Le titre du livre à lui seul pose déjà toute la question et toute la complexité du problème. La RDC est encore un pays en proie à une insécurité cruelle dans sa partie Est. Ces hostilités, qui n’ont que trop duré, ont causé des morts à n’en point dénombrer exactement les chiffres. Il est sûr que le million a déjà été atteint et continue d’être dépassé, et ce, depuis environ 30 ans. Ce qui rend la question la priorité des priorités des autorités congolaises dans leur plan d’action.
Cependant, les écrivains en ont aussi pour sujet à documenter pourvu de servir entre autres de témoignage aux générations présentes d’abord et futures ensuite. Témoignages, c’est ce qu’a récolté Laetitia Malira Tembeya et édité dans le livre dénommé “Guerres dans l’Est, guerre de l’Est, face aux dévastations : résilience ou complaisance ?”.
Point n’est besoin de dire encore que l’Est de la RDC est un mouroir, le monde le sait si bien. La couverture du livre l’illustre avec un feu qui incendie les maisons sous les yeux impuissants d’un enfant qui ne fait que constater le dégât dont il est le grand perdant. Une image vraie de la population de la partie Est qui se compte en masse de déplacés manquant même de rien, dont le sort n’est pas si uni qu’on le chanterait dans l’hymne national, avec les autres dans le reste du pays.
A des enfants qui n’ont connu que la guerre, à ceux qui ont perdu ce qui leur est plus cher en termes de biens matériels et vies humaines des êtres chers, à ceux qui voient les gens périr comme des mouches sous leurs yeux désarmés, à ceux qui sont conditionnés d'être en alerte pour ne pas se faire avoir, à ceux qui vivent la mort avec le souffle de vie ; Laetitia Malira pose une question capitale dans son ouvrage, celle de l’attitude à adopter face à ces multiples raisons de se révolter.
“ J’ai écrit ce livre pour conserver la mémoire historique de ce qui se passe ici chez nous, il y a un écrivain qui a dit que la guerre est décidée par le politique, menée par le militaire et subie par le civil ”, paraphrase l’auteure dans une interview accordée à ACTUALITE.CD
Le mot Guerre est au pluriel dans le titre puis au singulier. C’est fait à dessein par l’auteure pour parler de témoignages des personnes qui ont vécu la guerre dans un premier temps et dans un deuxième temps de l’attitude de ces personnes face à ces dévastations.
“ J’aborde la résilience comme une lutte et j’ai préféré choisir guerre comme synonyme ”, ajoute Laetitia.
Le livre comprend 130 pages, avec une dizaine de témoignages, édité chez Ukweli éditions. Il a été présenté à Goma fin mai dernier devant un public un peu varié réparti entre étudiants, professeurs, autorités, élèves et bien d’autres pour sensibiliser le maximum de personnes possibles dans différentes couches de la population.
A part l’auteur, trois personnes ont lu le livre et ont fait des témoignages selon des thématiques telles que l’importance de la prise en charge psychologique avant et après le conflit, l’art pour la thérapie et l’attitude de la jeunesse pendant le conflit.
Le livre “Guerres dans l’Est, guerre de l’Est, face aux dévastations : résilience ou complaisance ?” parle également des conséquences de la guerre dans la vie des populations. L’auteure attire particulièrement l’attention sur les violences sur les enfants en temps de guerre, les violations de leurs droits, avec notamment le recrutement des enfants soldats.
Pour en arriver à la résilience qu’elle prône, Mme Malira propose une prise en charge de la santé psychologique, avec des activités qui peuvent aider à la réinsertion des personnes qui proviennent des territoires touchés directement par la guerre qui ne poussent pas à la souffrance ou à la vengeance mais plutôt à la résilience.
“ Une prise en charge collective parce que les gens sont traumatisés. Pour apprendre à devenir résilients, il faudrait d’abord qu’ils puissent guérir de leurs blessures et la deuxième chose, c’est qu’ils puissent se livrer aux activités qui leur permettent de pouvoir se réorganiser afin de ne pas pousser leurs enfants à pouvoir se livrer à ce qui pouvait créer des cercles vicieux des violences ”, précise l’auteure.
Aussi, insiste-elle, cette situation chaotique ne doit aucunement être normalisée mais se dire que les temps sont durs et tendre la main à ceux qui traversent un quotidien de violences.
“ Cette attitude de faire comme si ça fait partie de notre quotidien et qu’on ne devrait pas en parler c’est une attitude de complaisance. Voilà pourquoi, quand j’ai écrit le livre, l’idée était celle de parler de témoignages vrais, les garder en écrit, afin que tout ceux qui viendront après puissent connaître l’histoire de ce qui s’est passé et comprendre qu’il est possible de régler les problèmes politiques sans toucher aux civils ”, conclut l’auteure de l’ouvrage.
Laetitia Malira est bénévole dans une association qui distribue des bouillies tous les matins à ceux qui vivent dans des camps de déplacés à Goma. Elle a profité de ce temps pour questionner, visiter et prendre d’autres rendez-vous pour en savoir plus sur les témoignages dans des orphelinats notamment pour concocter ce bouquin.
Kuzamba Mbuangu