Selon le député Alexandre Kambale, le manque de volonté politique, la déficience de gouvernance locale et le problème des textes sont des obstacles au processus de décentralisation en RDC

Alexandre Kambale
Alexandre Kambale

Élu de Lubero en province du Nord-Kivu, le député national Alexandre Kambale a défendu, ce lundi 15 juillet 2024, son mémoire de fin d'études en gouvernance et management public au campus de l'université Senghor de Kinshasa qui fonctionne en partenariat avec l'École Nationale d'Administration (ENA). Le travail portait sur : « La Décentralisation, gouvernance et développement des entités territoriales décentralisées en RDC ». Le député qui fait partie de la première promotion d’une trentaine d’apprenants a relevé les trois problèmes à la base du freinage du processus de la décentralisation en RDC. 

Il s'agit d’après ses études, du manque de volonté politique, de la déficience de gouvernance locale ainsi que du problème des textes réglementaires. 

À travers les approches scientifiques, documentaires, descriptives, quantitatives, qualitatives, ainsi que les enquêtes menées sur terrain, cet élu a conclu qu'après quatre législatures, seuls 13% des entités disposent des organes délibérant sur l'ensemble de la République. Il constate en même temps la non application des mesures de rétrocession de 40% des recettes des provinces. De 2006 à 2022, s'est-il offusqué, la rétrocession n'a contribué qu'à 2,9% aux budgets des entités territoriales décentralisées.

« Le manque de volonté s'exprime par l'absence d'organisation des élections. Nous avons trouvé que dans plusieurs entités décentralisées, il n'y a que 13% des entités qui disposent des organes délibérants, malgré les quatre législatures qui sont passées. C'est ce qui prouve qu'il n'y a pas de volonté politique. La constitution prévoit en ses articles 175 et 181 la retenue à la source de 40% de la caisse nationale de péréquation. Malheureusement tout ça n'est pas appliqué. Nous avons relevé quelques rétrocessions qui ont été remises aux entités territoriales décentralisées. Elles sont entre deux et trois mois au cours d'une année, pourtant cela serait remis chaque mois. Et nous avons évalué que de 2006 à 2022, la rétrocession n’a contribué qu'à 2,9% aux budgets des entités territoriales décentralisées», a-t-il fait savoir aux membres du jury. 

À côté de la volonté politique, ce chercheur a épinglé la problématique de la déficience de gouvernance des entités locales, couplée d’un constat d'impréparation dans le chef des autorités desdites entités, observée par leur faible mobilisation des recettes due à l'inexistence de contrôle des tutelles.

«Nous avons relevé une déficience de la gouvernance locale, qui s'observe notamment par la mobilisation des recettes. Nous avons trouvé que la réalisation budgétaire est de 22%, ce qui prouve effectivement qu'il n'y a pas de mobilisation des recettes. Il s'observe une absence de coopération décentralisée, comme si les dirigeants des entités n’en sont pas informés. Il s'observe aussi un problème qui revient sur le plan national: le contrôle. Il n'y a pas de contrôle des tutelles. Et c'est ce qui fait que les dirigeants des entités ne s'améliorent pas», a-t-il indiqué, avant de recommander des formations pour leur remise à niveau. 

S'agissant des textes légaux, cet élu de Lubero remet en cause notamment l'article 126 de la loi relative à la décentralisation, qui veut que les autorités des entités territoriales soient nommées, tandis que la RDC est un État démocratique. 

« Au niveau des textes juridiques, il y a l'article 126 de la loi relative à la décentralisation qui consacre la nomination, pourtant nous sommes dans un système démocratique. Nous pensons qu'il faudrait revoir ces textes légaux par rapport à la décentralisation. Il faut qu'on soit vraiment dans la démocratie, et qu'il y ait aussi des élections. Nous avons effectivement relevé des abstentions de la loi. C'est-à-dire là où la loi ne dit rien, à l'instar de la fonction publique locale et provinciale. Nous avons relevé que la loi prévoit deux entités décentralisées dans le même espace. C'est le cas de la ville et de la commune. Cela fait qu'il y a augmentation des taxes et ça asphyxie l'économie locale», a-t-il soutenu.

Après les observations des membres du jury et une série des questions-réponses, ce travail effectué précisément dans la chefferie de Baswagha (territoire de Lubero), a été sanctionné par la mention grande distinction, et sera, à en croire le président du jury, gardé dans les archives de l'ENA et de l'université Senghor, à Dakar, au Sénégal. 

Samyr LUKOMBO