En République démocratique du Congo (RDC), la rationalisation des incitations fiscales pourrait améliorer l’efficacité des politiques fiscales et ouvrir la voie à de futures baisses de taux d’imposition, tout en garantissant des ressources adéquates pour le développement et les dépenses sociales. C’est ce que recommande le dernier rapport de la Banque mondiale sur la situation économique RDC, rendu public mardi 29 juillet à Kinshasa.
Le rapport intitulé « Réévaluer les incitations fiscales - Des résultats en deçà des promesses de croissance et d’équité » souligne le taux de croissance du PIB élevé de 6,5 % atteint en 2024, soutenu par des activités minières dynamiques, notamment dans l’exploitation du cuivre et du cobalt. Malgré l’un des taux de croissance les plus élevés d’Afrique, ce chiffre reste légèrement inférieur à la moyenne de 7,9% enregistrée entre 2021 et 2023. Même avec cette forte croissance, le rapport présenté par Cédric Deguenonvo, Économiste- Pays Principal, souligne que la réduction significative de la pauvreté et la création d’emplois restent limitées. La stabilité macroéconomique a été maintenue grâce à la discipline budgétaire et à l’absence de financement monétaire du déficit. L’inflation, bien qu’encore élevée, a chuté à 8,6 % en juin 2025. Le potentiel de développement de la RDC demeure important, avec des perspectives économiques positives.
"Dans la mesure où le niveau des incitations fiscales est particulièrement élevé au regard de la faiblesse de la pression fiscale globale, qui reste bien en deçà de la moyenne africaine et des pays pairs, il est plus que judicieux de s’interroger aujourd’hui sur l’efficacité et la pertinence de tous ces régimes fiscaux d’exception. Cette question principale a servi de fondement à la préparation de ce rapport et a mené à l’élaboration de recommandations politiques à mettre en œuvre à court et moyen terme", a indiqué Dr Albert G. Zeufack, Directeur pays de la Banque mondiale pour l'Angola, le Burundi, la République démocratique du Congo (RDC) et Sao Tomé-et-Principe.
La section spéciale du rapport examine les incitations fiscales, en se concentrant sur leur évolution et leur impact. Les recettes fiscales de la RDC représentent 12,5 % du PIB, contre une moyenne de 16 % en Afrique subsaharienne. Selon le rapport, les incitations fiscales entraînent un manque à gagner d’environ 5 % du PIB soit un tiers des recettes fiscales totales ou trois fois le budget du secteur de la santé tout en apportant des bénéfices minimes aux ménages vulnérables.
"La RDC possède un énorme potentiel économique. Pour parvenir à une croissance inclusive et durable,le pays doit accroître ses recettes intérieures, rationaliser les incitations fiscales et investir dans les services sociaux ainsi que dans les infrastructures", a insisté M. Zeufack.
Pour relever ces défis et mobiliser davantage de ressources pour la croissance, le rapport recommande de simplifier la politique fiscale, d’harmoniser les taux d’imposition, de remplacer les incitations fiscales basées sur le profit par des incitations basées sur les coûts, et d’améliorer la transparence et l’évaluation de ces incitations.
"Cette édition du rapport sur la situation économique de la RDC suggère un ensemble des mesures qui visent à renforcer le système de suivi et d’évaluation de manière régulière des incitations fiscales, à les rationaliser et à privilégier des instruments plus transparents et mieux ciblés pour atteindre les objectifs de politique publique. Des progrès ont été réalisés dans l’estimation du volume des incitations fiscales et la publication d’un rapport à ce sujet en annexe de la loi de finances. Il est désormais possible de capitaliser sur ces progrès pour aligner le système fiscal congolais sur les meilleures pratiques internationales".
La précédente édition de ce type de rapport a été publiée en juin 2022. Dans un contexte où les décisions publiques réclament de plus en plus des bases analytiques solides et objectives, ce rapport ouvre donc la voie à l’ambition pour la Banque mondiale de produire chaque six mois un rapport sur la situation économique en vue de stimuler un dialogue constructif sur les politiques publiques.
La Banque mondiale est semblable à une coopérative, dans laquelle les actionnaires sont ses 189 pays membres. Ces actionnaires sont représentés par un Conseil des Gouverneurs, qui est l'organe de décision suprême de la Banque mondiale. Les gouverneurs sont en général les ministres des finances ou du développement des pays membres. Ils se réunissent une fois par an, à l'occasion des Assemblées annuelles des Conseils des Gouverneurs du Groupe de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international (FMI).
Clément MUAMBA