Comment la justice française a mis la main sur l’ex chef rebelle Roger Lumbala 

 ACTUALITE.CD

L’ancien chef de guerre Roger Lumbala est poursuivi par la justice française pour complicité de crimes contre l’humanité commis dans l'Est de la République Démocratique du Congo autour des années 2000 soit plus de 20 ans après. 

Dès le premier jour de l'audience devant la Cour d'assises de Paris mercredi 12 novembre 2025, l'ancien sénateur et député national Roger Lumbala a récusé ses avocats et prévenu d’emblée qu’il n'assistera plus à son procès estimant la justice française n'est pas légitime pour le juger sur des faits présumés commis loin du territoire français. 

Alors que le procès se poursuit sans la participation effective de Roger Lumbala et de sa défense, ACTUALITE.CD revient sur les différentes étapes franchies par la justice française pour arriver à l'arrestation du prévenu Roger Lumbala et jusqu'à l'ouverture de l'audience jusqu'à sa fixation devant la Cour d'assises de Paris. 

Selon la documentation de ce procès consulté par ACTUALITE.CD vendredi 14 novembre 2025, tout commence le 29 juillet 2016, le directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides (OFPRA) signalait, en application des articles 40 du Code de procédure pénale et L.722-3 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision d'exclusion prise à l'encontre de Roger Lumbala le 26 décembre 2014 sur le fondement de l'article 1Fb de la Convention de Genève (D1).

II ressortait de cette décision que Roger Lumbala de nationalité congolaise de la République Démocratique du Congo (RDC), avait été reconnu réfugié par une décision de la Cour nationale du droit d'asile, anciennement Commission de recours des réfugiés, en date du 25 octobre 1990, et s'était vu retirer ce statut par l'OFPRA le 26 mars 2010, à la suite de son retour volontaire en RDC.

Dans sa seconde demande d'asile introduite le 28 septembre 2012, l'intéressé déclarait qu'il avait soutenu l'Alliance des forces démocratiques de libération (AFDL) puis avait rallié le Rassemblement congolais pour la démocratie (RCD) avant de rejoindre l'une de ses scissions, le RCD-K-ML et de créer le RCD-National; qu'entre 2001 et 2003, il avait contrôlé le territoire de Bafwasende situé dans la Province orientale et soutenu le Mouvement de libération du Congo (MLC); qu'à l'issue des élections législatives du 30 juillet 2006 et du 28 novembre 2011, il avait été élu aux fonctions de député de son parti, le Rassemblement congolais des démocrates et nationalistes (RCD-N); que suspecté de nouer des contacts avec le M23, il avait été l'objet d'une tentative d'enlèvement à Bujumbura (Burundi) et avait de nouveau quitté son pays au début du mois de septembre 2012; qu'à partir de janvier 2013, il avait intégré la délégation du M23 dans le cadre de discussions avec les autorités congolaises à Kampala et était, à la suite de la défaite de ce mouvement rebelle en novembre 2013, revenu en France (D1/3).

D'après toujours la documentation, l'OFPRA établissait l'actualité et le bien-fondé des craintes de persécutions de Roger Lumbala du fait des autorités congolaises en cas de retour en RDC, eu égard à l'existence d'un mandat d'arrêt international émis à son encontre et à l'absence de garanties d'un procès juste et équitable dans son pays d'origine. L'OFPRA excluait néanmoins l'intéressé du bénéfice d'une protection internationale, au regard de ses fonctions de responsable du mouvement armé RCD-N pendant le conflit de 1998-2003. 

La décision de l'OFPRA était notamment fondée sur le rapport du Projet Mapping publié en août 2010 ainsi que sur le rapport final du Groupe d'experts sur l'exploitation illégale des ressources naturelles et autres formes de richesse de la République démocratique du Congo du 8 octobre 2002, dont il ressortait que le RCD-N avait été impliqué dans des crimes de guerre vis-à-vis des populations civiles et que Roger LUMBALA avait participé à un réseau d'exploitation illégale des ressources naturelles de la RDC. L'OFPRA considérait qu'en tant que chef du RCD-N, l'intéressé ne pouvait ignorer les agissements dont ses éléments s'étaient rendus coupables et qu'il les avait forcément couverts de son autorité (D1/5D1/6).

Le recours présenté par Roger Lumbala contre la décision de l'OFPRA était rejeté par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 22 mars 2016 (D1/2) contre Roger LUMBALA des chefs de crimes contre l'humanité, complicité de ces Une enquête préliminaire était ouverte par le parquet de Paris le 3 novembre 2016 crimes et participation à une entente en vue de la commission de ces crimes, faits commis en RDC, courant 2002 à courant 2003, et était confiée à l'Office central de lutte contre les crimes contre l'humanité, les génocides et les crimes de guerre (OCLCHGCG).

En réponse à une réquisition datée du 2 novembre 2016 (D2), I'OFPRA transmettait le compte-rendu des deux entretiens de demande d'asile menés les 9 novembre et le 18 décembre 2012, les sources publiques utilisées dans le cadre de l'instruction (D3: D15; D23) ainsi que les pièces relatives à la procédure devant la CNDA (D17).

Les pièces suivantes, rapportant la situation prévalant en RDC à l'époque des faits et les exactions perpétrées par les groupes armés - notamment le RCD-N et le MLC -sévissant à l'est du pays étaient jointes en procédure:

Le rapport Effacer le tableau publié par Minority Rights Group International en 2004, consacré aux crimes commis en violation du droit international contre les Pygmées Bambuti à l'est de la RDC (D16) ainsi que des procès-verbaux auditions anonymisées de victimes ayant été interrogées par les membres de l'organisation dans le cadre de la rédaction de ce rapport (D22) et une liste d'identité de femmes répertoriées comme ayant subi des viols du fait des troupes de l'unité Effacer le tableau (D25). Ce rapport résultait de 80 entretiens menés sur place en janvier et février 2004 par les membres de l'ONG et concluait à la commission d'attaques systématiques et préméditées -meurtres, actes de tortures, viols contre la population civile d'Ituri, visant spécifiquement les Pygmées;

Le rapport du projet Mapping publié par le Haut-Commissariat des Nations Unies aux Droits de l'Homme en août 2010, relatif aux violations les plus graves des droits de l'homme et du droit international humanitaire commises entre mars 1993 et juin 2003 sur le territoire de la RDC (D16) faisait notamment état de viols et violences sexuelles commis de façon systématique et généralisée particulièrement à l'encontre des femmes Pygmées ainsi que de recrutements d'enfants soldats par le RCD-N, et dénonçait l'implication de Roger Lumbala dans un trafic illégal des ressources minières congolaises;

Une note du Président du Conseil de Sécurité des Nations Unies (S/2003/216) accompagnant un rapport sur la situation concernant la République Démocratique du Congo, datée du 24 février 2003 (D16):Une lettre datée du 25 juin 2003 adressée au Président du Conseil de Sécurité par le Secrétaire Général (S/2003/674) introduisant le rapport de l'Equipe spéciale d'enquête de l'ONU sur les évènements de Mambasa transmis au Conseil de sécurité de l'ONU le 2 juillet 2003 (D16). 

Ce rapport résultait d'une enquête menée sur place suite à un signalement du directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides (OFPRA), le Procureur de la République de Paris ouvrait le 3 novembre 2016 une enquête préliminaire à l'encontre de Roger LUMBALA, ressortissant congolais. Sur le fondement de la compétence universelle des juridictions françaises, l'enquête portait sur des faits de crimes contre l'humanité qui auraient été commis en République démocratique du Congo en 2002 et 2003.

Selon toujours la documentation, le 29 décembre 2020, Roger Lumbala était interpellé. Le 2 janvier 2021, une information judiciaire était ouverte. A l'issue de son interrogatoire de première comparution, Roger LUMBALA était mis en examen des chefs de complicité de crimes contre l'humanité et de participation à un groupement formé ou à une entente établie en vue de la préparation de crimes contre l'humanité. Le même jour, il était placé en détention provisoire jusqu'à l'ouverture officielle de l'audience mercredi 12 novembre 2025.

Ces crimes sont prévus et réprimés par les articles 212-1, 213-1, 213-2, 121-6 et 121-7 du Code pénal français, ainsi que par les articles 689 à 689-11 du Code de procédure pénale. Ces faits sont punis par les articles 212-3, 213-1 et 213-2 du Code pénal, ainsi que par les articles 689 à 689-11 du Code de procédure pénale. Selon le dossier de presse consulté par ACTUALITE.CD, "pour ces faits, l’accusé encourt une peine de réclusion criminelle à perpétuité ".

Selon le document de presse du Parquet national anti terroriste (PNAT) parvenu à la rédaction de ACTUALITE.CD, les audiences ouvertes depuis mercredi 12 novembre dernier, se tiennent chaque jour avec un verdict attendu le vendredi 19 décembre 2025.

Clément MUAMBA