Meurtre des experts UN : La famille de Zaida Catalan note des avancées dans le procès et souhaite que justice soit rendue (Interview)

De gauche à droite, Maria Morseby la maman et Elisabeth Catalan Morseby la soeur de Zaida Catalan/Ph Sosthène Kambidi ACTUALITE.CD

La famille de Zaida Catalan, l’une de deux experts de l’ONU, tués en mars 2017, au Kasaï, avec leurs accompagnateurs congolais, a accordé à ACTUALITE.CD une interview exclusive dans la ville de Kalmar, en Suède. La famille Zaida Catalan, 36 ans, note une avancée remarquable dans le déroulement du procès ouvert depuis plus d’une année mais souhaite voir les “autorités de hauts rangs” impliquées dans le dossier être traduites en justice. Sa maman, Maria Morseby, et sa petite sœur Elisabeth Catalan Morseby, qui ont réagi concomitamment, souhaitent que le procès aille jusqu’au bout et que la justice soit faite.

La justice congolaise juge les présumés auteurs d’assassinat de Zaida Catalan. Qu’attendez-vous de ce procès ?

Maria Morseby : Nous pensons automatiquement qu’il y a des auteurs qui sont derrière le meurtre de Zaida Catalan et de Michael Sharp. Ils seront poursuivis et déclarés coupables des atrocités commises à l’égard de Zaida Catalan et de Michael Sharp ainsi que de la population du Kasaï. La justice pour Zaida et Michael et pour les personnes qui ont souffert et qui ont été tuées.

Elisabeth Catalan Morseby : Nous avons constaté une grande amélioration en termes de coopération de la part de la justice congolaise. Ce que nous a dit Mr. Robert Petit, nous avons donc de l’espérance et nous encourageons davantage cette coopération jusqu’à la fin. Donc, nous espérons que la justice sera rendue pour Zaida, pour Michael, pour les chauffeurs congolais ainsi que pour les habitants du Kasaï. Nous espérons donc la vérité.

Vous faites confiance à la justice congolaise dans ce procès ?

Maria Morseby : Nous avons constaté une grande amélioration avec Tim Mukuntu et d’autres procureurs. Et nous avons des grandes attentes qu’ils puissent trouver les coupables derrière le meurtre. C’est cela notre attente.

Elisabeth Catalan Morseby : Nous savons que c’est difficile. Donc, nous espérons toujours parce que nous pensons que ne pas rechercher la vérité, ne pas mettre à nu tout ce qui s’est passé, sera négatif pour la RDC. Donc, les auteurs, les vrais auteurs doivent être traduits en justice. Nous avons constaté une nette amélioration. Nous espérons que cette coopération se poursuivra jusqu’à la fin du procès. Nous sommes optimistes, mais prudemment optimistes.

D’après vos analyses, quels sont les mobiles du meurtre de Zaida Catalan et de Michael Sharp?

Maria Morseby : Zaida et Michael essayaient de trouver les causes des massacres, des fosses communes et des coupables derrière ça ainsi que le commerce des armes. Qui fournit les armes là-bas, qui donne des armes à la milice ? On m’a dit que les coupables du meurtre de Zaida et Michael étaient également coupables d’avoir tué la population au Kasaï. Si l’on peut trouver les auteurs derrière leur assassinat et trouver également les coupables d’atrocités au Kasaï, ça sera bien pour les habitants du Kasaï.

Elisabeth Catalan Morseby : Ils enquêtaient de deux cotés, ils enquêtaient du côté des miliciens et de l’armée congolaise. En fait, ils voulaient enquêter de deux côtés pour connaître quels auteurs possibles pourraient d’une façon ou d’une autre être impliqués dans le meurtre des personnes innocentes afin qu’ils soient sanctionnés ou traduits en justice d’une manière ou d’une autre. Donc, notre analyse de fois c’est difficile. C’est une question difficile. C‘est difficile.

Pourquoi vous ne vous êtes pas constitués en partie civile pour donner des avocats afin de défendre Zaida Catalan ?

Maria Morseby : Nous avions des avocats au sein de la police suédoise et un procureur ici. Ils ont essayé de collaborer avec la justice congolaise, nous avions donc de l’espoir. Au départ, nous n’avions pas de représentant et nous ne parlons pas français non plus. Donc, c’était un peu difficile de comprendre comment ça fonctionne. Et pour la famille de Sharp, je pense qu’ils n’ont pas de représentant aussi. Donc, nous nous sommes confiés à la police suédoise et ils se sont aussi confiés au FBI-le système américain. Nous espérions que la police suédoise, le FBI et les Congolais pourraient travailler ensemble, mais nous n’avons aucun représentant là-bas.

Vous ne craignez pas que le fait d’être absents au procès puisse vous désavantager dans la représentation des intérêts qui sont les vôtres ?

Maria Morseby : Nous sommes extrêmement engagés. Nous avons vécu une tragédie horrible, mais nous avons le mécanisme, les Nations Unies avec les experts et Robert Petit. Ils parlent français, ils aident et ils contribuent avec ce qu’ils peuvent en aidant la justice congolaise. Et nous avons de l’espoir que cette collaboration peut automatiquement conduire à retrouver les auteurs du meurtre. Mais c’est difficile. Nous ne parlons pas français. Et c’est aussi compliqué d’avoir des avocats là-bas lorsqu’on ne parle pas français. Je comprends le français mais c’est difficile de le parler.

Elisabeth Catalan Morseby : Vous savez, nous avons demandé le mécanisme de soutien de l’ONU avec Robert Petit et ses experts. C’est quelque chose que nous demandons depuis le début. Nous voulons une enquête indépendante pour connaître la vérité de ce qui s’est passé. Parce que nous savons que ce n’est pas simple. Ça peut être difficile pour un système judiciaire de s’auto-investiguer, faire des enquêtes contre soi-même si cette tradition n’existe pas. Parce qu’il y a des traditions différentes. En Suède, tout le temps on fait des enquêtes sur la corruption. C’est ce que font les télévisions suédoises. Nous examinons nos propres fautes. Mais si cette tradition n’existe pas dans le système congolais d’enquêter sur la corruption, et que les militaires se protègent mutuellement, alors il nous est également difficile de prendre part à un tel procès. Mais aussi avec des limites linguistiques, nous avons pensé que la bonne façon de poursuivre la justice serait que l’ONU envoie son soutien judiciaire. Tout cela, à cause du droit international, à cause de la façon dont le système judiciaire fonctionne ici (en Suède) mais aussi parce que le système judiciaire congolais est très différent. Donc, nous espérons la vérité, mais nous sommes également conscients des limites qui existent dans le système judiciaire congolais de rechercher la vérité et pour les autorités d’enquêter elles-mêmes. Ainsi, nous avons de l’espoir.

Pensez-vous que ceux qui comparaissent dans cette affaire sont les vrais auteurs de meurtre ou ils ont reçu les ordres d’autres personnes ?

Elisabeth Catalan Morseby : Oui, nous sommes convaincus qu’il y a des personnes des rangs supérieurs qui sont impliquées. Et nous avons constaté une nette amélioration en ce qui concerne le colonel Mambueni, qui a été convoqué au procès et interrogé parce qu’il avait menti au tribunal et cela démontre clairement qu’il était impliqué d’une manière ou d’une autre ainsi que le fait qu’il ait financé des groupes de miliciens en leur donnant des munitions. Cela prouve qu’il avait un intérêt dans ces groupes de milices. Et le fait qu’il avait également eu une communication continue avec Jean Bosco, avec l’ANR, les services secrets montrent qu’on ne peut pas simplement imputer les meurtres sur le seul groupe de miliciens. Nous pensons qu’il y a plus d’auteurs supérieurs qui sont impliqués et qui bénéficient du chaos au Congo. Parce que c’est cela ce qui se passe, les officiers supérieurs congolais gagnent de l’argent au travers le chaos. Ils profitent du chaos et cela n’est pas correct. Parce que cela produit la corruption et nous ne voulons pas de la corruption. Nous voulons la justice. Nous voulons un système qui fonctionne pour les Congolais afin qu’ils vivent une vie meilleure et paisible. Il n’y aura jamais la paix aussi longtemps qu’il y a corruption.

Quel est le message que vous pouvez adresser au gouvernement de la République Démocratique du Congo en rapport avec le déroulement de ce procès ?

Elisabeth Catalan Morseby : Le message ? Nous sommes reconnaissants du progrès dans ce procès en cours et nous espérons plus de coopération, une coopération continuelle jusqu’à la fin. Qu’ils se critiquent eux-mêmes et leurs affaires à Kananga, au Kasaï, et qu’ils fassent ce qui est meilleur pour le peuple congolais. C’est donc ce que nous espérons. Nous voulons la paix et la justice.

Maria Morseby  : Je peux vous dire que Zaida a travaillé récemment à Goma, à Bukavu et elle aimait la RDC. Elle aimait le Congo. Elle aimait le peuple congolais. Elle aimait la nature. Une partie de nous, fait partie du Congo. Une partie de Zaida se trouve au Congo. Nous sentons donc une connexion avec le Congo, avec le peuple congolais. Et nous les aimons.

Elisabeth Catalan Morseby : Elle était amoureuse du peuple congolais. Elle voulait aider de la façon qu’elle pouvait. Nous n’avons jamais été au Congo, mais nous aimons Zaida parce que nous aimons la passion qu’elle avait, elle défendait des valeurs les plus élevées. Nous avons plus besoin de cela dans le monde. Nous avons besoin de la coopération. Nous avons besoin de la paix. Nous avons besoin de nous entraider les uns les autres pour trouver la justice dans toute notre société. Nous ne voulons donc pas voir la peine de mort. Nous ne croyons pas aux peines de mort. Nous croyons en la justice et la prison pour les personnes qui se sont avérées coupables. C’est ce en quoi nous croyons. Zaida n’accepterait rien d’autre que ça.

Interview réalisée par Sosthène Kambidi à Kalmar, en Suède