RDC : « je reçois parfois des appels anonymes, m’obligeant à abandonner le dossier », les défis quotidiens de l'Avocate Fidèle Kanyinda

Photo. Droits tiers

Son visage et son nom ont défrayés la chronique lors du procès de la jeune fille de l’école Révérend Kim, ou encore dans le procès opposant la jeune fille surnommée Annie à son bourreau, un officier militaire. Fidèle Kanyinda a consacré son temps et son énergie à défendre les droits des victimes des violences sexuelles. Dans cet entretien sans fard au desk Femme de Actualite.cd elle explique les défis auxquels elle doit faire face. 



Bonjour Maitre Fidèle Kanyinda et merci d’avoir accepté de nous accorder cet entretien. Vous êtes reconnue, à Kinshasa surtout, pour votre accompagnement dans les procès opposants les victimes des violences sexuelles à leurs bourreaux. Qu’est-ce qui vous a motivé à vous engager dans ce secteur ? 



Fidèle Kanyinda : je suis une activiste des droits de l’homme et secrétaire générale adjointe dans une ONG dénommée APPRODEF (association pour la protection et promotion des droits des femmes), je suis une femme engagée qui a accepté de défendre les faibles.


Quels sont les défis que vous rencontrez en tant qu’avocate? 

 

Fidèle Kanyinda : il y en a plusieurs, je rappelle aux femmes et filles, ce qu’elles doivent faire en cas de violation de leurs droits. Lorsque j’accepte de prendre la défense des victimes, souvent c’est à mes risques et périls. Je subis parfois des menaces directement ou indirectement (des appels anonymes, m’obligeant d’abandonner le dossier, l’inconnu qui m’indique l’adresse de mon domicile et qui me prévient qu’il passera à l’acte si on n’abandonne pas.) et bien d’autres. 


Vous est-il déjà arrivé de vous engager dans un tel procès et le gagner aussi ? 

 

Fidèle Kanyinda : oui, je gagne des dossiers, mais le paiement des dommages et intérêts à la partie civile, pose problème parfois.


Qu’est-ce qui arrive lorsque le procès devient de plus en plus long ? A quoi cela est-il dû ? 

 

Fidèle Kanyinda : cela se résume à ce que nous appelons en Droit « les manœuvres dilatoires ». Souvent les avocats de la défense conseillent mal leur client, préfèrent tirer en longueur une affaire pendante en justice. C’est notamment le cas de la victime de révérend Kim. Les avocats de la défense ont fait un pourvoi en cassation pour une simple décision de remise, alors que le juge en cassation a 3 mois pour examiner la requête, une fois qu’il rejette la demande, tel était le cas, il vous renvoie à la juridiction où l’affaire était appelée. Et là-bas, il y a encore toute une procédure à suivre parce que l’affaire est renvoyée, vous devez recommencer à payer pour que les parties soient notifiées, surtout qu’il faut que l’assignation soit signifiée à la bonne personne (art 3 du code de procédure civile), parfois on est buté au problème de moyen, souvent les victimes sont des personnes en difficulté financière (le cas de la victime de révérend Kim) Toutes ces procédures prennent du temps et en droit, il y a des délais qu’il faut respecter, les avocats le font exprès, question de retarder l’affaire, 3/10 poursuivent jusqu’à l’aboutissement du dossier, les autres abandonnent.


Qu'est-ce qui constitue les obstacles  à l’aboutissement favorable d’un procès ? 

 

Fidèle Kanyinda : Les manœuvres des avocats de la défense, le manque des moyens pour la partie victime, l’abandon pour menaces etc...


La loi congolaise vous facilite-t-elle la tache ? 


Fidèle Kanyinda : tout  est prévu mais l’applicabilité de ces lois pose problème.


Pour finir, quels mécanismes faudrait-il mettre en place pour que toute femme et fille victime de violences sexuelles obtienne justice en RDC ? 


Fidèle Kanyinda : tout  commence par la sensibilisation. Il faudrait apprendre aux victimes à briser le silence, peu importe la position ou le statut du bourreau dans la société. Maintenir et appliquer la peine de mort à ceux qui seront reconnus coupables de viol et assassinat de leurs victimes, (cas d’un jeune homme qui a donné la mort à sa copine, après l’avoir rendu grosse, dans la commune de Ngaliema). 



Fidèle Kanyinda, avocate au barreau de Kinshasa-Matete a eu un parcours brillant depuis l’école maternelle, lauréate en latin-philo, elle a obtenu 3 distinctions à l’Université Libre de Kinshasa où elle a passé son cursus académique. En octobre 2017, elle a été retenue comme assistante et elle preste dans la faculté de Droit de cette même université.

Propos recueillis par Prisca Lokale