RDC : l’actualité de la semaine vue par Chantal Faida

Photo/ Droits tiers
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De la déchéance du ministre nationale de l’économie à l’adhésion de la RDC au sein de la Communauté des états de l’Afrique de l’Est, en passant par l'élimination des Léopards lors des matchs de barrage pour la Coupe du monde, la semaine qui s’achève a été riche au niveau de l’actualité. Chantal Faida commente chacun de ces faits marquants. 

Bonjour Madame Chantal Faida et merci de nous accorder de votre temps. Depuis la dernière rétrospective réalisée avec vous, y a-t-il des choses qui ont changé dans votre parcours ? 

Chantal Faida : Je suis très honorée de pouvoir commenter cette semaine qui a été mouvementée dans plusieurs domaines. Au niveau de mon parcours, j'ai une réalisation dont je suis fière. Le 18 février j'ai lancé la création du prix Femme inspirante à Goma. Notre organisation Uwema Asbl a décerné des diplômes d'excellence à 25 femmes courageuses et inspirantes dans leurs domaines respectifs : l'activisme social, l'entrepreneuriat,  la philanthropie,le tourisme, l'environnement, la culture, les médias et  la politique. Les efforts de 3 organisations engagées pour la défense des droits spécifiques des femmes ont été reconnus. Le prix a été instauré  pour appliquer cet adage qui dit : aux femmes les plus fortes, puissions-nous les reconnaître et les élever et donner aux jeunes générations des modèles à imiter pour l'émergence de notre pays.

La semaine a été marquée par la déchéance au niveau de l'assemblée nationale, du ministre de l'économie Jean-Marie Kalumba suite à la flambée des prix des biens de première nécessité et le dossier d'importation des chinchards de la Namibie. Que pensez-vous de cette décision du parlement ? 

Chantal Faida : je salue l'exercice démocratique vécu à l'Assemblée Nationale. Depuis des temps immémoriaux, le contrôle parlementaire était rare dans le chef de nos élus et la déchéance d'un membre du gouvernement était une utopie. Les griefs reprochés au ministre de l'économie sont légitimes d'autant plus que la flambée des prix des biens de première nécessité entame considérablement le pouvoir d'achat de la population qui endure encore les crises liées à l'insécurité, l'éruption volcanique, la Covid19, etc. Toutefois, l'opinion reste sur  sa soif et souhaite voir le rapport du contrôle parlementaire qui a conduit à cette déchéance et ainsi voir les prix des biens et services baisser. Car les hommes passent mais les institutions restent. Si le Ministre Kalumba est remplacé et que les prix des biens ne baissent pas, les élus demanderont le départ de son successeur. Au final, c'est le cadre macroéconomique de la RDC qui doit être analysé. 

Jean-Marc Kabund, vice-président de la chambre basse du parlement a  officiellement déposé sa démission. Quel est votre avis à ce sujet ? 

Chantal Faida : la démission du premier vice-président de l'assemblée nationale après sa déchéance par ses collègues au début de ce mandat révèle un malaise politique au sein de l'Union Sacrée de la Nation. Comment comprendre qu'un poste récupéré il y a peu soit abandonné quelques mois après ? Un autre questionnement c'est l'interdiction formelle de commenter l'actualité politique pendant son séjour médical à l'étranger. Un acteur politique a toujours des avis sur la marche de la Nation, à fortiori un représentant du peuple. Toutes ces questions sont posées par l'opinion. Surtout le motif avancé dans sa lettre de démission, conviction politique ? Quelle est donc cette conviction qui amène à la démission quand on est dans la même famille politique que le chef de l'Etat ? Donnons le temps au temps mais le peuple souhaite une cohésion de la classe politique pour que l'émergence soit au rendez-vous dans notre pays. 

Des nouvelles attaques des M23 ont été signalées cette semaine dans le Rutshuru au Nord-Kivu. Les habitants qui avaient quitté les villages Mugingo, Gasiza, Chengerero, Rugamba, Kibote, Baseke, Kabindi ont commencé à rentrer jeudi. Que représentent ces attaques en plein état de siège selon vous ? 

Chantal Faida : notre douleur est grande quand les offensives militaires perdurent ou renaissent au Nord-Kivu, et partout ailleurs. Depuis le début de la mutualisation des forces entre les FARDC et les UPDF, le territoire de Rutshuru est secoué par des attaques sporadiques mais non sans conséquences humanitaires. L'opinion s'interroge sur l'efficacité des opérations militaires en cours. Comment comprendre qu'une offensive du mouvement rebelle M23 soit lancée 4 mois après une autre attaque du même mouvement. Ceci montre que les rebelles n'avaient pas été défaits mais repoussés. Cette stratégie, ce mode opératoire expose les populations qui ne cessent de se déplacer à chaque nouvelle attaque. Un pays qui a toutes les institutions en place et qui fonctionne n'abandonne pas sa population entre les mains d'agresseurs véreux. Que l'article 16 de la Constitution qui consacre la dignité humaine soit appliqué dans toutes ses dispositions. J'exprime ma solidarité avec la population de Rutshuru et salue l'annonce des sanctions des officiers des FARDC qui ont défailli dans leurs missions sur le front au Nord-Kivu.

Quelles peuvent être vos propositions pour la réussite de l’état de siège ? 

Chantal Faida : les résultats de l'état de siège sont mitigés. On peut saluer les victoires militaires enregistrées, cependant ces victoires étaient vécues au temps de l'administration civile. Avant la proclamation de l'état de siège, le nombre des groupes armés était à  peu près de 100 selon plusieurs rapports crédibles. Combien de groupes ont été vaincus ce jour? Si près de 50% ont été neutralisés, l'opinion souhaite connaître lesquels. 
La recommandation que je soutiens est la requalification de l'état de siège pour permettre un contrôle des institutions provinciales par le parlement provincial et de poursuivre les réformes du secteur de la sécurité et la dotation des ressources suffisantes et nécessaires aux forces de sécurité.

A Lubumbashi, dans le Haut-Katanga, de nouvelles manifestations ont eu lieu cette semaine, contre la décision du maire de la ville interdisant les taxi-motos à circuler dans le centre-ville. Quel est votre avis à ce sujet ? 

Chantal Faida : leur revendication est compréhensible mais pas dans un État sérieux. La réglementation de la circulation routière est une directive salutaire en même temps pour les conducteurs et les usagers de la voirie urbaine. La ville est un milieu à forte densité démographique, d'où l'urgence des mesures de réglementation élaborées en associant la cible concernée. Les décisions gouvernementales unilatérales sont à proscrire pour prévenir les contestations populaires de la cible plutôt que d'encourager des actions concertées avec les parties prenantes.

Dans son programme d’ambassadeur de la culture congolaise, l’artiste musicien Koffi Olomide prévoit une proposition de loi instaurant une journée nationale de la Rumba. Quel est votre point de vue concernant cette initiative ? 

Chantal Faida : La rumba est un patrimoine immatériel inexploité en RDC. Étant déjà inscrite comme patrimoine de l'Unesco, envisager un soubassement de la rumba au niveau national est logique et constitue une idée géniale. La seule chose dont il faut absolument s'assurer est le respect des valeurs communes partagées et la diffusion des contenus instructifs et ainsi bannir l'abrutissement de la jeunesse par la musique obscène, avec exhibition de la nudité des danseuses sous prétexte d'écouler rapidement les cassettes.

La rencontre opposant la RDC au Maroc s'est soldée par un score de 1-4 en faveur du Maroc. La RDC s’est faite disqualifiée pour la Coupe du Monde Qatar 2022. Comment avez-vous accueilli cette nouvelle ? 

Chantal Faida : sans surprise, nos onze nationaux ont été disqualifiés. Le contour de la préparation de la qualification pour la coupe du monde Qatar 2022 était entaché de beaucoup d'amateurisme. Non seulement nos joueurs internationaux n'ont pas eu suffisamment de séances d'entraînements avec les locaux, le sélectionneur n'a pas aligné les meilleurs que nous avions. Sa démission est attendue par plus d'un quand on sait que sa rémunération frise une discrimination comparé au coach Florent Ibenge. Le football a connu beaucoup d'innovations techniques et nous devons nous adapter et arriver à imposer un système de jeu professionnel qui surprend l'adversaire. Ne nous attendons pas à un miracle si en amont il n'y a pas un travail rigoureux qui est fait. Je saisis cette opportunité pour lancer un appel à l'aide de la fédération féminine du football congolais pour qu'au moins en cas de disqualification de l'équipe nationale masculine on puisse être consolé par les léopards femmes qui ont un talent incroyable mais sont accompagnées de manière injuste quand il faut analyser le budget qui leur est alloué. Il y a lieu ici de rappeler à nos autorités de songer à rénover les infrastructures congolaises pour que nous soyons alignés parmi les pays africains capables d'organiser les grandes compétitions mondiales et africaines d'ici 10 ans. Nous en sommes capables.

Au niveau régional, la RDC est désormais membre effectif de la Communauté de l’Afrique de l’Est – East African Community (EAC). Parmi les avantages de cette adhésion, il y a notamment le fait que la Communauté de l’Afrique de l’Est pourrait bénéficier de droits de douane au rabais ou carrément supprimés. Que pensez-vous de ceci ? 

Chantal Faida : Notre intégration à la Communauté de l'Afrique de l'Est devra marquer un tournant décisif aux invasions récurrentes subies du point de vue sécuritaire.

" Face au danger d'autodestruction, que l'humanité comprenne que le temps est venu d'abolir la guerre, de l'effacer de l'histoire humaine avant qu'elle n'efface l'homme de l'histoire " disait Pape François

Du point de vue économique, il y a ce débouché de près de 400 millions d'habitants, un grand challenge pour nos entrepreneurs qui doivent innover leur modèle d'affaires pour résister. Pour les consommateurs, une forte réduction des prix pourra être observée car il y aura une forte concurrence. Un accompagnement public des entrepreneurs locaux par des facilités fiscales et autres avantages est vitale pour la survie des entreprises congolaises. On peut déjà noter une forte concurrence d'entreprises angolaises face à celles congolaises dans la partie ouest de la RDC depuis l'effectivité de la ZLECAF.

Un dernier mot ? 

Chantal Faida : c'est un plaidoyer lancé à l'endroit du parlement congolais pour que lors de cette session de mars, le système de quota temporaire soit adopté en vue de favoriser le nombre de femmes dans les postes électifs et nominatifs et combler le déséquilibre historique de représentation homme-femme vécu dans notre pays et dont les raisons sont expliquées par plusieurs défis juridiques, culturels, économiques, politiques et psychologiques. Les nations émergentes sont celles où l'apport de la femme est sollicité dans tous les domaines vitaux. 

Propos recueillis par Prisca Lokale