Accord de Washington :  le Comité de surveillance conjointe et le Mécanisme conjoint de coordination de la sécurité ne rendent pas pleinement compte des difficultés opérationnelles pour accélérer la mise en œuvre des engagements

Signature de l’accord de paix entre la RDC et le Rwanda sous l’égide des États-Unis
Signature de l’accord de paix entre la RDC et le Rwanda sous l’égide des États-Unis

Le JOC (Comité de surveillance conjointe) et le JSCM (Mécanisme conjoint de coordination de la sécurité) sont des structures créées superviser la mise en œuvre de l’accord de paix de Washington, signé entre la République démocratique du Congo et le Rwanda sous les auspices des États-Unis. Leurs rôles incluent la gestion des tensions, le suivi des violations, ainsi que la coordination des actions sécuritaires, notamment la neutralisation des groupes armés comme les FDLR et la levée des mesures défensives du Rwanda.

Cependant, ces mécanismes soutenus par des pays tels que les États-Unis, le Qatar et le Togo, qui participent à leurs réunions en qualité d’observateurs ne remplissent pas pleinement leurs missions. C’est le constat dressé par le Baromètre des accords de paix en Afrique dans son rapport d’évaluation de novembre, cinq mois après la signature de l’accord qui sera entériné incessamment par les Présidents Félix Tshisekedi et Paul Kagame. 

“La brièveté et le manque de profondeur des rapports du JOC et du JSCM: Les rapports des réunions mensuelles du JOC (organe chargé de recevoir et de traiter les plaintes relatives aux violations de l’Accord et de superviser le règlement des différends connexes) ainsi que ceux du JSCM (chargé de la neutralisation des FDLR et de la levée des mesures défensives rwandaises) apparaissent relativement succincts. Ils ne rendent pas pleinement compte des difficultés opérationnelles rencontrées ni des mesures correctives envisagées pour accélérer la mise en œuvre des engagements sécuritaires. Ce qui compromet la transparence et la lisibilité du processus d’implémentation des engagements sécuritaires”, dit le rapport rendu public le lundi 1er décembre. 

Le rapport révèle que les tâches les plus sensibles et prioritaires de l’Accord, spécialement la neutralisation des FDLR et la levée des mesures défensives rwandaises, continuent d’accuser d’importants retards dans leur mise en œuvre. À titre illustratif, il note qu'en septembre 2025, la RDC et le Rwanda avaient adopté un calendrier conjoint prévoyant que les opérations de neutralisation des FDLR et de levée des mesures défensives rwandaises seraient réalisées entre le 1er et le 30 octobre 2025. Cependant, ces opérations n’ont pas été exécutées.

Parallèlement, bien que les FARDC aient engagé une campagne de sensibilisation en vue d’encourager les éléments des FDLR à déposer les armes et à se rendre auprès des autorités congolaises ou de la MONUSCO, ceux-ci ont exprimé leur intention de maintenir leurs positions et de “résister” dans l’attente d’une éventuelle ouverture d’un dialogue avec les autorités rwandaises. De surcroît, quoique le calendrier conjoint relatif à la neutralisation des FDLR et à la levée des mesures défensives rwandaises prévoit une mise en œuvre simultanée des deux opérations, les autorités rwandaises conditionnent néanmoins le retrait de leurs troupes de la RDC à la neutralisation préalable des FDLR.

En outre, les affrontements armés opposant les FARDC et l’AFC/M23 (soutenu par le Rwanda) se poursuivent, et ce en dépit de la signature de l’accord-cadre entre le gouvernement congolais et les représentants de l’AFC/M23 le 15 novembre 2025 au Qatar. De plus, l’absence d’accès effectif à l’aide humanitaire demeure préoccupante. Par exemple, la réouverture de l’aéroport de Goma en vue de faciliter l’acheminement de l’assistance humanitaire (mesure sollicitée lors de la Conférence sur la paix dans la région des Grands Lacs tenue en fin octobre 2025 à Paris) reste en attente, et ce malgré les besoins pressants des populations vulnérables.

Alors que sur le terrain les résultats restent peu visibles en matière de désescalade entre Kinshasa et Kigali, mais aussi entre Kinshasa et la rébellion de l’AFC/M23, le processus de médiation américaine semble, quant à lui, suivre son calendrier. Les différentes parties prenantes engagées dans le processus de Washington sous la facilitation des États-Unis d’Amérique respectent, pour l’instant, les échéances prévues.

Lors de la dernière réunion du mécanisme conjoint de coordination en matière de sécurité (MCCS), tenue les 19 et 20 novembre 2025 à Washington D.C en présence des représentants de la RDC, du Rwanda, des États-Unis, de l’État du Qatar, de la République du Togo (médiateur de l’Union africaine), ainsi que de la Commission de l’Union africaine, les participants ont évalué le niveau de mise en œuvre de l’accord de Washington, signé il y a près de quatre mois, soit le 27 juin 2025.

Selon le communiqué final, la RDC et le Rwanda se sont engagés à faire progresser l’ordre d’opérations (OPORD) afin de mettre en œuvre le concept d’opérations (CONOPS) du plan harmonisé pour la neutralisation des FDLR et le désengagement des forces/la levée des mesures défensives par le Rwanda. Les observateurs de la JSCM ont salué les efforts déployés par les Parties pour faciliter la poursuite de la démobilisation, du rapatriement et de la réintégration des membres des FDLR. 

Au cours de la même réunion, les participants ont examiné les progrès accomplis dans la première phase de l'OPORD, notamment les mises à jour concernant le partage de renseignements et les opérations d'information menées par le RDC pour sensibiliser les communautés accessibles et inciter les membres des FDLR à déposer les armes. Les Parties ont engagé des discussions ouvertes afin d'examiner les difficultés persistantes et d'identifier les lacunes et les opportunités pour assurer le succès de la première phase. Les membres du JSCM ont également entamé des discussions sur la deuxième phase de l'OPORD, notamment les actions visant à neutraliser les FDLR et à lever les mesures défensives du Rwanda.

À la suite de la chute de Goma et Bukavu et de l’échec du processus de Luanda, l’accord de Washington et le processus de Doha constituent aujourd’hui les deux volets complémentaires des efforts diplomatiques visant à mettre fin aux conflits persistants dans l’Est de la RDC, en particulier ceux impliquant le Rwanda et les groupes armés tels que le M23.

Clément MUAMBA