RDC : « l'infraction d'abus de confiance que la justice porte sur David Blattner n'a aucun soubassement juridique » (Laurent Onyemba, avocat)

ACTUALITE.CD

Transféré depuis le 21 février dernier à la prison centrale de Makala, après avoir été soupçonné de détournement de l'argent dédié à la construction des sauts-de-mouton à Kinshasa, le patron de l’entreprise de BTP Safricas, l'homme d’affaires David Blattner est toujours maintenu en détention. N'ayant pas pu, jusque-là, prouver les accusations sur le détournement, le parquet l'accuse d'abus de confiance pour justifier sa détention. Cette situation est à la base de la frustration de ses avocats dont Laurent Onyemba qui, pour lui, cette infraction n'a aucun soubassement juridique.

Dans une interview accordée ce samedi 7 mars à ACTUALITE.CD, Laurent Onyemba exige la liberté provisoire de son client, mieux, la main levée.

Vous êtes l’un des avocats de David Blatner, qui est aujourd’hui arrêté dans le cadre des enquêtes sur l’exécution des travaux des 100 jours. Qu’est-ce qu’il lui est reproché par la justice ?

La justice reproche à Monsieur Blattner, qui est notre client, l’effet d’avoir commis l’infraction d’abus de confiance et, partant justement de cette considération, nous dénonçons le fait que pour quelqu’un qui exécute les travaux publics, cette infraction n’a aucun soubassement en droit.

Abus de confiance ça veut dire qu’il a eu un compte qu’il n’a pas respecté ?

Non, justement c’est ça le problème parce qu’abus de confiance ne peut exister qu’entre deux personnes. Dans le cas des travaux publics, on parle du détournement mais au regard des éléments par devant moi avec la descente de mes services accompagnés des techniciens de l’Etat, le bureau technique de contrôle, il était démontré qu’il était impossible d’établir l’infraction de détournement. Et le dossier a été remonté au niveau du Parquet général où le Magistrat décide de requalifier l’effet en parlant lui, d’abus de confiance en violant justement la loi car cette infraction n’existe pas dans le droit des marchés publics. Et il faut souligner pour la petite histoire que Monsieur Blatner devait avoir plus ou moins 13 millions pour le marché qu’il a signé.

Combien des travaux des sauts-de-mouton devraient être construits par Safricas ?

Monsieur Blatner devrait construire 4 sauts-de-mouton. Celui de l’UPN, de Socimat, de la RTNC et de Triomphale. Et les deux autres sauts-de-mouton qu’il n’a pas démarré à savoir ceux de l’UPN et Triomphale, c’est uniquement parce que conformément à la loi, le maître d’ouvrage qu’est l’OVD a demandé à Safricas de retarder la construction de ces sauts-de-mouton pour éviter d’asphyxier la ville (…). Et donc le ministère public ne pose que ces questions : la première, n’avoir pas respecté le planning des travaux, deuxième, les travaux ont connu de retard et Safricas a répondu lettre à l’appui.

Combien a-t-il perçu comme argent pour ces quatre sauts-de-mouton ?

Il devait percevoir 13 millions et a reçu plus ou moins 6 millions. Il a pris  le gros du montant qu’il a reçu pour affecter dans l’achat de grosses œuvres comme les matériaux métalliques qui sou tendent justement la construction du pont parce que ça, c’est le plus important (…). Il y’a eu une descente justement de deux conseillers du Chef de l’état et le DG de l’OVD qui ont vérifié l’effectivité de ces achats là. 

Et maintenant qu’il est toujours détenu à la prison centrale de Makala, que compte faire son conseil ?

Le conseil, nous nous sommes adressés à la justice, nous sommes dans un état de droit. Le Chef de l’Etat est en train de chercher des partenaires, et il est quand même aberrant qu’au même moment que le Chef de l’Etat recherche des partenaires que ceux qui investissent dans notre pays subissent l’injustice. Première chose, nous avons demandé parce qu’en principe dans toute procédure judiciaire, la détention, c’est l’exception et la liberté, c’est la règle. Monsieur Blatner a une résidence connue, ses intérêts économiques sont dans ce pays et donc sa fuite n’est pas à craindre. Pour quelle raison, en dépit de sa situation de santé qui est aujourd’hui très délabré, quelle est la raison que la justice peut avancer pour maintenir Monsieur Blattner en prison. Nous demandons à la justice congolaise de libérer Monsieur Blatner et c’est tout en demandant au Chef de l’Etat qui est le garant de la nation. Que le Magistrat qui a le dossier soit interpellé à son niveau pour qu’il donne le moyen de la défense, sinon Monsieur Blatner est présenté aujourd’hui dans l’opinion comme le bouc émissaire, comme les portes étendards de tout ce qui n’a pas marché dans les 100 jours.  Nous voulons une liberté provisoire pourquoi pas une main levée. Liberté provisoire, parce que le principe voudrait qu’il continue à se justifier ou à prouver son innocence. Mais en étant libre, il a aussi la possibilité de continuer à travailler. C’est aussi aberrant qu’au même moment que vous reprochez à quelqu’un d’avoir commis l’abus de confiance, n’avoir pas respecté les charges des travaux que vous lui avez donnés et pendant qu’il est en détention, l’état vient de payer dans son compte 3 millions de dollars pour continuer les travaux puisqu’il n’avait reçu que 6 millions sur les 13 millions qu’il devait recevoir. Donc je vous prouve, preuve à l’appui que Monsieur Blatner n’est pas quelqu’un qu’on caricature.

Propos recueillis par Stanis Bujakera