Kinshasa : des victimes de harcèlement sexuel au travail se confient au desk femme

Photo/ Droits tiers
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Le harcèlement sexuel au travail continue de gangréner le milieu professionnel à Kinshasa, laissant des traces indélébiles sur la vie de nombreuses femmes. Si les chiffres officiels peinent à rendre compte de l’ampleur du phénomène, les témoignages recueillis ce lundi 02 septembre 2024 dressent un sombre  tableau de la réalité.

Pour préserver leur anonymat, les noms des personnes qui se sont confiés, sont des noms d'emprunt.


"J'ai commencé à travailler dans le secteur des médias avec beaucoup d'enthousiasme, il y a quatre ans. Au début, tout se passait bien, mais mon supérieur hiérarchique a rapidement commencé à faire des remarques déplacées sur mon apparence. Les avances n'ont pas tardé à venir. J'ai refusé catégoriquement, mais il a redoublé de pression, allant jusqu'à me menacer de me licencier si je ne cédais pas. J'allais travailler avec la boule au ventre. J'ai fini par démissionner, épuisée et démoralisée" confie Marie Rose Matondo, journaliste.

La peur des représailles, la honte et la culpabilité sont autant de facteurs qui poussent les victimes à garder le silence. De plus, la culture du silence qui règne dans de nombreuses entreprises facilite le maintien de ces comportements.

"Dans mon milieu, le harcèlement est quasi-quotidien, et personne ne s'en soucie. Des blagues sexistes, des attouchements non consentis, des demandes de faveurs sexuelles en échange d'une promotion, etc C'est un véritable parcours du combattant. J'ai peur de porter plainte, car je crains les représailles et me retrouver au chômage. J'ai peur de parler, peur de perdre mon emploi. Je me sens seule et impuissante”, s’inquiète Mireille Joto, employée dans une entreprise des cosmétiques.

"J'ai été victime de harcèlement de la part d'un collègue. Il n'arrêtait pas de me faire des propositions indécentes et d'insister pour avoir mon numéro de téléphone. J'ai signalé les faits à mon employeur, mais il n'a rien fait. J'ai eu l'impression d'être abandonnée”, déplore à son tour Marthe Analoseke, employée dans une banque.

Le harcèlement peut prendre des formes très subtiles et difficiles à prouver, note de son coté Brigitte Ndekosako, employée dans le secteur de la télécommunication.

"Des regards insistants, des commentaires sur mon corps, des remarques sexistes... Au début, je minimisais, pensant que c'était dans ma tête. Mais au fil du temps, j'ai réalisé que je n'étais pas la seule à subir ce genre de comportement."

Malgré les lois en vigueur, les témoignages révèlent un quotidien difficile pour les femmes qui osent dénoncer ces agissements.

"J'ai décidé de porter plainte après avoir subi des attouchements répétés de la part de mon collègue. C'était une étape très difficile, mais je voulais que justice soit faite. Malheureusement, la procédure a été longue et éprouvante. Je suis sortie perdante à la fin et j'ai tout perdu, vu que je n'avais aucune preuve et mon collègue avait misé beaucoup d'argent. Aujourd’hui je suis mal à l’aise dans mon boulot et n'arrive plus à travailler comme avant”, s’indigne Nicha owandjo, travailleuse dans un centre de santé.

Ces témoignages mettent en évidence les nombreux défis auxquels sont confrontées les femmes victimes de harcèlement sexuel à Kinshasa : la peur de représailles, le manque de preuves, la lenteur des procédures judiciaires, le manque de soutien.

Les conséquences psychologiques et professionnelles de ces agissements sont souvent dévastatrices : perte de confiance en soi, stress, dépression, voire démission.

"Il est essentiel de créer un environnement de travail sain et respectueux, où les victimes se sentent en sécurité pour dénoncer les faits. Les entreprises ont un rôle primordial à jouer en mettant en place des politiques de prévention et de lutte contre le harcèlement sexuel", a renchérit Nicha Owandjo.


 Nancy Clémence Tshimueneka