Peau foncée, peau claire: comment combattre les stéréotypes?

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La question de la préférence du teint clair ou du teint foncé est complexe et sujette à de vifs débats à Kinshasa, en République démocratique du Congo. Si une certaine préférence pour la peau claire est présente, il est important de souligner que des voix s'élèvent pour contester cette tendance et célébrer la peau noire. 

Cette préférence pour la peau claire, soutient Marie Mukonkole,  s'explique en partie par l'héritage colonial, qui a associé la beauté à la blancheur.


"Pendant la colonisation, les populations africaines étaient souvent victimes de racisme et de discrimination, et les personnes à la peau claire étaient considérées comme plus belles et plus intelligentes. Cette association entre beauté et peau claire a persisté après l'indépendance, et elle est encore présente aujourd'hui dans de nombreux pays d'Afrique. Les médias et la publicité contribuent souvent à renforcer cette idée, en mettant en avant des modèles et des célébrités à la peau claire",  soutient la sexagénaire.

En plus de l'héritage colonial, Nicole Nzuzi, vendeuse de bananes au Rond-point Ngaba pense que cette préférence est dû aux normes édictées par la société: "dans de nombreux cas, avoir un teint clair peut donner accès à de meilleures opportunités d'emploi et d'éducation. Surtout à Kinshasa, les femmes à la peau claire sont plus considérées que celles à la peau noire. Que ça soit pour le mariage ou autre opportunité", confie-t-elle.

Un argument soutenu par  Anastasie Yowa, étudiante à l'Unikin: " être de peau noire pour une fille est déjà une fierté, parce que tout le monde va vouloir d'elle partout où elle passe. Les filles à la peau claire sont aimées de tous et la vie leur est offerte sur plateau. Elles sont belles, riches, intelligentes ou pas, leur vie a toujours été facile. Différent de nous les ébènes, on doit lutter pour tout, et des fois on est même discriminées, pas prises en valeur",a-t-elle déclaré.

Cependant Eunice Bandjo, vendeuse d'épice pense de son côté qu'il n'y a pas mieux qu'une femme à la peau noire: " nous sommes originales, recherchées mais surtout fortes et résilientes dans la vie. Nous savons mettre en valeur l'héritage nous légué par les ancêtres: la peau noire, une bénédiction"

Yav Nzeba, étudiante à l'Istm estime également que les femmes à la peau noire sont plus belles que celles à la peau claire : évidemment " la peau noire est une peau qui ne s'achète pas, donc l'avoir c'est déjà une bénédiction et un bonheur. Nous avons une peau que nul ne peut avoir si elle ne lui a pas été donnée dès la naissance. Nous devons en être fières"

Il existe également un mouvement de valorisation de la peau noire à Kinshasa. De plus en plus de femmes kinoises assument leur couleur de peau et célèbrent la beauté de la peau noire. Ce mouvement, chapoté par Déborah Mbuyi Kabuya, est soutenu par de nombreux étudiants de différentes institutions.

" J'ai commencé ce mouvement pour la reconnaissance et la valorisation de la peau ébène il y a  plus de 5 ans. Je voulais m'affirmer dans ma communauté où j'étais trop mise à l'écart, dénigrée surtout par les amis à cause de ma couleur de peau très sombre. Les uns disaient que je ne suis pas créée par Dieu, parce qu'il ne peut pas former une personne de ce teint, et les autres aimaient m'appeler démon. Ça a affecté mon enfance et même ma jeunesse. Mais j'aimerai, par mon mouvement, dire à tout un chacun que cette couleur de peau n'est pas une malédiction. De teint clair ou ébène, nous  sommes belles chacune à sa manière", a souligné Déborah Mbuyi Kabuya.


Nancy Clémence Tshimueneka