Le Cluster Sécurité Alimentaire en République Démocratique du Congo (RDC) a publié son premier rapport de situation (Sitrep) sur la crise alimentaire qui frappe l'Est du pays. Face à la persistance des conflits armés, la situation humanitaire ne cesse de se dégrader, mettant en péril des millions de vies. L'insécurité alimentaire atteint des niveaux critiques, aggravée par les déplacements massifs des populations.
Selon une enquête du Programme Alimentaire Mondial (PAM) réalisée du 4 au 7 février 2025, cité dans le document de Cluster Sécurité Alimentaire, près de 75 % des personnes déplacées souffrent d'un mauvais score de consommation alimentaire, signe d'une alimentation insuffisante. Ce chiffre a explosé depuis décembre 2024, passant de 13 % à 71 % après la prise de Goma par le M23.
“Il est important de souligner que la proportion de ménages avec une mauvaise consommation alimentaire est passée de 13% en décembre 2024 (avant la crise) à 71 % en février 2025 (après la crise) après la prise de Goma par le M23. Il n'y a pas de différence significative dans la proportion de ménages avec un taux de consommation alimentaire pauvre entre les déplacés internes qui sont retournés dans leur village d’origine (74%) et ceux qui sont restés dans des camps (72 %), des centres collectifs (73 %) et des familles (69%) à Goma”, indique le rapport de Cluster Sécurité Alimentaire consulté par ACTUALITE.CD
Dans les camps de déplacés, les centres collectifs et les familles d'accueil, la situation est tout aussi critique, avec 74 % des retournés et 72 % des déplacés internes (PDI) en situation de grande vulnérabilité. Privés de ressources, 80 % des déplacés ont perdu leurs stocks de nourriture et leurs moyens de subsistance, les contraignant à la mendicité. Les enfants figurent parmi les premières victimes de cette précarité croissante.
“L'accès humanitaire demeure un défi majeur. L'aéroport de Goma reste fermé, compliquant l'acheminement de l'aide et le déploiement des équipes humanitaires. Les retards causés par les formalités douanières et les difficultés d'obtention de visas ralentissent également la réponse humanitaire. De plus, les accès routiers vers Goma et Bukavu sont impraticables en raison des combats qui s'étendent à la province du Sud-Kivu”, ajoute le document.
Une étude de Caritas menée à Bukavu du 3 au 10 février 2025 confirme l'adoption de stratégies de survie extrêmes par les ménages déplacés. Beaucoup sautent des repas ou passent des journées entières sans manger. Les familles d'accueil, déjà en difficulté, voient leurs stocks de nourriture s'épuiser rapidement. D'après l'analyse du 23ème cycle du Cadre Intégré de Classification de la Sécurité Alimentaire (IPC), 25,6 millions de Congolais étaient déjà en insécurité alimentaire aiguë en 2024, dont 3,1 millions en phase d'urgence (Phase 4 de l'IPC). La recrudescence des violences en janvier 2025 a encore aggravé la situation.
Les affrontements dans les territoires de Goma, Nyiragongo et Masisi ont déplacé des centaines de milliers de personnes. Fin janvier 2025, plus de 700 000 déplacés internes (PDI) étaient réfugiés aux abords de Goma. La prise de la ville par le M23/AFC a déclenché un nouvel exode vers Bukavu, Uvira, Tanganyika et même le Burundi, qui a déjà accueilli plus de 42 000 demandeurs d'asile congolais en deux semaines.
Les infrastructures essentielles, notamment l'approvisionnement en eau, l'assainissement et les services de santé, ont été sérieusement endommagées. De nombreux sites de déplacés ont été détruits, laissant des milliers de personnes sans abri ni accès aux services de base. Face à cette urgence humanitaire, les ONG et les agences internationales plaident pour un renforcement immédiat de l'aide afin d'éviter une catastrophe alimentaire de grande ampleur en RDC.
Kuzamba Mbuangu