RDC : Bernadette Vivuya, une photojournaliste qui utilise l'image pour raconter la vie

Photo. Droits tiers

Basée à Goma (Chef-lieu du Nord-Kivu), Bernadette Vivuya est artiste et journaliste. Son travail porte essentiellement sur les questions des droits humains, l'environnement et l'exploitation des matières premières.  Elle a à son actif, des dizaines de reportages réalisés et trois courts métrages. 

Bonjour Madame Bernadette Vivuya et merci de nous accorder de votre temps. Qu’est ce qui explique le choix de ces thèmes dans vos œuvres ? 

Bernadette Vivuya : je suis basée à Goma au Nord-Kivu. Dans cette région, la question du non-respect des droits humains, la question environnementale ou celle de l'exploitation des ressources minières s'imposent d'elles-mêmes, nous les vivons au quotidien. J'ai assisté à plusieurs événements qui témoignent de ces actes et l'exploitation des ressources minières est parfois à la base des phénomènes tels que la guerre, l'exploitation des enfants et les groupes armés qui s'impliquent aussi. Tout cela m'a permis d'en parler et  puiser dans les initiatives locales pour mettre fin à cette situation. 

Vous avez récemment participé à la production de l’Exposition « Congo in Conversation » qui a remporté le 11 -ème Prix Gramignac du journalisme. Que représente pour vous cette victoire et qu’avez-vous appris de ce projet ? 

Bernadette Vivuya : le prix a été remporté par le photographe irlando-canadien Finbarr O'Reilly dont l’idée de départ était de se rendre au Congo pour travailler sur un projet "Après le déluge". Au moment où il devait le réaliser, la pandémie Covid-19 s'est déclarée en RDC et dans le monde. Il a donc été obligé de rentrer en France et repenser son reportage. C'est à ce moment-là qu'est né « Congo in Conversation » qui est une collaboration avec les journalistes locaux (congolais) dans la narration de la pandémie. C'est une grande joie d'y avoir participé, surtout avec l'approche collaborative. Le projet m'a permis de rencontrer d'autres professionnels du métier et d'échanger. Cela m'a aussi ouvert des nouvelles portes, notamment  la participation dans un programme de mentorship avec Women photograph et dans une autre formation  avec Seven Advanced Academy spécialisée dans la formation en photographie.

Avez-vous rencontré des difficultés dans la production ? Comment vous en êtes-vous sortis ? 

Bernadette Vivuya : étant donné que l'on travaillait dans un contexte de Covid-19, la ville de Goma était parfois déserte. Elle était devenue l'épicentre de la pandémie dans le Nord Kivu. Se rendre vers d'autres territoires était devenu très difficile. J'ai dû annuler un reportage parce qu'il y avait un problème d'insécurité à Rubaya, région située à environ 45 Km de Goma. Il y avait des tensions entre des artisans miniers et une société minière. J'ai  annuler à la dernière minute.

Quels sont les plus grands défis à relever pour un (e) photojournaliste selon vous ? Et que faire pour se démarquer dans ce secteur ? 

Bernadette Vivuya : les défis sont nombreux mais je peux en énumérer quelques-uns. Il y a par exemple la liberté d'expression. Il y a des restrictions officielles, on peut vouloir couvrir une marche de protestation mais avec la police qui disperse violemment les manifestants, un journaliste ou un photographe n'a pas la liberté d’exercer. C'est également difficile de parvenir à une autonomie financière avec ce métier. Il faut avoir d'autres travaux connexes pour compenser les vides. Il faut aussi élargir l'audience. Pour se démarquer, il faut être conscient de ce qu’on fait et de son apport à la représentation des sujets qu’on prend en image, avoir du courage malgré les défis et être assidu au travail. Il faut aussi suivre ce que font les autres consœurs et confrères, en RDC et à l'étranger. Cela permettra de toujours faire évoluer son travail vers plus de qualité. 

Vous avez déjà réalisé des dizaines de reportages et trois courts métrages jusque-là. Quels sont vos projets d’avenir ? 

Bernadette Vivuya : j'ai beaucoup de projets. J’ai récemment tourné un film "Letter to my child from Rape". Je suis en train de travailler avec l'équipe pour sa distribution. Nous voulons le faire à travers des festivals. Nous sommes en train de repérer ces genres d'activité pour soumettre des propositions. D'autres projets seront à découvrir bientôt.

Que pensez-vous du secteur de l’art et de la photographie en RDC ? Y a-t-il des choses à améliorer ? 

Bernadette Vivuya : le secteur de l'art est en voie de professionnalisation en RDC. Le Congo est devenu comme un endroit idéal où l'on déniche des bons artistes et pour être plus concret, je peux citer Sammy Baloji et bien d'autres. Et donc, nous voyons des plus en plus d'artistes imposer leurs points de vue au niveau international. C'est un secteur qui est en train de bouger. Il y a des artistes qui sont en train d'émerger. Il faudra améliorer la diffusion des œuvres des artistes, que l'on organise par exemple différentes exposition photos, projection des films, dans la ville pour que les congolais qui sont photographiés découvrent le travail de ces photojournalistes. Il y a déjà des personnes qui le font mais il va falloir amplifier. Le gouvernement devra aussi soutenir le travail des artistes.

Pouvez-vous nous parler de votre parcours en tant que journaliste et en tant que photographe ? 

Bernadette Vivuya : je n'ai pas rêvé d'être journaliste mais je le suis devenue. L'aventure a commencé en 2011, quand j'ai commencé à collaborer avec une radio locale, Kivu-One. Plusieurs personnes m'ont aidé, jusqu'à ce que je devienne professionnelle. Je me suis formée auprès de ceux qui exercent ce métier, j'ai débuté en radio, je suis passée par la presse écrite, l'audiovisuel, la photo. J'ai également reçu plusieurs formations avec Reuters notamment et Yole Africa. Je continue à me former.

La RDC a actuellement un nouveau premier ministre. Lundi dernier, les consultations lancées pour la composition de son gouvernement ont été clôturées. Quel profil suggérez-vous pour le prochain ministre de la Culture et des Arts ? 

Bernadette Vivuya : je suis disponible (Rires). Je suggère que l'on choisisse une personne qui connait ce secteur et qui le maîtrise. Je propose que ce soit un artiste. Il partage lui-même les défis que nous venons de citer et saura travailler pour  trouver des solutions. Il devra être un bon chef d'administration, qui impulse une dynamique positive, qui canalise à bon escient les moyens mis à la disposition de ce secteur. Si on trouve une personne qui possède ces profils, ce sera une bonne chose.

Un dernier mot ? 

Bernadette Vivuya : Merci beaucoup