Vingt heures heures après de vives manifestations à Kinshasa, pour protester contre l’occupation de la ville de Goma, dans la province du Nord-Kivu, par l’armée rwandaise et le M23, des activités essentiellement commerciales ont repris timidement au grand marché « Zando ». Plusieurs magasins et boutiques sont restés fermés, tandis que d’autres petits commerces ont ouvert avec prudence. La population kinoise rencontrée craint la dégradation de la situation socio-économique, dans une ville où la majorité de la population vit de petites activités au centre-ville.
« Il n’y a pas d’activités aujourd’hui. Les magasins sont fermés », rapporte un ouvrier devant un magasin d’expatriés, sur l’avenue Tabuley, dans la commune de la Gombe.
Un autre, à côté de lui, évoque une alerte sur d’autres manifestations, après celles d'hier.
« Les propriétaires craignent encore ce qui a eu lieu hier. Ils ont reçu des alertes sur d’autres actes de vandalisme qui devaient avoir lieu aujourd’hui. Cette situation est grave pour nous. Le Congolais vit au jour le jour ; s’il ne sort pas, il ne mangera pas non plus », relate-t-il.
Sur le croisement des avenues Bokassa et Commerce, toujours à Gombe, des groupes de personnes se tiennent devant des magasins, observant la situation. Un groupe d’environ cinq policiers patrouille dans l’avenue. Un jeune exprime son regret face à la dégradation de la situation à la suite de la manifestation de ce lundi.
« Tout le monde craint que des manifestations reprennent ainsi que des pillages. L’activité d’hier était une marque de solidarité envers nos frères de Goma. Mais malheureusement, certains d’entre nous en ont profité pour piller les biens d’autrui. C’est ainsi qu’aujourd’hui, il y a cette timidité, tout en espérant que la situation redevienne stable pour que les magasins puissent rouvrir leurs portes », précise-t-il.
Une jeune dame, qui gère un petit restaurant de fortune (malewa), exprime sa frustration et craint déjà de ne pas trouver de véhicules pour le transport en commun lorsqu'elle souhaitera retourner chez elle.
« Je ne vends pas beaucoup, c’est seulement quand il y a beaucoup de clients que nos ventes augmentent. Je n’ai pas préparé suffisamment de repas. Nous nous sommes dépêchés de vider ce que nous avions préparé. Le soir, nous serons confrontés à un problème de transport. Je ne sais pas si nous pourrons rentrer à pied », a-t-elle indiqué.
À l’intérieur du grand marché, de nombreuses personnes ont exposé leur marchandise à l’extérieur, mais elles évoquent la nécessité de rester prudentes. « Nous exposons souvent notre marchandise dehors. Ceux qui tiennent des magasins ont peur d'ouvrir. Si nous remarquons le moindre mouvement suspect, nous protégeons rapidement notre marchandise », explique une commerçante.
Un jeune homme d’environ 30 ans, qui vend des fournitures scolaires, évoque pour sa part la détérioration des activités de vente plusieurs jours avant même la situation d’aujourd’hui. « Il n’y a pas autant de mouvement aujourd’hui. Cela affecte notre économie. Même lorsqu'il y a affluence, réaliser une grosse vente n’est pas facile depuis le début de ce mois de janvier », renseigne-t-il.
Mardi, des milliers de personnes sont descendues dans les rues de Kinshasa en protestation contre la prise de Goma par les rebelles du M23. Mais ces manifestations se sont transformées en scènes de violence, de pillage et d'attaques. Plusieurs ambassades occidentales (USA, France, Belgique) et des pays africains, dont l’Ouganda, le Kenya et le Rwanda, ont été attaquées, saccagées et incendiées. Des maisons de commerce ont également été pillées. Les manifestants se sont attaqués à des résidences privées.
Ce matin encore, la police a dispersé des dizaines d’autres manifestants qui tentaient de se rassembler pour manifester.
Bruno Nsaka