RDC : Face à l'isolement "inédit" du pays, à quand la réconciliation nationale, promesse du chef de l'Etat ? 

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Félix Tshisekedi

La RDC serait-elle, depuis quelques mois, dans un isolement diplomatique "inédit" ? Pas un moindre soutien explicite des organisations intergouvernementales à caractère politique, y compris celles qu'elle dirige, depuis la détérioration de la situation sécuritaire dans l'Est du pays dont la cité de Bunagana s'avère l'image emblématique. 

Pékin et Moscou sont-ils des « amis » de Kinshasa comme c'est prétendu ci et là? La Chine, qui a présidé le conseil de sécurité des Nations Unies en août dernier, n'a pas fait avancer le processus en vue de la tenue, à la demande très pressante de la RDC, d'une réunion des quinze membres pour se pencher sur « la présence et les opérations » de l'armée rwandaise dans l'Est du pays, clairement établies dans le dernier addendum du Rapport de juin 2022 du Groupe d'experts des Nations Unies sur la RDC. 

La Russie, autant que la Chine, n'a pas empêché, en fin juin, le vote de la reconduction du dispositif de notification préalable que la RDC considère, à tort ou à raison, comme une entrave à l'approvisionnement en armes et munitions. Lors du vote, ces deux pays, pourtant membres permanents du conseil de sécurité, s'y sont abstenus, en défaveur de la RDC. Nettement. 

Le 17 août à Kinshasa, dans une formule langagière creuse, le Sommet de la SADC « a manifesté son inquiétude et sa solidarité au sujet des événements récents liés à la sécurité dans la partie Est (...) » sans condamner les producteurs de cette insécurité ni l'agression dont est victime la RDC.

Le 25 juillet à Kinshasa, au Sommet de la CEEAC, dont sont notamment membres la RDC et le Rwanda, les chefs d'État et de Gouvernement ont dit adhérer à la « Feuille de route de Luanda ». Le milieu du village. De quoi conforter Kigali. Assurément.  

Dans son adresse du 31 août au conseil de paix et de sécurité de l'Union africaine, le ministre RD congolais des Affaires étrangères n'a pas pu dissimuler sa déception pendant qu'il évoquait la situation sécuritaire qui « n'a guère évolué positivement, en dépit de recommandations de votre Conseil et des positions fermes prises par la Commission de l'Union Africaine et le Conseil de Sécurité des Nations Unies (...) ». A qui cela profite-t-il ? En tout cas, pas à la RDC. 

   Côté EAC (East Africa Community/Communauté de l'Afrique de l'Est), à laquelle la RDC a officiellement adhéré cette année, le processus de « soutien » à Kinshasa est, depuis le 20 juin 2022, suspendu de fait à l'issue du processus électoral au Kenya dont le président sortant en avait donné l'impulsion. Peu avant la fin de son second et dernier mandat. 

Lélection confirmée de William Ruto, l'opposant du sortant, réputé proche de l'Ouganda, et percevant le Congolais comme un « fainéant » et « ambianceur », ne semble pas assez rassurer quant à un engagement accru de son pays en vue d'une prompte opérationnalisation de la Force régionale envisagée pour neutraliser les groupes armés actifs dans l'Est du pays.  

Entre-temps, c'est le statu quo à Bunagana et consorts. Tandis que les ADF, à bout de souffle, refusent de mourir. 

Complètement. 

La situation humanitaire demeure critique tandis que le PDDRC-S (Programme de désarmement, démobilisation, relèvement communautaire et stabilisation) peine à prouver son efficacité faute de financements. 

Ce qui nuit à l'accélération de la pacification et de la sécurisation de l'Est du pays. 

Par ailleurs, la province de Maï-Ndombe fait parler d'elle non sans détresse suite à des conflits intercommunautaires aux lourdes conséquences fâcheuses en termes de morts et de blessés. Cette situation est d'autant plus préoccupante qu'elle remet en cause la stabilité, souvent présentée, de l'Ouest du pays comparativement à l'Est. 

En outre, intervenant loin des espaces frontaliers, elle est susceptible de faire battre en brèche la pertinence du narratif du gouvernement pointant du doigt des pays voisins décrits comme étant la principale source de déstabilisation de la RDC. 

Divisés à l'interne, sur des bases partisanes, « ethniques et sociologiques », les Congolais doivent gagner le pari de constituer un véritable et patriotique front commun de défense de l'État congolais contre les menaces exogènes et endogènes qui pèsent sérieusement sur sa stabilité et sa puissance. Ce, pendant que la Commission électorale redoute le report des élections prévues en fin 2023, et que l'affaire "vingt-et-un mille dollars américains (21 000 USD)" continue de provoquer une pollution sonore dans les rues particulièrement de la capitale congolaise. De quoi exposer les Congolais, dont les uns sont contraints d'expérimenter au quotidien la misère tandis que d'autres disposés de se la couler douce, à l'exaspération du « strabisme politique » sur l'État auquel ils s'identifient.  

Pour assurer et renforcer l'unité nationale face aux menaces sécuritaires, et assurer la cohésion nationale face aux enjeux nationaux axés, entre autres, sur la consolidation de la démocratie et la gestion des tensions sociales, la réconciliation nationale s'impose. « Nous ferons de la réconciliation nationale l'une de nos priorités. Nous sommes convaincus de l'urgence de mettre en place rapidement une véritable procédure d'écoute et de dialogue dans l'ensemble du pays en prélude à un Forum de réconciliation qui réunira toutes nos forces vives », avait promis le Président de la République, Félix Tshisekedi, dans son discours d'investiture prononcé le 24 janvier 2019. Ce d'autant plus que, comme l'a préconisé le Chef de l'Etat à son avènement à la tête de la République, « La Paix repose aussi sur la capacité de chaque citoyen à être le pilier de notre système démocratique basé sur un fonctionnement sain et efficace des institutions » dont le train de vie tarde de passer du voeu à la réalité. Hélas ! 

Face à tant de maux dont souffre le pays en quête de compassion internationale pour mettre durablement un terme aux violences armées, vieilles de près de trente ans dans l'Est, la réconciliation nationale pourrait, si elle est bien pensée et préparée, permettre de guérir tant soit peu « Le Congo, malade de ses hommes : crimes, pillages et guerres » (Patient Bagenda Balagizi, 2003). De quoi permettre aux Congolais de résister avec succès à l'isolement "inédit" de leur pays. 

Par Lembisa Tini (PhD)