RDC:CODELT affûte ses armes pour obtenir "légalement" l'annulation de l'arrêté sur l'abattage et la vente des espèces protégées

Maître André Hilaire Kashikisha
Maître André Hilaire Kashikisha, Directeur Exécutif de CODELT/PH. ACTUALITE.CD

Le Conseil pour la Défense Environnementale par la Légalité et la Traçabilité (CODELT) s'est dit choqué par l'arrêté interministériel n°006/CAB/MIN/EDD/2020 et n° CAB/MIN/FINANCES/2020/09 du 24 juillet 2020 portant fixation des taux des droits, taxes et redevances à percevoir à l’initiative du Ministère de l’Environnement et Développement Durable, en matière de faune et de flore.

Dans une interview accordée à DESKNATURE.COM ce lundi 26 juillet, cette organisation de la société civile environnementale explique que l'arrêté interministériel révèle le peu d'intérêt que les autorités congolaises accordent à leurs propres engagements internationaux et leurs propres lois nationales. Cette disposition viole notamment la convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction (CITES), aussi appelée Convention de Washington.

"Je suis sous le choc puisque cet arrêté traduit, à mon estime, le peu d'intérêt accordé aux engagements internationaux que notre gouvernement a pris à travers à la convention CITES qui porte sur les espèces sauvages menacées d'extinction (...) Quand nous voyons notre ministre national de l'environnement, celui-là même qui devrait protéger, prendre un arrêté qui contredit toute logique idoine dans le cadre de la conservation et qui autorise l'abattage des espèces emblématiques du pays qui sont totalement protégées. Nos propres lois ont été violées par cet arrêté qui n'a pas tenu compte qu'il y a des espèces totalement protégées et hors commerce", s'inquiète Maître André Hilaire Kashikisha, spécialiste en droits de l'environnement et Directeur exécutif de CODELT.

Un désastre pour les espèces endémiques et emblématiques

L'arrêté du ministre de l'Environnement et son collègue des Finances expose la biodiversité de la République démocratique du Congo à des conséquences désastreuses jamais subies depuis des décennies.

"La première conséquence c'est que nous aurons des problèmes avec la convention CITES parce que les conventions internationales ont une primauté sur nos lois nationales.La deuxième conséquence, je peux citer certains espèces qui sont considérées au niveau national comme des espèces phares et emblématiques qui nécessite une protection particulière de la part de notre Etats qui se retrouve aussi reprises sur cette liste. Leur présence ici signifie que quelqu'un peut les abattre dès lors qu'il a payé le montant repris et obtenu une quittance.Je peux donner l'exemple de points 6,7 et 8 où on cite différents types d'éléphants qui peuvent être abattus moyennant le payement de 2885$. Au point 13, on reprend l'Okapi. C'est une espèce actuellement menacée d'extinction. Nous avons également le rhinocéros blanc qui est une espèce totalement disparue que les services du ministre ont placé dans cette liste. Cela signifie qu'au cas où un seul spécimen apparaîtrait il pourrait être abattu.Je peux citer encore les points 46,47 et 48 qui reprennent les pengolins qui sont des espèces totalement protégées. Je peux même citer le point 57 qui reprend le paon congolais qui est une espèce emblématique qui mérite une protection la plus rigoureuse. Donc le danger auquel on expose ces espèces, c'est d'abord le danger de leur extinction", explique  Maître André Hilaire Kashikisha, spécialiste en droits de l'environnement et Directeur exécutif de CODELT.

Et d'ajouter :

"C'est une autorisation tacite d'une forte pression anthropique sur ces espèces qui ne jouiraient pas de la même protection que si elles n'avaient pas étaient reprises sur cette liste".

L'annulation : une mission perdue d'avance ?

À ce jour, obtenir l'annulation cet arrêté interministériel tend vers un combat perdu d'avance pour les défenseurs des droits d'environnement.

La première difficulté est le fait que le délai pour introduire un recours administratif devant le Conseil d'État est largement dépassé.

Toutefois, selon le principe de parallélisme de formes et de compétences, seule l'autorité signataire d'une décision a le droit de l'annuler. C'est dans contexte que le Le Conseil pour la Défense Environnementale par la Légalité et la Traçabilité (CODELT) a approché l'Institut Congolais pour la Conservation de la Nature (ICCN) afin que ce dernier écrit officiellement à la Vice-Premier de l'Environnement et Développement durable pour obtenir l'annulation.

"Notre approche d'actions se passe toujours dans une logique institionnelle c'est-à-dire la logistique basée sur le respect des normes légalement établies. Nous n'avons aucune récrimination contre ceux qui ont pris cet acte. Nous ne nous attaquons pas personnellement à ceux qui ont pris cet acte mais nous attaquons à l'acte même à la fois en étudiant sa légalité ou non. Il nous faut trouver vite un palliatif pour remédier à cette situation dangereuse. La première difficulté est qu'il y a forclusion du délai pour obtenir l'annulation de cet arrêté au conseil d'État parce que l'arrêté a été publié le 24 juillet 2020 et on est le 26 juillet 2021, il s'est passé tellement de temps puisque le délai est de 3 mois. Comme nous privilégions toujours les approches institutionnelles, nous avons approché l'ICCN. Nous avons convenu qu'il adresse une lettre à la Vice-Premier ministre de l'Environnement pour lui demander d'annuler cet arrêté", poursuit Maître André Hilaire Kashikisha.

En cas du refus de la VPM d'annuler, Le Conseil pour la Défense Environnementale par la Légalité et la Traçabilité apprête un mécanisme juridique encore plus contraignant afin de parvenir à l'annulation de l'arrêté.

"CODELT mûrit une autre réflexion sur un mécanisme juridique plus contraignant encore qui pourrait toujours aboutir à l'annulation de cet arrêté", rassure le Directeur exécutif de CODELT.

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Auguy Mudiayi