Elle a été élue bâtonnier au cours d’une Assemblée générale ordinaire et élective, à Matadi. Sur trois candidatures, Cherine Luzaisu Lusienge a obtenu 655 voix, pour l’ensemble des 1.111 votants. Ce 17 octobre, elle revient sur les temps forts de la campagne et ses ambitions pour le barreau du Kongo-central.
Bonjour Madame Chérine Luzaisu et merci de nous accorder de votre temps. Vous venez d’être élue bâtonnier au barreau du Kongo-Central. Quelles sont vos ambitions pour ce poste ?
Chérine Luzaisu : Je suis très satisfaite de mon élection à ce poste et je remercie les avocats qui par leur vote ont démontré leur attachement aux valeurs immanentes du barreau. Je compte numériser le barreau du Kongo Central. Nous devons nous adapter au numérique. Ce ne sera pas en un clin d’œil, mais nous allons y arriver. Le numérique offre de multiples possibilités et notre clientèle est de plus en plus hyperconnectée. Il faut aussi que l'on puisse avoir des grandes discussions pour que les barreaux au niveau national puissent aussi s’adapter aux Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication. Nous devons améliorer la visibilité de notre barreau avec un site internet régulier. Nous allons travailler sur la sécurité sociale de l’avocat (santé, retraite), sa sécurité professionnelle (une protection à tous les niveaux), améliorer son environnement de travail. Il faut vraiment que l’avocat soit respecté dans l’exercice de son métier, qu’il y ait aussi respect mutuel entre l’avocat et ses partenaires de justice. Il faut aussi de la discipline aussi pour sauvegarder la cohésion dans le corps. Nous allons aussi investir dans la formation continue des jeunes avocats pour qu’ils soient compétitifs et s’adaptent aux exigences du métier. Nous allons leur accorder l’écoute et le soutien pour qu’ils soient créatifs, innovants et qu’ils brillent. Le barreau doit se battre pour son indépendance. L’indépendance dans notre exercice de plaider (devant les Cours et Tribunaux), indépendance dans l’exercice d’assister les clients (devant les parquets, la Police, surtout les services de renseignement).
Qu’est-ce qui vous a motivé à postuler à ce poste ?
Cherine Luzaisu : j’ai été membre du Conseil de l’Ordre à trois reprises. Cela revient à dire que je connais le barreau. Au regard de certaines réalités et certains défis que j’ai constatés, je me suis dit que le moment était idéal pour moi de prendre le bâton (en effet seul le bâtonnier propose un programme). Selon le principe, un membre du barreau peut avoir des bonnes idées de réforme et des initiatives qui peuvent aider le barreau du Kongo-Central à prospérer, mais seul le bâtonnier peut décider de les traduire en actions. Mon expérience, mon expertise et ce constat ont été ma grande motivation.
Quels ont été vos plus grands défis ?
Cherine Luzaisu : j’ai rencontré beaucoup de contraintes. J’ai dû batailler pour obtenir ce poste. Il y avait en face de moi, des milliers d’avocats, des candidats hommes. Il fallait battre campagne. J’ai élaboré un programme objectif et réaliste. Malheureusement en tant que femme, j’ai fait face à des clichés (sexistes ndlr). Là où il fallait des argumentaires objectifs, j’ai été confrontée aux argumentaires subjectifs. Par exemple, le fait que je sois une femme ne me permettais pas d’occuper un tel poste (bâtonnier), alors que pour devenir avocate je n’ai pas été confrontée à cette question. Mon maitre de stage me disait que sous la robe d’avocat, il n’y a pas de sexe. Mais j’ai rencontré cette réalité au cours de la campagne.
Vous étiez l’unique candidate et vous devenez la première femme à avoir été élue à ce poste. Que représente cela pour vous ?
Cherine Luzaisu : cela représente une partie du couronnement du combat de la femme avocate, la reconnaissance de ses compétences et capacités en lieu et place des arguments sexistes. J’ai réussi à obtenir le soutien des hommes qui ont cru en moi, en mon programme et qui ont accepté de m’accompagner. Il y a plus d’hommes au sein de mon barreau que de femmes. Ces hommes genrés ont compris que le développement ne devrait pas reposer sur un critère subjectif mais que l’on devrait parler compétences et capacités. Or, je réponds à ces critères. Je suis très satisfaite parce que c’est une bataille que j’ai remportée haut la main.
Un retour sur votre parcours ?
Chérine Luzaisu : cela va faire 22 ans, depuis que j’exerce en tant qu’avocate. J’ai toujours travaillé d’une manière ininterrompue, c’est-à-dire que je n’ai pas exercé un autre métier en dehors de celui-ci.
Il faut noter que Cherine Luzaisu Lusienge est la première femme bâtonnier de l’ordre du barreau du Kongo-central et deuxième femme bâtonnier en RDC, après Rose Ntumba Kaja du barreau de Lubumbashi, actuel barreau du Haut-Katanga. Le quorum étant de 574 voix, Me Cherine Luzayisu, avec 655 voix a été proclamée, bâtonnier du barreau près la cour d’appel du Kongo Central pour les trois prochaines années. Elle remplace à ce poste, Alain Mavambu Nsimba Mawete.
Lire aussi : Kongo Central : maître Cherine Luzayisu Lusienge première femme élue bâtonnier
Propos recueillis par Prisca Lokale