La cour d’assises de Paris a condamné lundi l’ancien chef rebelle et ex-ministre congolais Roger Lumbala à 30 ans de réclusion criminelle, assortis d’une interdiction définitive du territoire français, pour complicité de crimes contre l’humanité par aide et assistance, notamment pour des actes de torture, des traitements inhumains et des viols constitutifs de torture ou d’actes inhumains, mettant fin à plus de deux décennies d’impunité liées aux crimes commis pendant la deuxième guerre du Congo.
Le verdict, rendu en fin d’après-midi après une longue journée de délibéré, intervient au terme de cinq semaines de débats consacrés aux exactions perpétrées entre 2002 et 2003 dans l’est de la République démocratique du Congo, en particulier lors de l’opération militaire dite « Effacer le tableau ».
À 17h00, les juges et jurés ont fait leur entrée dans la salle d’audience en l’absence de l’accusé, malgré une sommation faite le matin par le président de la cour, Marc Sommerer, demandant à Roger Lumbala d’assister au prononcé du verdict.
« Je constate que M. Lumbala n’est pas là pour suivre son verdict. Il est 17h04, je fais une sommation interpellative pour qu’il soit présent », a déclaré le président, avant de suspendre l’audience.
Une quinzaine de minutes plus tard, les deux avocats de la défense, Me Hugues Vigier, commis d’office, et Me Philippe Zeller, avocat récusé par l’accusé, sont entrés dans la salle. Roger Lumbala a ensuite été amené par les gendarmes, menotté, et installé dans le box. Vêtu d’un jacquet noir, d’un pantalon de sport et de baskets, il a assisté à la reprise de l’audience vers 17h30.
« L’accusé accepte de se présenter avec son avocat », a alors noté le président.
Le jugement a été lu en forme simplifiée, l’accusé étant invité à se lever pour l’énoncé de la décision. Roger Lumbala dispose d’un délai de dix jours pour interjeter appel. La motivation de l’arrêt, répondant à plus de 140 questions soumises au délibéré, lui sera adressée dans un délai de trois jours, a précisé la cour.
Cinq organisations – TRIAL International, la Clooney Foundation for Justice (CFJ), Minority Rights Group (MRG), Justice Plus et PAP-RDC – étaient parties civiles dans ce procès, aux côtés de plus de 20 survivants et de leurs familles.
Au total, 65 survivants, témoins et experts ont décrit devant la cour l’ampleur et la brutalité des exactions commises, notamment à l’encontre de communautés ciblées, dont la minorité Nande et les peuples autochtones Bambuti.
« Ce verdict est historique. Pour la première fois, un tribunal national a osé affronter les atrocités de la deuxième guerre du Congo et montrer que la justice peut prévaloir même après des décennies d’impunité », a déclaré Daniele Perissi, de TRIAL International.
« Aujourd’hui, la Cour a clairement établi une chose : les architectes de violences de masse devront rendre des comptes. Ni le temps ni le pouvoir politique ne les protégeront », a-t-il ajouté.
La directrice exécutive de Minority Rights Group, Claire Thomas, a salué « la fin d’une impunité de plus de vingt ans » pour les survivants bambuti, dont plusieurs ont témoigné « au péril de leur vie ».
« Pour nos communautés, ce moment marque la fin d’un long silence et la reconnaissance de souffrances trop longtemps ignorées », a déclaré pour sa part un représentant de PAP-RDC.
Le procès s’est tenu sur le fondement du principe de compétence universelle, les crimes poursuivis n’ayant jamais fait l’objet de poursuites en RDC. Il intervient dans un contexte de violences persistantes dans l’est du pays, malgré les récents accords diplomatiques.
La cour a également annoncé que l’audience civile, destinée à statuer sur les dommages et intérêts à allouer aux parties civiles, est fixée au 30 juin 2026.
Claude Sengenya