Floribert Anzuluni : «le partage du pouvoir semble avoir pris le dessus sur la décrispation politique »

Floribert Anzuluni, Coordonnateur de Filimbi, s’est confié depuis la Belgique où il se trouve, à ACTUALITE.CD sur l’accord du 31 décembre. Ce militant pro-démocratie qui ne reconnaît plus la légitimité de Joseph Kabila, regrette que la classe politique congolaise ait légitimé le « putsch constitutionnel de Mr. Kabila ».

Dans une interview accordée à la rédaction, Floribert Anzuluni aborde également la question de la décrispation politique, du probable débauchage au sein de Filimbi et Lucha et d'autres sujets d'actualité nationale.

<b>Le 31 décembre dernier, les acteurs politiques congolais ont signé un accord qui maintient Joseph Kabila au pouvoir jusque fin 2017. Quelle est votre réaction par rapport à cet accord?</b><b>

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<blockquote class="blockquote-style-1 position-center text-left width-90" data-style="style-1" data-position="center" data-align="left" data-width="90">Je félicite la CENCO pour l’énorme travail abattu en faveur de la paix et la stabilité de notre pays. Toutefois, je regrette fortement que la volonté populaire n’ait pu être respectée, à savoir le respect de la Constitution et du principe fondamental de l’alternance à travers le départ de Mr. Kabila au plus tard le 19 décembre 2016 à 23h59, conformément à la Constitution. Au contraire ce dernier, qui de mon point de vu d’ailleurs ne jouit plus d’aucune légalité ni légitimité depuis la fin constitutionnelle de son mandat, s’est cramponné au pouvoir par la force au prix du sang des dizaines de compatriotes, auxquels je rends hommage. En outre, cette accord ne rassure pas quant à sa mise en œuvre et ensuite au respect des engagements pris, notamment la tenue des élections couplées (présidentielles, législatives nationales et provinciales) au plus tard en décembre de cette année alors qu’aucun calendrier détaillé consensuel ou encore budget n’ont été adoptés pour exécution par la CENI. Le putsch constitutionnel orchestré par Mr. Kabila a été légitimé par la classe politique sans pour autant réduire de manière significative les prérogatives de ce dernier. Mr. Kabila a par exemple gardé le pouvoir de nommer et donc de faire destituer le Premier Ministre par sa majorité parlementaire... L’histoire semble se répéter, la classe politique tente de prendre l’ensemble de la population en otage avec une transition qui risque d’avoir une durée indéterminée. C’est ainsi qu’en tant que citoyen, nous devons rester vigilant et surtout poursuivre notre mission de sensibilisation, formation et actions citoyennes afin de nous assurer que Mr. Kabila quitte le pouvoir au plus vite.</blockquote>
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</span><b>Vous faites partie de personnes qui ont bénéficié des mesures de décrispation politique. A quand votre retour au pays ?</b>
<blockquote class="blockquote-style-1 position-center text-left width-90" data-style="style-1" data-position="center" data-align="left" data-width="90">L’accord prévoit que cette mesure soit prise symboliquement avant la signature comme gage de la bonne foi du pouvoir illégal et illégitime de Mr. Kabila mais jusqu’au moment où je vous parle aucun acte administratif n’a été posé malgré que l’accord le confirme. Le principal mérite de cette décision est de confirmer de manière officielle que notre mouvement a été victime d’une répression d’état aveugle, illégale et injuste. Certains compatriotes ont été injustement incarcérés, d’autres ont dû vivre en clandestinité avant de s’exiler... Ce qui s’est passé est tout simplement inacceptable et ne devrait plus jamais se reproduire. Un Etat responsable devrait au minimum présenter des excuses officielles et dédommager les personnes lésées. En ce qui concerne mon retour, je reviendrais d’ici là, d’autant plus que je l’avais prévu bien avant cette décision car j’estime que le régime qui nous avait illégalement et injustement accusés n’a plus aucune délégation du peuple depuis le 20 décembre 2016.</blockquote>
<b>Lucha et Filimbi ne juraient que par le départ de Joseph Kabila au terme de son dernier mandat constitutionnel. Avez-vous échoué dans votre mission ?</b><b>

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<blockquote class="blockquote-style-1 position-center text-left width-90" data-style="style-1" data-position="center" data-align="left" data-width="90"><span style="font-weight: 400;">La majorité de la population congolaise a exigé le départ de Mr. Kabila au terme de son mandat, conformément à la Constitution, et continue d’ailleurs à l’exiger… Depuis janvier 2015, des centaines de compatriotes y ont sacrifié leurs vies, d’autres ont été victimes d’une répression sauvage et certains ont dû s’exiler. Il n’est donc pas approprié de limiter cette lutte à ces deux mouvements qui ont humblement tenté de jouer leur rôle citoyen d’éclaireur. Malheureusement, le refus catégorique de quitter pacifiquement le pouvoir et  la répression sanglante n’ont pas permis d’atteindre cet objectif au terme du second et dernier mandat mais croyez moi que la population n’a pas pour autant dit son dernier mot. Aujourd’hui cette population semble faire confiance à la CENCO qui en même temps a mis en jeux sa crédibilité et doit donc tout mettre en œuvre pour que l’option choisie du dialogue aboutisse.</span><span style="font-weight: 400;">
</span><span style="font-weight: 400;">Je fustige également le comportement totalement inacceptable de messieurs Félix Kabange Numbi et Kokonyangi, ministres issus de MP, qui détournent les ressources de l’état pour tenter de corrompre certains militants dans l’objectif de dédoubler nos mouvements, c’est inadmissible. Nous apprenons par exemple qu’un Congrès dit des mouvements citoyens sera organisé sous peu en usurpant les labels de nos mouvements, peine perdue. Je rassure une fois de plus nos compatriotes sur notre engagement et les appelle à ne pas se laisser emporter par cette nouvelle campagne de diabolisation et désinformation ciblée qui échouera. </span><span style="font-weight: 400;">
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</span><b>Que devient le front citoyen maintenant qu’il n’a pas réussi sa mission de mettre de côté Joseph Kabila ?</b><b>

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<span style="font-weight: 400;">Le Front Citoyen 2016, qui a été l’acte déclencheur de la mise en commun des actions des principales forces qui militaient pour que la Constitution soit respectée et que donc Mr. Kabila quitte le pouvoir au terme de son second et dernier mandat, fera une évaluation et communiquera le moment venu car les réalités ainsi que les acteurs ont fortement évolués, bien que l’objectif du départ de Mr. Kabila demeure.</span></blockquote>
<b>Certains militants de Filimbi et la Lucha sont encore incarcérés, comment réagissez-vous à cette situation ?</b>
<blockquote class="blockquote-style-1 position-center text-left width-90" data-style="style-1" data-position="center" data-align="left" data-width="90">Encore un exemple criant de la fragilité du dernier accord. Des dizaines de compatriotes ont été sauvagement abattus les 19 et 20 décembre derniers alors que les discussions étaient en cours et des centaines d’autres enlevés, c’est le cas de Carbone Béni Wa Beya, le chargé de la Mobilisation et Déploiement du mouvement FILIMBI enlevé en plein jour depuis le 13 décembre 2016 devant le siège de la CENCO, avec d’autres militants du mouvement COMPTE À REBOURS, alors qu’il participait à un sit-in pacifique pour réclamer que les participants au dialogue obtiennent le départ de Mr. Kabila. Son nom figure sur la liste des prisonniers politiques en annexe de l’accord mais au moment où nous échangeons il est toujours illégalement détenu au quartier général de l’Agence Nationale des Renseignements. Que dire de la condamnation à 5 ans de servitude pénale du député de l’opposition Mr. Franck Diongo, également cadre du Rassemblement… Aujourd’hui, nous avons l’impression que le partage du pouvoir et la répartition des responsabilités ont pris le dessus sur cette question pourtant cruciale. Nous espérons que la CENCO va rapidement s’y pencher car la crédibilité du processus qu’elle facilite en dépend.</blockquote>
<span style="font-weight: 400;">Interview réalisée par Franck Ngonga</span>