De l'ouverture du procès Bukanga Lonzo aux audiences concernant les cas de viols des détenues à la prison centrale de Kasapa, en passant le manque de consensus entre le banc syndical des enseignants et le gouvernement et l'ouverture de la COP26... la semaine qui s’achève a été riche en évènements. Retour sur ces faits marquants avec Joëlle Mbamba Kona Matadiwamba.
Bonjour Madame Joëlle Kona et merci de nous accorder de votre temps. Pouvez-vous nous parler brièvement de votre parcours?
Joëlle Kona : je suis avocate de profession depuis 2009, inscrite au tableau de l'ordre du barreau de Kinshasa/Matete. Actuellement conseillère diplomatique du Président de l'assemblée nationale. Je suis également activiste des droits humains et cofondatrice du mouvement citoyen Filimbi. Je suis aussi Présidente en RDC de l'alliance internationale des femmes avocates, AIFA-RDC en sigle, lancée le 31 mars 2021 via une conférence pour clôturer le mois dédié à la femme. Depuis, en tant qu'association à vocation socioprofessionnelle, nous nous déployons dans différentes provinces où nous avons des barreaux. En partenariat avec ces derniers, nous organisons des conférences et des formations. La dernière conférence remonte au mois d'août. Nous l'avons organisée avec des confrères venus du Cameroun. Au niveau social, nous sommes en pleine campagne de sensibilisation des jeunes à Kinshasa. Nous agissons aussi en partenariat avec le Ministère de la santé pour la sensibilisation des avocats, magistrats et personnels du corps judiciaire, huissiers de justice, pour la vaccination contre le Covid 19.
La semaine a démarré par l’ouverture du procès de l’ancien Premier ministre Matata Ponyo, l’ancien ministre des finances Patrice Kitebi ainsi que le gérant de la société Africom, à la Cour constitutionnelle pour le dossier de détournement des fonds affectés à la réalisation du projet du Parc Agro-industriel Bukanga-Lonzo. Quelles sont vos attentes et vos recommandations à ce sujet ?
Joëlle Kona : nous attendons de ces dossiers une justice équitable où les droits de la défense sont garantis, avec la possibilité pour chaque partie de se défendre comme il se doit. C'est cela l'Etat de droit.
L'ambassadeur britannique en RDC Emily Maltman encourage la RDC à investir dans le secteur du transport avec des véhicules électriques. Quels seront les défis de ce projet pour le gouvernement congolais selon vous ?
Joëlle Kona : les véhicules électriques sont économiques et écologiques en même temps. Choisir les véhicules électriques vous coûte moins chers: en termes d'entretien, de carburant et surtout cela permet de lutter contre la pollution de notre planète. C'est le véhicule du futur, mais il faut y mettre les moyens pour pouvoir les commercialiser en RDC, pas seulement dans la fabrication mais aussi et surtout, l'électricité, l'entretien par des garages équipés (on sait tous comment nos mécaniciens fonctionnent ), et des routes adéquates et praticables.
Par rapport à la Cop 26, quelles sont vos attentes et le rôle que doit jouer la RDC ?
Joëlle Kona : À l'échelle du monde, les émissions de gaz à effet de serre ne cessent d'augmenter. La température de la planète a déjà augmenté de 1°C par rapport à l'ère pré-industrielle (en 150 ans). Les premiers signes du changement climatique sont déjà visibles. Nos saisons ne sont plus telles que nous les avons connues il y a 20 ans. Chaque État doit exposer sa politique de développement bas-carbone en présentant un plan concret de réduction de gaz à effet de serre. La RDC est l'une des réserves mondiales de gaz naturel, une politique d'aménagement du territoire doit être développée ainsi que de gestion et protection de nos ressources naturelles et de l'écosystème. A cet effet, Aifa/Rdc prévoit une conférence en janvier sur les enjeux de l'environnement dans le développement de la RDC.
Denis Kadima et son équipe ont officiellement pris les commandes de la CENI le 29 octobre, en dépit des contestations contre sa nomination. Quelles sont vos attentes auprès de cette équipe ? Que faut-il pour garantir des élections crédibles et transparentes en 2023 ?
Joëlle Kona : mes attentes sont celles de toute la population, du concret, un travail sans faille et des résultats crédibles.
Parmi les 12 nouveaux membres, 4 sont des femmes. Que pensez-vous de cette représentation féminine ? Quel rôle devraient-elles jouer ?
Joëlle Kona : déjà j'adresse mes félicitations à tous les membres, hommes et femmes. Pour la représentation de la femme, je pense que c'est lié à nos réalités socio-religieuses. La femme n'est pas souvent consultée quand l'église est au centre, c'est une réalité. En société, la place de la femme dans les institutions a été fixée par une loi, celle sur la parité ! Cela démontre à suffisance que c'est la résultante d'une bataille pour implanter effectivement cette politique d'inclusion tant prônée par nos dirigeants. Les mentalités évoluent et j'en suis plus que ravie. Le pays ne peut se développer sans la femme, c'est indéniable. Aux femmes désignées à la CENI je dis, que le monde observe, nous attendons d'elles de la bravoure, un travail méticuleux et acharné, des résultats évidemment.
Concernant la gratuité de l’enseignement, les cours ne sont toujours pas dispensés dans les écoles primaires publiques. Le dialogue entre gouvernement et ban syndical n’aboutit pas. Quelles solutions proposez-vous ?
Joëlle Kona : la gratuité n'est pas un simple slogan, nous devons nous battre pour donner la chance à chaque enfant congolais d'étudier convenablement : c'est notre responsabilité à tous, c'est la responsabilité de l'État congolais et c'est l'engagement du Président de la république.
Maintenant, il faut s'organiser : les enseignants doivent être correctement payés. Tout travail mérite salaire, la Constitution de la RDC le dit mieux, et ils sont également parents avec leurs dépendants et charges. Trouver un accord est le passage obligé, les enfants doivent étudier! Nous poursuivons notre campagne de sensibilisation dans les écoles en sachant qu'à tout moment, les cours vont reprendre. Nous attendons des responsables qu'ils agissent dans l'intérêt supérieur de l'enfant, nous sommes convaincus qu'ils prendront les bonnes décisions et surtout, à l'avenir, organiseront en amont toutes ces choses pour éviter une énième grève. Gouverner c'est prévoir dit-on!
« En pensant à nos frères victimes de la barbarie, le président Tshisekedi a évoqué la nécessité d’ériger des temples du souvenir » a écrit le porte-parole du gouvernement après la visite du mémorial de la Shoah Yad Vashem par le président de la République. Pensez-vous que le gouvernement devrait songer à la construction de ces monuments en RDC ? Quel en serait le message ?
Joëlle Kona : le devoir de mémoire est très important, puisque parfois nous parlons de la souffrance à l'Est sans nous rendre réellement compte de ce que cela implique concrètement. Il est important que le gouvernement puisse mettre en place des mécanismes pour traiter le problème de fond: éradiquer les impétrants qui causent cette peine à notre nation et sécuriser totalement notre territoire. La justice est le socle d'un véritable état de droit et nous avons des milliers de victimes qui en ont besoin, sans compter une prise en charge sérieuse dans tous les aspects possibles. Tout cela donnera du sens à ce mémorial je pense.
Une année après des viols sur les détenus femmes à la prison centrale de Kasapa (Haut Katanga), les audiences ont démarré le 28 octobre . Quelles sont vos recommandations à la justice ?
Joëlle Kona : Les viols sont des infractions très graves car elles attentent à la dignité, à l'honneur, à la pudeur, à l'intégrité physique et morale en même temps. Les viols laissent des séquelles qui détruisent à la longue l'humanité, un sentiment d'insécurité et d'infériorité difficile à guérir. Une prise en charge sérieuse des victimes doit être organisée par l'État et une justice sans faille ni complaisance doit être administrée. Aucune femme, aucune personne ne doit être privée de sa liberté de dire Non! c'est au-delà de tout, un droit naturel indiscutable ! Luttons tous contre le viol et la justice doit sévir.
En sport, la RDC participe à la 21ème édition des championnats du monde à Belgrade en Serbie. Quelles sont vos attentes ?
Joëlle Kona : je pense que le secteur du sport n'est pas traité à sa juste valeur et je trouve cela dommage car nous avons des talents, des héros qui pourraient redorer l'image de ce pays dans ce secteur, hélas, la prise en charge n'est pas ce qu'elle devrait être. Le suivi doit être amélioré, et un accompagnement lors des compétitions doit être organisé. C'est vraiment mon souhait car je côtoie des sportifs avec notre club Lawyer sport de l'union des jeunes avocats. Quant à nos compétiteurs, comme le dit si bien l'honorable Christelle Vuanga, donnez le meilleur de vous-même et rendez-vous au sommet !
Propos recueillis par Prisca Lokale