De l'adoption du budget 2022 à une promesse de construction d'un village en RDC par le le Rwanda, en passant par la Cour constitutionnelle qui s'est déclarée incompétente dans l'affaire Bukanga-Lonzo, la semaine qui s’achève a été riche en événements. Ce 21 novembre, le Desk Femme vous propose un décryptage de quelques faits marquants avec Sandrine Lusamba.
Bonjour Madame Sandrine Lusamba et merci de nous accorder cet entretien. Pouvez-vous nous parler de votre parcours et de vos actions ?
Sandrine Lusamba : je suis coordonnatrice nationale de la Solidarité féminine pour la paix et le développement intégral (Sofepadi) qui a pour mission de promouvoir et défendre les droits spécifiques des femmes et des enfants. Nous menons des actions à travers le pays, orientées vers la prise en charge holistique (médicale, psychologique, juridique et la reinsertion socio-économique, réinsertion scolaire pour les enfants SVV en âge scolaire )des survivantes des violences sexuelles. Jeune femme leader, engagée dans les questions humanitaires.
Au cours de cette semaine, le Rwanda promet un "village moderne" estimé à 30 millions USD à la RDC, pour notamment répondre aux besoins des familles victimes de l’éruption du Nyiragongo. Que pensez-vous de ce projet ?
Sandrine Lusamba : oui, nous sommes en train de suivre cette information venant du Rwanda. En soi, l'idée n'est pas du tout mauvaise. Mais, est-elle bien reçue par nos communautés ? Est-ce que nos autorités ont bien nourri cette réflexion pour que ce projet soit acceptée par la communauté ? À chaque fois que nous mettons en place de nouveaux projets, nous nous battons à notre niveau pour que la population se sentent impliquée et adhère par son accompagnement pour que ces projets soient un succès. Et je me dis, par cette proposition du Rwanda de construire un village, est-ce que le besoin est réel ? Est-ce qu'il va semer la semer la division entre nos populations ou viendra-t-il les unir ? Les potentiels bénéficiaires sont-ils disposés à le recevoir ? Il y un tas de questions que nos autorités méritent de se poser avant de lancer ce projet.
En justice, la Cour constitutionnelle s'est déclarée incompétente dans l'affaire Bukanga-Lonzo mettant en cause l'ancien Premier Ministre Matata Ponyo et ses co-prévenus. Cela n’empêche pas cependant, qu'une autre action soit menée pour les mêmes faits devant la juridiction compétente pour juger chacun des prévenus. Que pensez-vous de la décision de la haute Cour et quelles sont vos attentes pour la suite du dossier ?
Sandrine Lusamba : je pense que ce sont des dossiers emblématiques. Ils devraient montrer la volonté politique de rassurer la population en termes des sanctions, dans le cas où les accusations de détournement s'avèrent ou des conclusions apportées au cas où les accusations sont fausses. Ces genres de décisions nous poussent à croire que certains dignitaires se retrouvent dans une position de suprématie et n'accomplissent pas les missions qui leurs sont assignées, en se disant qu'il n' y a aucune instance qui pourra les interpeller. Et donc, c'est un dossier pour lequel, nous devrions savoir qu'est-ce qui n'a pas marché ? Qui est le fautif ? Quelle est la sanction ? pour servir de leçons aux autres dignitaires congolais.
Dans l’affaire Chebeya, la Haute Cour militaire s'est estimée suffisamment éclairée. Elle a clôturé l’instruction et renvoyé l'affaire au 1er décembre pour les plaidoiries des parties civiles et le réquisitoire du ministère public. Quelles sont vos recommandations pour la prochaine étape ?
Sandrine Lusamba : ici également, nous souhaitons que la justice fasse son travail et établisse toute la lumière sur ces meurtres.
En Sécurité, 26 enfants, dont 5 filles âgées de 14 à 17 ans ont été séparés d’un groupe armé appelé Rassemblement Congolais contre l'Occupation et la Balkanisation (RCCOB) grâce à une initiative de la MONUSCO au cours de ce mois de novembre. Quels mécanismes faudrait-il mettre en place pour décourager le recrutement d’enfants au sein des groupes armés ?
Sandrine Lusamba : le travail doit encore être fait dans ce sens. Je pense qu'il y a beaucoup d'enfants qui sont recrutés par les groupes armés et utilisés de plusieurs manières (en tant que porteurs des colis, en tant qu'éclaireurs,...). Cela detruit leur psychologie. Même après les avoir récupéré, il faudra qu'ils soient reéduqués, reconstruits pour qu'ils soient utiles à la société. Nous espérons que ces 26 enfants seront soumis à un programme de reinsertion sociale, d'un accompagnement psychologique sérieuse. Ils ont certainement subi des situations traumatiques, qui ont manqué le parcours normal de leur enfance.
Il s’est tenu hier à Kinshasa, une conférence sur le rôle de la femme dans le recrutement et l’utilisation des enfants par les groupes armés. Vous y avez également pris part. Selon vous, quel est le degré de cette participation de la gent féminine en RDC ? comment la rendre plus efficace ?
Sandrine Lusamba : la femme joue un rôle très considérable en tant que mère et porteuse des valeurs. Et cette conférence a démontré une nouvelle fois combien les enfants demeurent vulnérables. Officiellement, les FARDC ont déclaré qu'il n'y a à ce jour aucun enfant dans les rangs de l'armée. Mais, au delà du recrutement au sein de l'Armée ou de la Police, il faudrait aussi s'interroger si les hommes en uniforme ne continuent pas à se rendre coupables des violations des droits de l'enfant. Nous avons vu sur les réseaux sociaux, les images d'enfants être poursuivis pour le port du masque, pour une manifestation contre la grève des enseignants, il y a vraiment un travail à faire. Et il faut que dans chaque structure, le gouvernement, la société civile et tous les acteurs mettent en place une politique de protection des enfants. Les énoncés doivent être clairs en termes de traitements, de la prise d'images, des décisions impliquant les enfants. Sur le plan juridique, que le Gouvernement parvienne à identifier et sanctionner les auteurs de ces violences à l'égard des enfants.
En ce moment, un mouvement de déplacement des habitants du village de Mikenge (territoire de Mwenga) au Sud-Kivu, est observé après l’attaque des miliciens twirwaneho et ngumino dimanche dernier contre des déplacés, faisant 8 morts. Quelles recommandations feriez-vous auprès des autorités locales ?
Sandrine Lusamba : c'est un mouvement qui s'observe dans plusieurs coins du pays. C'est à cause de l'insécurité que toutes ces familles abandonnent leurs biens et leurs terres, elles se retrouvent parfois dans les camps de déplacés, les camps de fortune où l'appui n'arrive pas tous les jours, où les conditions de cohabitation ne sont vraiment pas bonnes. Je pense que le plus grand rôle est celui du gouvernement, de rétablir la paix dans ces régions.
En Sports, les Léopards ont gagné au score de 2-0 contre Benin, le week-end dernier. Il reste deux matches (un aller et un autre au retour) pour passer en phase finale du mondial Qatar 2022. Quelles sont attentes par rapport à ces matches ?
Sandrine Lusamba : leur parcours jusqu'à ce niveau est une fierté pour toute la nation. En ce qui concerne les prochaines rencontres sportives, je leur souhaite de remporter. Nous sommes ensemble.
Le Chef de l’Etat a promis de décorer les léopards séniors hommes, s’ils parvenaient à se faire qualifier. Pendant ce temps, en octobre dernier, faute des moyens pour leur déplacement vers Malabo (en Guinée-Equatoriale), les Léopards seniors dames ont été sanctionnées par un forfait dans le cadre des éliminatoires de la Coupe d’Afrique des Nations (CAN). Que pensez-vous du traitement de ces équipes de football congolaises ?
Sandrine Lusamba : c'est une situation honteuse et décourageante que traversent les femmes dans le sport congolais. À tous les niveaux, il n'y a pas une bonne prise en compte de la volonté des femmes sportives. Il faut pourtant donner les mêmes chances aux sportifs quel que soient leurs sexes parce qu'ils travaillent tous à redorer le drapeau national.
Un dernier mot ?
Sandrine Lusamba : Merci beaucoup.
Propos recueillis par Prisca Lokale