La situation sécuritaire dans la région des Grands Lacs était à l'ordre du jour de la 10016e séance du Conseil de sécurité des Nations-Unies tenue sous la présidence de la Russie lundi 13 octobre 2025 à New-York. Lors des travaux, Zénon Mukongo Ngay, Représentant permanent de la République démocratique du Congo auprès des Nations Unies a dressé un tableau sombre de la situation sécuritaire et humanitaire dans la région et plus particulièrement dans l'Est de la RDC. Pour le diplomate congolais, la situation dans la région ressemble à un volcan fumant qui pourrait exploser à tout moment si rien n’est fait.
« La situation sécuritaire qui prévaut dans la région des Grands Lacs n'est guère reluisante comme l'indique clairement le rapport du Secrétaire général dont votre Conseil est saisi. Du paragraphe premier au paragraphe 12, le rapport dépeint le tableau sombre de la dégradation continue de la situation sécuritaire à l'Est de la République Démocratique du Congo avec en particulier, la recrudescence des tensions au Sud-Kivu notamment à Uvira, ville riveraine du lac Tanganyika située en face de la République du Burundi. C'est ici que ces tensions transfrontalières entre les différents pays des Grands Lacs font de cette région un volcan fumant qui pourrait exploser à tout moment », a déclaré Zénon Mukongo Ngay.
Au nom du gouvernement de la République Démocratique du Congo, l'Ambassadeur Mukongo a dénoncé la non application de la résolution 2773 plus de huit mois après son adoption. À cela s'ajoutent d'autres initiatives diplomatiques en cours et au regard de la situation sur terrain, Kinshasa doute de la volonté de Kigali d'honorer ses différents engagements.
« Pour rappel, votre Conseil a, par sa résolution 2773 du 21 février 2025, décidé que l'AFC/M23 doit se retirer de Goma, de Bukavu et de toutes les zones contrôlées et démanteler dans leur intégralité les administrations parallèles illégitimes mises en place sur les territoires de la République Démocratique du Congo. Le Conseil a demandé également à la force de défense du Rwanda (RDF) de cesser tout soutien au M23 et de se retirer immédiatement du territoire de la République Démocratique du Congo sans condition préalable », a-t-il rappelé.
Et d'ajouter :
« Bien que l'application des dispositions de cette résolution se fait encore attendre, nous saluons tout de même la poursuite des efforts diplomatiques en cours dans le cadre des processus de Washington et de Doha mais en dépit de toutes ces initiatives de paix, on reste encore et toujours préoccupé à la lumière des récents développements par la sincérité de l'engagement du Rwanda et de leurs supplétifs de l'AFC/M23 qui s'obstinent à fouler aux pieds leurs engagements aux termes de l'Accord de paix de Washington et de déclaration de principes de Doha.
Pour appuyer son argumentaire, le diplomate revient sur plusieurs exemples : « il y a eu peu, nous annoncions qu'au cours du mois de juillet 2025 plus de 300 civils congolais ont été tués dans plusieurs localités du territoire de Rutshuru en province du Nord-Kivu à la suite d'attaque menée par le mouvement M23 en violation flagrante du cessez-le-feu réaffirmé dans la déclaration de principes de Doha du 19 juillet 2025 et dans l'accord de paix de Washington du 27 juin 2025. Aujourd'hui, encore plus de 272 cas d'assassinats et d'exécution sommaire, plus de 300 cas des viols, plus de 300 cas de torture corporelle y compris des élèves, des cas des arrestations arbitraires dans des conditions inhumaines, des centaines de cas d'enlèvements et des recrutements forcés, des crimes organisés à Tshanzu et Rumangabo contre les jeunes congolais sous couvert d'une formation militaire forcée sont signalés. Ces crimes ont été commis durant le mois de septembre et d'octobre en cours », a dénoncé le représentant de la RDC à l'ONU.
Appuyée par l'armée rwandaise, la rébellion de l'AFC/M23 avait lancé au début de l'année 2025 une série d'offensives qui lui ont permis de conquérir les villes de Goma et de Bukavu. Avec le soutien du régime Kagame, l'AFC/M23 contrôle des portions stratégiques du territoire congolais, installe sa propre administration, nomme les dirigeants locaux plus précisément dans les zones sous son contrôle et raffermit ses positions sur le terrain.
Pour faire face à cette situation et après l'échec du processus de Luanda, deux initiatives diplomatiques parallèles ont vu le jour. La première, l’accord de Washington, signé le 27 juin sous médiation américaine, engage la RDC et le Rwanda à un cessez-le-feu bilatéral, au retrait progressif des troupes étrangères et à une coopération économique régionale. Après plusieurs réunions, un cadre opérationnel a été adopté pour la neutralisation des FDLR et le départ des troupes.
La seconde est le processus de Doha. Sous médiation qatarie, il associe le gouvernement de Kinshasa et le M23. Une déclaration de principes a été signée le 19 juillet, suivie d’un accord d’échange de prisonniers en septembre. Mais les discussions se sont vite enlisées : le M23 accuse Kinshasa de traîner des pieds, tandis que le gouvernement dénonce de nouvelles offensives rebelles. Un nouveau round des discussions est prévu cette semaine à Doha.
Clément MUAMBA