RDC-Beni : de 10 mille FC à plus de 500 dollars, Djamila N'simire gagne sa vie grâce à la friperie

Photo/ Droits tiers
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Depuis 2014, plusieurs familles sont systématiquement endeuillées dû au contexte sécuritaire qui prévaut dans la région de Beni, dans l'Est de la RDC. En dépit de cette situation, nombreuses sont les personnes qui essayent tant bien que mal d'avancer. N'simire Djamila, fait partie de cette jeunesse qui veut à tout prix réussir. Depuis quatre ans, elle vend de la friperie. Portrait.


Dans le quartier Matonge situé dans la commune Mulekera, Djamila N'simire est vendeuse dans le magasin de sa grande sœur Fanny.

Entourée de ses copines et d'une dizaine de clients, Djamila expose la fripe du jour : « Aujourd'hui je suis revenue du marché en retard parce que il pleuvait, j'ai tout de même pu trouver quelques habits pour mes clients », s'explique Djamila.

« J'apprécie ce qu'elle vend, parce qu'elle propose des vêtements très classes qu'on ne trouve pas ailleurs. Je suis l'une de ses plus fidèles clientes . Cela va faire un mois que j'achète chez elle, c'est une femme très accueillante, elle sait comment orienter une personne. Quand on achète chez elle, on se sent à l'aise dans ce qu'on porte», confie Astrid Bondele.

Djamila N'simire fait la friperie depuis 2017, en quatre ans elle a initié ses deux grandes sœurs et une cousine qui  à leur tour sont devenues indépendantes et  constituent une référence dans la ville : « C'est depuis l'année passée que je suis leur cliente, juste parce qu'elles ont l'oeil sur le choix, mais aussi leur prix sont abordables », affirme Merveille Kimputu.

Djamila, un modèle à suivre

En plus de ses sœurs, le courage de Djamila a motivé d'autres filles de la ville. A Béni, le commerce est  à la mode parce qu' on y gagne beaucoup d'argent.

« Ma petite sœur étudiait avec Djamila. Elle m'a conseillé de faire la même chose que Djamila pour ne pas rester les bras croisés. Nous n'avions que 100 dollars dans notre caisse. Premièrement, nous avons  d’abord arrangé la boutique qui appartient à nos parents. Ensuite, je me suis rendue compte que je n’avais pas suffisamment d'argent sur moi, j’ai demandé de l'aide à maman pour pouvoir utiliser le congélateur familial et être en mesure de vendre de l'eau et du jus. Lorsque j'avais environ 40 dollars, j’ai commencé aussi à trier les habits comme Djamila. J'ai ainsi pu résoudre plusieurs besoins personnels et le reste de l'argent m'a permis d'aider mes petits frères à la maison car c'est moi l'aînée de la famille», renseigne Nyclette Kina.

Quel est le secret de Djamila ?

Djamila N'simire a aujourd'hui 20 ans, elle est étudiante en économie à l'Université officielle de Semuliki (UOS), elle se souvient de ses débuts :« L'idée m'est venue lorsque j'étais en deuxième secondaire, à l'époque j'étudiais à l'institut Bungulu. A mon retour de l'école je passais au marché Kilokwa pour acheter quelques habits et aller les vendre à mes amies en ville.  Je dois reconnaître qu'à mes débuts,  je ne prenais pas mon métier au sérieux, car tout ce que je gagnais comme argent j'achetais des beignets à l'école pendant la récréation, c'est à partir de la quatrième secondaire que j'ai commencé à considérer ce que je faisais comme une source de revenu.»

Djamila a commencé son petit commerce avec 10 mille francs congolais, aujourd'hui elle a un capital de plus de 500 dollars.

« J'avais une amie qui me devait 20 dollars, quand elle m'a payé, je suis passé au marché pour acheter deux blouses foulards négociées chacune à 1000 FC, deux pantalons tissus négociés chacun à 1500 FC. Je suis ensuite retournée  en ville, je les ai facilement vendus et je me suis fait un profit de 20 000 FC. Cela m'a encouragé à  chercher à gagner », révèle-t-elle.

Les challenges rencontrés

« Dans ce métier il y a beaucoup de difficultés car ce n'est pas tous les jours que nous vendons. Certains clients achètent les habits à crédit pour l'échéance de deux ou trois semaines. Et, ce n'est pas tout le monde qui tient sa parole. Certains préfèrent prolonger l'échéance à un mois ou deux mois et à la fin il y a des clients qui ne te payent même pas et c'est toi qui en ressort perdant ».

Les conditions dans lesquelles elle pratique son commerce ne sont pas encore satisfaisantes et ne coïncident pas encore avec ses rêves. Djamila aimerait avoir sa propre boutique: « actuellement, je vends mes habits dans la boutique de ma grande sœur, à l'avenir j'aimerai ouvrir ma propre boutique».

A Béni, la vente des habits et boissons est pratiquée par les jeunes filles entrepreneurs, mais les questions persistent autour de la provenance de leur capital.

« Nous connaissons plusieurs filles à Beni qui ont des boutiques mais la source de leur capital reste douteuse. Quand on compare le niveau de son business et les revenus de sa  famille, on constate très rapidement que que la famille n'est pas en mesure de lui donner un tel capital pour qu'elle commence un business. Malheureusement ces filles tirent leur capital dans de salle affaires. A voir Djamila, on se dit que ce n'est pas le cas pour elle, voilà pourquoi il faut savoir encourager ceux qui n'ont rien pour qu'elles aillent», explique Sarah Kisangani.

Pour l'expert en économie, Guy Komanda, enseignant dans plusieurs universités dans le grand Nord-Kivu, il est important d'entreprendre une activité tout en gardant une bonne réputation : « Que Djamila ne confonde pas son chiffre d'affaires avec son bénéfice, ce qui demande une certaine discipline. Qu'elle continue à prouver que l'entrepreneuriat peut être fait tout en conservant une bonne réputation », conseille le chef des travaux Guy Komanda.

Aujourd'hui, dans la ville de Beni meurtrie, l'entreprenariat reste indubitablement l'un des nombreux leviers qui permet aux jeunes filles d'acquérir à la fois l'indépendance et participer au développement de la région.

Yassin Kombi