Grâce présidentielle : la société civile appelle à une vigilance accrue pour éviter les dérives

Félix Tshisekedi devant la population de Kananga
Félix Tshisekedi devant la population de Kananga

La société civile congolaise salue l'initiative du président Félix Tshisekedi d'accorder une grâce présidentielle à certains détenus, notamment des acteurs politiques, dans le cadre de la consolidation de l'unité nationale. Cependant, des voix s'élèvent pour appeler à une mise en œuvre rigoureuse et transparente de cette ordonnance, afin d'éviter les abus.

Lors d'un entretien avec ACTUALITE.CD, Me Carlos Mupili, de la Dynamique Chrétienne pour la Défense des Droits Humains et de l'Environnement (DCDDHA), a mis en garde contre d'éventuelles dérives dans l'exécution de cette mesure.

« La société civile salue cette mesure qui répond à la légalité et qui peut réduire les tensions politiques. Mais nous appelons le ministre de la Justice à surveiller de près la commission chargée de déterminer les bénéficiaires. Il arrive souvent que les vrais bénéficiaires, répondant aux critères, ne soient pas libérés, tandis que d'autres, parfois grâce à des pratiques de corruption, en profitent. La grâce présidentielle est gratuite et ne doit pas devenir un prétexte à des manœuvres illicites », a-t-il déclaré.

Il a également rappelé la différence entre grâce présidentielle et amnistie : « La grâce réduit la peine ou donne la liberté, mais le casier judiciaire reste marqué, contrairement à l'amnistie qui efface les condamnations ».

De son côté, Emmanuel Adu Cole, président de la Fondation Bill Clinton pour la Paix (FBCP), a recommandé des mécanismes spécifiques pour exclure certains crimes graves des bénéficiaires de la grâce.

« Il est impératif que cette ordonnance ne permette pas la libération des violents ou de détourneurs de fonds. Ces catégories de crimes doivent rester inéligibles à toute mesure de clémence », a-t-il insisté.

Jonas Tshiombela, coordonnateur de la Nouvelle Société Civile Congolaise (NSCC), a encouragé le président à étendre cette mesure aux autres prisons du pays.

« Nous saluons cette initiative qui contribue à la détente politique, mais le chef de l'État doit aller plus loin. Cette grâce devrait inclure toutes les maisons carcérales pour une inclusivité », a-t-il déclaré.

Il a également exhorté Félix Tshisekedi à instaurer un dialogue permanent avec l'opposition et la société civile.

« Ce ne sont pas ses ennemis. Un cadre de discussion serait essentiel pour aborder les questions cruciales de la nation. Nous, de la société civile, nous sentons oubliés par un président qui semble accorder plus d'attention aux musiciens qu'aux acteurs sociaux. Cette grâce doit marquer une véritable décrispation de l’environnement socio-politique ».

L'ordonnance, lue le 31 décembre 2024 à la télévision nationale congolaise (RTNC), accorde une grâce présidentielle à toute personne condamnée à une peine de servitude pénale ou de travaux forcés inférieurs à cinq ans. Le chef de l'État a motivé cette décision par un souci de pardon, de clémence et d'humanité, dans le cadre des festivités de fin d'année et du Nouvel An 2025.

La société civile reste vigilante face à cette mesure présidentielle. Si elle représente un geste fort en faveur de la réconciliation et de l'unité nationale, son succès dépendra de l'intégrité des institutions chargées de son exécution. Pour beaucoup, la grâce présidentielle est une opportunité d'apaisement, mais elle doit s'inscrire dans un cadre de justice et d'équité.

Grâce Guka