RDC: Dix jours après les tueries de masse à Makala, les autorités enquêtent mais ne soutiennent pas la thèse d’une « simple tentative d’évasion »

Prison de Makala Bus
Ph. ACTUALITE.CD

Dix jours se sont écoulés depuis la répression meurtrière des forces de sécurité contre une « tentative d’évasion » à la prison Makala, jusqu’à causer la mort de 131 détenus, après une mise à jour faite lundi par le porte-parole du gouvernement, Patrick Muyaya. Le lendemain du jour de l’incident, le vice-premier ministre de l’intérieur et sécurité, Jacquemain Shabani avait directement annoncé une enquête. Le Chef de l’Etat, Félix Tshisekedi était en mission en Chine. Il est rentré une semaine après les tueries, et à, à son tour, intimé l’ordre de mener une enquête tout en présageant un résultat.

Ce lundi, le Président a demandé au VPM de l’intérieur et au ministre d’Etat de la justice de « lui soumettre, endéans une semaine, les conclusions de l’enquête en cours, qui devrait déterminer les causes exactes de cet incident. Cette enquête devra aussi établir les responsabilités, et des sanctions appropriées seront appliquées aux fauteurs de troubles, qu’ils soient internes ou externes à l’établissement carcéral concerné ».

Opération commando menée de l’extérieur

Selon des sources internes au ministère de la justice, il ne s'agirait pas d'une simple tentative d'évasion classique, mais plutôt d'une tentative d'insurrection. Le plan aurait inclus le sabotage d'autres établissements, comme la prison militaire de Ndolo. L'opération aurait été orchestrée de l'extérieur, avec des complicités internes. Contrairement à ce que l'on pourrait penser, il ne s'agirait pas d'un commando extérieur, mais plutôt d'actes d'infiltration.

Les enquêteurs parlent d'achats de conscience, d'argent ayant circulé, et d'armes blanches introduites dans la prison, malgré le fait que l'on sait que presque tout est accessible à Makala. Des anomalies ont été relevées, notamment le fait que certains pavillons n'auraient pas été fermés correctement, contrairement à la procédure habituelle. De plus, il est rapporté que le mur de la prison aurait été pris d'assaut dès 20 heures, sous la pluie, bien avant les deux heures du matin initialement annoncées.

Les enquêteurs explorent également la question de la coupure de courant : était-ce une panne ou une coupure délibérée ?

Responsabilité du directeur de la prison

Le directeur de la prison de Makala avait déjà alerté sur la situation catastrophique de l'établissement. Quelques mois plus tôt, il avait écrit à l’ancienne ministre de la Justice pour signaler la surpopulation et prévenir d'un risque d'explosion à tout moment. Cependant, les enquêteurs pensent qu'il pourrait également être impliqué dans cet incident.

Le ministre de la justice a déclaré que le directeur est en fuite et ne répond plus aux appels depuis les événements. Selon certaines sources, il aurait expliqué à ceux qui sont entrés en contact avec lui qu'il est malade et actuellement à l'étranger pour se soigner.

Plusieurs personnes ont déjà été arrêtées. De nombreux responsables de la prison, ainsi que certains détenus, sont actuellement poursuivis. Environ une trentaine de personnes ont été arrêtées, y compris le responsable de la sécurité. Celui-ci aurait eu connaissance de la coupure de courant bien avant deux heures du matin, mais n'a alerté que tardivement. Les arrestations se poursuivent également à l'extérieur de la prison, avec des pasteurs qui auraient prêché dans l'établissement également visés par l'enquête.

Pour sa part, Félix Tshisekedi « n'excluant pas l’hypothèse d’une main noire tendant à saper les efforts du Gouvernement, lorsqu’il a été observé une autre tentative maitrisée à Bunia en date du 07 septembre 2024, le Président de la République a recommandé la vigilance accrue de la part de nos forces de défense et de sécurité », a ajouté le compte-rendu de la réunion du Conseil des ministres convoqué exceptionnellement lundi.

A ce stade, il est clair que la thèse d’une  « simple tentative d’évasion » est, en quelque sorte, mise en doute par les autorités.