Héritage en RDC : les normes sociales face aux droits des femmes

Photo/ Droits tiers
Photo/ Droits tiers

Pour mieux comprendre les enjeux de la question d’héritage en RDC, particulièrement lorsqu’il s’agit des filles aînées de familles, le Desk Femme d’Actualité.cd a rencontré Vincent Bauna, sociologue spécialiste des questions de genre. Il revient sur les normes sociales ainsi que sur les défis auxquels sont confrontées les filles aînées en matière d’héritage.

Selon le sociologue, l’héritage est bien plus qu’une simple question de biens matériels en RDC. "C’est un marqueur social fort, lié à l’identité, au statut et à la continuité familiale. Traditionnellement, les hommes, et plus particulièrement les fils aînés, étaient les principaux bénéficiaires," note-t-il. "Cette pratique est renforcée par des normes sociales qui attribuent aux femmes un rôle principalement domestique et qui limitent leur accès aux ressources économiques."

Si les lois congolaises ont évolué pour reconnaître les droits des femmes à l’héritage, les pratiques culturelles demeurent tenaces. "Les filles aînées se trouvent souvent dans une situation ambiguë. D’un côté, elles sont valorisées pour leur rôle au sein de la famille, mais de l’autre, elles sont souvent considérées comme des membres temporaires, appelées à quitter le foyer familial pour celui de leur époux", explique le sociologue.

Selon Vincent Bauna, les normes sociales et culturelles profondément ancrées dans la société congolaise expliquent en grande partie ces inégalités. "La patrilinéarité, qui privilégie la transmission des biens par la ligne masculine, est encore très présente. De plus, la pression sociale pousse souvent les femmes à renoncer à leurs droits pour préserver l’harmonie familiale".

Les conséquences de ces inégalités sont multiples, souligne-t-il:

- Vulnérabilité économique: les femmes privées de leur part d’héritage sont souvent plus vulnérables sur le plan économique, notamment en cas de veuvage ou de divorce.
- ⁠Limitation des opportunités: l’accès à l’éducation et aux ressources économiques étant souvent lié à l’héritage, les filles aînées peuvent voir leurs perspectives d’avenir limitées.
- ⁠Perpétuation des inégalités de genre: ces pratiques contribuent à renforcer les stéréotypes de genre et à maintenir les femmes dans une position subordonnée.

Quelles solutions ?

Pour le sociologue, il est essentiel de mener des actions à plusieurs niveaux :

- Sensibilisation: il faut sensibiliser les populations, en particulier les jeunes, aux droits des femmes et à l’importance de l’égalité.
- ⁠Éducation: l'éducation des filles est un élément clé pour leur autonomisation et leur capacité à revendiquer leurs droits.
- ⁠Application des lois: les autorités doivent veiller à l’application stricte des lois en matière d’héritage et à la protection des droits des femmes.
- ⁠Soutien aux organisations de femmes: les organisations de la société civile jouent un rôle essentiel dans la défense des droits des femmes et l’accompagnement des victimes de discriminations.
- ⁠Les médias ont également un rôle important à jouer en donnant de la visibilité à ces questions et en mettant en avant des exemples de femmes qui ont réussi à faire valoir leurs droits. 
- ⁠Soutenir les femmes : des programmes de soutien juridique et psychologique peuvent aider les femmes à faire valoir leurs droits.
- ⁠Impliquer les hommes : il est important de faire participer les hommes à cette réflexion pour qu'ils deviennent des acteurs du changement.

"Le combat pour l'égalité des droits en matière d'héritage est un long processus", déclare le sociologue "Il nécessite l'engagement de tous : les pouvoirs publics, la société civile, les familles et les individus."

Si les défis sont nombreux, Vincent Bauna reste optimiste : "les mentalités évoluent progressivement, et de plus en plus de femmes lèvent la voix pour revendiquer leurs droits. Avec une volonté politique forte et un engagement de tous, il est possible de construire une société plus juste et équitable pour toutes et tous."


Nancy Clémence Tshimueneka