RDC : Kinshasa critique les exigences européennes sur la déforestation zéro, évoque la probabilité d’une guerre économique déguisée

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Le gouvernement congolais a exprimé de vives critiques sur le règlement européen visant la lutte contre la déforestation, appliqué aux produits agricoles, dont le cacao et le café. Lors d’un briefing à Kinshasa, vendredi, Julien Paluku, ministre du Commerce extérieur, a dénoncé les contradictions et les impacts potentiellement négatifs de cette législation sur la République démocratique du Congo (RDC).

« Ce règlement européen prétend protéger l’environnement, mais il est basé sur des critères qui ignorent nos réalités locales. Nos cultures de cacao et de café ne déforestent pas, elles contribuent au contraire à la reforestation et à la capture du CO2 », a affirmé Julien Paluku, rappelant que la RDC possède 80 millions d’hectares de terres arables distincts de ses 155 millions d’hectares de forêts tropicales.

La RDC a obtenu en août 2024 la certification de ses plantations par des auditeurs internationaux, mais le ministre a remis en question leur localisation et leur objectivité. « Ces auditeurs sont basés au Kenya, en Ouganda et au Rwanda. Ils certifient nos champs depuis l’étranger, et nous avons des raisons de douter de leur impartialité », a-t-il déclaré.

Julien Paluku a également souligné une incohérence dans les délais. « Les auditeurs ont certifié nos plantations cette année, mais le café et le cacao mettent trois ans à produire. Comment peut-on affirmer qu’un cacao récolté aujourd’hui est issu de la déforestation récente ? C’est un amalgame qui pénalise injustement nos producteurs », a-t-il ajouté.

Le ministre a insisté sur la faible contribution de la RDC à la déforestation mondiale, estimée à seulement 0,03% par an. « Avec ce taux, il nous faudrait 100 ans pour atteindre une déforestation de 3%. Nous ne sommes pas responsables des problèmes environnementaux que l’on nous impute », a-t-il martelé.

Il a rappelé que les cultures pérennes, comme le cacao et le café, sont des arbres qui capturent le carbone. « Nos plantations contribuent à la photosynthèse au même titre que les forêts tropicales. Plutôt que de nous sanctionner, l’Union européenne devrait reconnaître nos efforts et soutenir notre accès au crédit carbone », a souligné le ministre.

Pour répondre à cette situation, la RDC prône un dialogue tripartite avec l’Union européenne et la MONUSCO, qui, selon le gouvernement, pourrait jouer un rôle de garant pour vérifier que les plantations respectent les normes environnementales.

En parallèle, Julien Paluku a annoncé un renforcement des capacités locales. « Nous allons outiller l’ONAPAC et l’ANAPEX pour garantir une certification nationale de nos produits agricoles, afin de ne plus dépendre d’auditeurs étrangers qui pourraient avoir des intérêts contraires aux nôtres », a-t-il déclaré.

Le ministre a également évoqué la nécessité pour la RDC de diversifier ses débouchés commerciaux. « Nous avons réintégré l’AGOA, un programme américain, et nous explorons les marchés indien et chinois pour réduire notre dépendance au marché européen », a-t-il précisé.

Julien Paluku n’a pas hésité à dénoncer une possible guerre économique déguisée. « Alors que nous voulons transformer notre agriculture en moteur de développement, on nous oppose des règles qui freinent cet élan. Nous devons nous demander si ces décisions ne cachent pas une volonté de maintenir la RDC dans un rôle de simple exportateur de matières premières », a-t-il conclu.

Avec ces mesures et ces critiques, Kinshasa espère faire entendre sa voix et défendre ses intérêts face à des normes internationales jugées inadaptées à son contexte.