butembo) qui est insuffisante ».

Kyakimwa Mahamba a vu sa fille et son beau-fils tués par des ADF à Ndalya.

«J’apprends que le chef de l’Eglise (Catholique, ndlr) vient au Congo. Tout ce qu’il doit faire, c’est d’aider notre pays à en finir avec la guerre pour qu’on retourne chez nous. La vie que nous menons est pénible. Nous sommes devenus comme des shégués (enfants de la rue, ndlr), alors qu’on vivait aisément quand on était chez nous. L’essentiel pour nous, c’est de nous aider à mettre fin à la guerre, pour que nous accédions à nos récoltes. On ne savait pas quémander de la nourriture comme on le fait aujourd’hui. A chaque fois que nous voulons regagner nos champs, on apprend qu’on a de nouveau tué des gens. Même ce mois-ci (janvier), on a tué des gens en Kabrique près de mon champ. Nous n’avons plus besoin de simples dénonciations. Nous avons besoin de la paix. Celui qui nous  aidera à en finir avec cette guerre nous aura tout donné».    

Dans son discours au Palais de la Nation à Kinshasa, le Pape a déclaré: « Une diplomatie de l’homme pour l’homme, de peuple pour le peuple doit se déployer ».

Claude Sengenya