RDC: de nombreuses familles fuient l’insécurité dans le territoire de Nyiragongo pour se réfugier à Goma et Sake, « en seulement deux semaines, ma maison a été visitée à sept reprises »

Les habitants de Sake fuyant vers Goma (Illustration)
Les habitants de Sake fuyant vers Goma (Illustration)

Plusieurs familles des villages Kanzana et Kabale Katambi, situés dans les groupements Mudja et Rusayo, dans le territoire de Nyiragongo (Nord-Kivu), ont entamé un déplacement massif depuis ce lundi 12 mai, fuyant une insécurité persistante. D’après plusieurs sources locales, ces familles se dirigent principalement vers la ville de Goma et la cité de Sake, dans le territoire de Masisi.

Plusieurs témoignages ont été recueillis par ACTUALITÉ.CD ce mardi 13 mai à Nyiragongo et à Goma. Une mère de neuf enfants, qui a préféré garder l’anonymat, a expliqué avoir fui après avoir été visitée par des hommes armés à sept reprises en l'espace de deux semaines.

« Je viens du village de Kanzana et j’ai été victime de vols répétés par des présumés bandits. En seulement deux semaines, ma maison a été visitée à sept reprises. Ces bandits ont un modus operandi bien établi : lorsqu’ils entrent chez quelqu'un pour voler, ils commencent par annoncer leurs intentions, expliquant que la famine les pousse à agir ainsi. Ils exigent de prendre tout ce que l’on possède, en insistant particulièrement sur l’argent. Si, par malheur, on n’a rien à leur donner, et surtout si on est une femme, ils n’hésitent pas à commettre des viol », confie-t-elle, le regard plein d’angoisse.

Elle ajoute : « Depuis février dernier, mon mari a été enlevé par ces mêmes individus, et je n'ai plus aucune nouvelle de lui. Cette situation devient insupportable, j’ai pris la décision de fuir avec mes enfants pour éviter d'être exterminés ».

Un autre déplacé, rencontré en route vers Goma, témoigne avoir perdu son frère et son enfant lors d'une incursion armée le 4 avril dernier à Kabale Katambi. Il ajoute avoir été agressé de nouveau la semaine dernière avant de quitter finalement le village. 

« Ils ont fait irruption chez moi le jeudi de la semaine dernière. Ils m’ont demandé de l’argent. J’ai donné tout ce que j’avais, y compris mon téléphone, pour qu’ils me laissent la vie sauve. Malheureusement, ils ont tiré sur mon voisin à la jambe avant de l’emmener. Depuis, on ne sait pas où il est. Chaque jour, plusieurs cas d'insécurité sont signalés dans notre village, entre Kabale, Katambi et Kanzana. La plupart de ceux qui viennent semer la terreur ici sont des éléments wazalendo et des FDLR qui se cachent encore dans la forêt près de Mudja. Aujourd’hui, j’ai aussi décidé de me déplacer pour un temps, afin de me mettre à l’abri. Je ne suis pas seul, je pars avec toute ma famille. On ne sait jamais ce qui peut arriver », a-t-il témoigné.

Ces témoignages sont corroborés par Kabumba Mazanga Butros, notable du groupement de Mudja, qui confirme les déplacements sans entrer dans les détails. Il lance un appel pressant aux autorités pour renforcer la sécurité dans cette partie du territoire de Nyiragongo.

L’ampleur de ces mouvements de population s’explique par la recrudescence des violences. Le 5 avril dernier, 11 civils ont été exécutés alors qu’ils prenaient leur repas dans le village de Kabale Katambi. Plus récemment, dans la nuit du 11 au 12 mai, quatre membres d’une même famille ont été tués et brûlés vifs par des hommes armés non identifiés.

Face à cette montée de l’insécurité, l’administrateur du territoire de Nyiragongo installé par l’AFC/M23 a pris une série de mesures restrictives interdit la circulation des motos après 21h, le transport de charges lourdes ou de passagers sur cargaisons, entre autres. Ces mesures visent à limiter les déplacements nocturnes souvent exploités par les malfrats.

Selon un rapport du Bureau de coordination des affaires humanitaires (OCHA), la criminalité dans la région de Goma et Nyiragongo a connu une nette hausse depuis la progression de la rébellion l’AFC/ M23, soutenue par le Rwanda. OCHA signale notamment de violents affrontements le 9 avril dans les localités de Mutaho, Mujoga et Karungu (territoire de Nyiragongo), qui ont atteint Goma deux jours plus tard. Le bilan humain reste encore difficile à établir. Dans ce contexte de violence croissante, le cluster CCCM1 a lancé une enquête auprès de 10 500 déplacés (2 388 ménages) hébergés dans 53 centres collectifs autour de Goma pour évaluer leurs intentions de retour.

Josué Mutanava, à Goma