La République démocratique du Congo, autrefois l'un des fleurons africains de la production de café et de cacao, a vu son secteur décliner au fil des décennies, victime de la zaïrianisation, des conflits armés et du manque d’investissement. Aujourd’hui, le pays entend renouer avec son passé agricole en misant sur des réformes ambitieuses et une exploitation durable de son immense potentiel.
Sous la colonisation belge, la RDC a connu une forte expansion de la filière café-cacao. À Lukula, dans la province du Kongo Central, 32 465 hectares étaient dédiés à la culture du cacao avant les années 1970. La SCAM, un acteur historique de l’agro-industrie au Mayombe (Tshela), gérait des plantations de cacao et d’hévéas tout en assurant la transformation locale grâce à des usines modernes.
Cependant, les bouleversements politiques des années 1970, marqués par la zaïrianisation – une politique de nationalisation des entreprises appartenant aux étrangers – ont provoqué le déclin de nombreuses plantations, faute de gestion efficace et d’expertise locale. La zaïrianisation, couplée à des décennies d’instabilité, a entraîné l’abandon de vastes plantations, la fragmentation des exploitations et la marginalisation des petits planteurs. À Lukula, seulement 3 250 hectares de cacao sont encore exploités aujourd’hui, principalement par des petits paysans. Ces derniers, avec des parcelles d’environ 5 hectares chacun, peinent à rivaliser avec les grandes exploitations structurées d’autres pays producteurs comme la Côte d’Ivoire.
La RDC a également souffert d’un manque d’investissement dans la transformation locale. Jusqu’à récemment, la majorité de son cacao était exportée sous forme brute, privant le pays des revenus générés par la chaîne de valeur.
Depuis 2020, des initiatives visant à redynamiser la filière café-cacao ont vu le jour. Les coopératives comme la COCAMA (Coopérative des cacaoculteurs du Mayombe) et la SOPAM (Solidarité Paysanne au Mayombe) jouent un rôle clé dans le soutien aux petits producteurs. La SOPAM, grâce à un financement de 500 000 dollars, a lancé un programme de relance couvrant 150 hectares de plantations et formé des dizaines de nouveaux producteurs.
Dans la province de la Tshopo, autrefois méconnue pour sa production de cacao, le label « Cacao Tshopo » est en cours de création. En 2022, un échantillon envoyé en Suisse a révélé une qualité exceptionnelle, renforçant les ambitions locales. Cependant, avec une production actuelle de 800 tonnes par an, la région est encore loin de satisfaire la demande internationale, estimée à 300 tonnes hebdomadaires.
Le gouvernement congolais a annoncé des objectifs ambitieux. Lors d’un briefing de presse en décembre 2024, Julien Paluku, ministre du Commerce extérieur, a révélé que la RDC vise une production annuelle de 3 millions de tonnes de cacao d’ici 2030, contre une estimation actuelle de 100 000 à 200 000 tonnes. Avec un prix moyen de 11 590 dollars par tonne, cela pourrait générer des revenus de 30 milliards de dollars par an, soit une augmentation significative du PIB national.
Pour atteindre ces objectifs, la RDC mise sur l’agroforesterie et le développement durable. Selon le ministre, les 80 millions d’hectares de terres arables du pays, distincts des 155 millions d’hectares de forêts tropicales, offrent une opportunité unique de relancer l’agriculture sans menacer l’environnement.
Malgré ce potentiel, la RDC doit relever des défis structurels majeurs : infrastructures routières insuffisantes, faible mécanisation, accès limité aux financements et nécessité d’améliorer la formation des producteurs. Par ailleurs, les exigences de durabilité imposées par l’Union européenne, bien que surmontées avec la certification obtenue en août 2024, continuent de poser des contraintes au développement du secteur.
Avec des initiatives comme la création de zones économiques spéciales à Musienene (Nord-Kivu) et Maluku (Kinshasa), ainsi que des efforts pour diversifier les marchés d’exportation, la RDC espère s’imposer à nouveau sur le marché mondial. « Notre cacao bio, produit sans engrais chimiques, est le meilleur au monde. Nous avons tout pour devenir la locomotive du développement agricole en Afrique », a affirmé Julien Paluku.