Vingt-cinq ans après sa disparition, la mémoire de Monseigneur Emmanuel Kataliko reste profondément vivante dans les cœurs des fidèles et des défenseurs de la justice à travers le pays. À Bukavu, Butembo et Lubero, plusieurs cérémonies religieuses et commémoratives ont été organisées pour lui rendre hommage, témoignant de l'héritage indélébile que le prélat a laissé derrière lui.
Le samedi 4 octobre 2025, une messe a été célébrée à Bukavu par l’archevêque François-Xavier Maroy. L’événement a mis en lumière l’engagement de Monseigneur Kataliko pour la paix, la dignité humaine et la foi chrétienne.
« Ne vous laissez pas avaler. Et même si vous l’êtes, ne vous laissez pas digérer. L’histoire de notre diocèse ne peut être oubliée. Elle est faite de témoins courageux comme Kataliko, dont le message reste d’actualité. Nous sommes écrasés par une oppression comme il nous est rarement arrivé d’en connaître au cours des périodes précédentes. Des puissances étrangères, avec la complicité de certains de nos frères congolais, organisent des guerres en utilisant les ressources de notre pays… Même notre personne humaine n’échappe pas à cette exploitation oppressive », a-t-il cité, reprenant les paroles fortes de Mgr Kataliko comme un appel à la résilience.
Ce dimanche 5 octobre, la messe de clôture de la semaine dédiée à Monseigneur Kataliko a eu lieu à la Cathédrale Mater Ecclesiae de Butembo, sous la présidence de Monseigneur Paluku Sikuli Melchisédech. L’évêque a exhorté les fidèles à rester fermes dans la foi, tout en appelant à la continuité des œuvres initiées par son prédécesseur, notamment dans les domaines de la santé, de l’éducation et du développement local.
« La seule voie que nous sommes appelés à suivre, c’est de rester fermes dans notre foi, quelles que soient les difficultés. C’est cette confiance au Seigneur, même si nous ne le comprenons pas toutes les fois qu’il agit dans notre vie. En tout cas, ne lui en voulons pas lorsque ça nous arrive d’être tentés… La foi en Dieu, c’est cela qui nous donne la force de vivre. Juste dire merci d’honorer la journée d’aujourd’hui, ce jour où nous rendons hommage à Monseigneur Emmanuel Kataliko, ce serviteur que Dieu nous a lui-même donné comme notre Père et notre guide. Si nous voulons vraiment l’honorer, alors soyons tous prêts à pérenniser toutes ses belles initiatives et ses œuvres. Ce sera vraiment le signe que, même s’il est parti, nous, on reste encore ici pour poursuivre l’œuvre », a souligné l’évêque du diocèse de Butembo-Beni dans sa prédication.
Le gouverneur militaire du Nord-Kivu, le général-major Kakule Somo Évariste, a pris part aux cérémonies organisées à Butembo. Il a souligné l’influence des actions de Monseigneur Kataliko dans la formation de plusieurs générations. Pour lui, les valeurs promues par le prélat, notamment la foi, la résilience et l’entrepreneuriat, demeurent essentielles dans la construction d’une société plus juste.
« La foi, et cette vision dont je parle, c’est d’avoir la conviction que ce qui ne s’est pas encore produit a encore toutes les chances d’arriver. Prenons l’exemple de l’UCG et de plusieurs autres œuvres à l’actif de Mgr Kataliko. Personne ne s’y attendait. Et moi, je suis un homme de vision aujourd’hui. Au niveau où je suis, j’ai beaucoup d’épines. Si quelqu’un m’avale, ma digestion ne sera vraiment pas chose facile. Et si on travaille dans l’union, alors là, on sera en train de poursuivre l’œuvre de Mgr Emmanuel Kataliko. Là, je parle encore de la résilience. Quoi d’autre ? Il ne faut pas que la misère nous envahisse. Laissez-moi prendre l’exemple de Butembo, cette ville connue pour ses fils entrepreneurs. Des personnes qui ne veulent pas demeurer dans la misère. Les gens de Butembo cherchent. Évitons donc de penser que quelqu’un va chercher à notre place », a déclaré le gouverneur militaire du Nord-Kivu.
À Lubero, les chrétiens de la paroisse Bon Pasteur ont commémoré le 25e anniversaire de la mort de Monseigneur Kataliko à travers plusieurs activités. La journée a été marquée par des messes, une caravane animée par une fanfare, et une mobilisation des fidèles autour de l’héritage du défunt évêque. Encadrés par les forces de l’ordre, les participants ont exprimé leur attachement aux valeurs incarnées par le feu Kataliko.
Un parcours de foi et de résistance
Décédé le 4 octobre 2000 dans un hôpital près de Rome, à l’âge de 68 ans, Monseigneur Emmanuel Kataliko avait marqué l’histoire récente de l’Église catholique en RDC. À l’époque, il participait à une réunion du Symposium des Conférences Épiscopales d’Afrique et de Madagascar. Officiellement, son décès a été attribué à un infarctus, bien que des doutes subsistent encore dans certains milieux à Bukavu.
Durant la période de l’occupation rebelle, il avait été déporté à Butembo par le RCD-Goma, qui l'accusait de tenir des discours hostiles à la rébellion. Pendant son exil forcé, il était devenu un symbole de la résistance non-violente. Les fidèles de l’archidiocèse de Bukavu avaient alors mené une mobilisation intense pour son retour, qui a été autorisé en septembre 2000. Il décédera trois semaines après son retour.
Né en 1932 à Lukole, dans le territoire de Lubero, Emmanuel Kataliko a été ordonné prêtre en 1958 à Rome, puis évêque en 1966. Il a dirigé le diocèse de Butembo-Beni pendant 31 ans, avant d’être nommé archevêque de Bukavu en 1997. Tout au long de sa vie, il a œuvré pour le développement, l’éducation notamment à travers la construction de l’Université Catholique du Graben (UCG), la promotion de la santé et la construction des infrastructures rurales.
Josué Mutanava, à Goma