Désengagement de la Monusco: Mukwege redoute un vide sécuritaire et appelle à la suspension de cette opération au Nord-Kivu et en Ituri

Les casques bleus de la MONUSCO. Ph. ACTUALITE.CD
Les casques bleus de la MONUSCO. Ph. ACTUALITE.CD

Dénis Mukwege, Prix Nobel de la Paix 2018 a, une nouvelle fois réitéré ses inquiétudes suite au retrait accéléré de la Monusco en République Démocratique du Congo. Après la fermeture du bureau de cette mission à Bukavu, dans la province du Sud-Kivu, l'ancien candidat Président de la République demande au Conseil de sécurité des Nations-Unies de rester saisi de la situation au pays et appelle le gouvernement et la Monusco à suspendre le plan de désengagement au Nord-Kivu et en Ituri. Pour cause, Mukwege dit redouter un éventuel vide sécuritaire.

"Nous réitérons nos vives préoccupations quant au retrait accéléré de la Monusco et au transfert des responsabilités aux autorités nationales qui risquent de créer un vide sécuritaire et un déficit de protection des civils très dangereux dans le contexte actuel de la guerre d'agression et d'occupation à laquelle la RDC doit faire face. Ainsi, nous exhortons le Conseil de sécurité à rester saisi de la situation en RDC et appelons le gouvernement congolais et la Monusco à suspendre le plan de désengagement pour le Nord-Kivu et l'Ituri et à reconfigurer le mandat de la Mission et de la Brigade d'Intervention, le temps de mener une réforme profonde du secteur de la sécurité et de la justice en RDC et de déployer l'autorité de l'État sur l'ensemble du territoire", a indiqué Dénis Mukwege dans un communiqué ce vendredi 28 juin.

Pour lui, la République Démocratique du Congo n'est pas encore prête à assurer seule la protection des populations civiles dans un contexte marqué par l'agression rwandaise et autres groupes armés dans sa partie orientale. 

"Selon le Groupe d'Experts de l'ONU sur la RDC, entre 3000 et 4000 éléments de l'armée rwandaise sont présents sur le territoire congolais et opèrent conjointement avec le M23, groupe armé terroriste dont la recrudescence en novembre 2021 a largement contribué à l'aggravation de la situation sécuritaire et humanitaire déjà dramatique au Nord Kivu. C'est dans ce contexte que la Monusco et le gouvernement congolais poursuivent le plan de désengagement accéléré et de retrait, qui s'est achevé au Sud-Kivu, alors que la RDC est encore loin du stade où la menace posée par les groupes armés nationaux et étrangers, notamment la CODECO, les ADF et le M23, ait été réduite à un niveau qui puisse être géré par les forces de sécurité et de défense congolaises", a fait remarquer le Prix Nobel de la Paix.

Par ailleurs, Dénis Mukwege a invité les gouvernements membres du Groupe de contact international pour la région des Grands Lacs et les représentants des institutions garantes de l'Accord-Cadre pour la paix, la sécurité et la coopération pour la RDC et la région à ne plus tolérer les violations systématiques des droits humains, du droit international, et de l'embargo sur les armes commises par le Rwanda, et à adopter un régime fort de sanctions pour obliger le régime de Kigali à retirer ses troupes du sol congolais et son soutien au M23.

"Que la population congolaise quitte son sommeil, car l'absence de l'autorité de l'État sur l'ensemble du territoire national et le départ de la Monusco vont exacerber un vide qui existe déjà, et la nature a horreur du vide. Il y aura une aspiration de toutes les forces négatives de la région dans les provinces de l'Est entraînant ainsi l'escalade du conflit en cours avec des conséquences humanitaires incalculables, un risque sérieux de « somalisation » de la région et une menace accrue à la paix et à la sécurité internationales", a interpellé Mukwege.

La Mission de l'Organisation des Nations Unies pour la stabilisation en République démocratique du Congo (MONUSCO) a fermé aujourd'hui son bureau de Bukavu, centre névralgique de ses opérations au Sud-Kivu depuis plus de 20 ans, lors d'un événement de haut niveau. Comme convenu avec le gouvernement de la RDC, la Mission achèvera son retrait du Sud-Kivu le 30 juin, marquant ainsi la fin de la première phase de son désengagement du pays.

À partir du 1er juillet 2024, une équipe résiduelle de 34 civils restera au Sud-Kivu pour aider les agences, fonds et programmes des Nations Unies à maintenir les réseaux d'alerte communautaire, la protection des enfants et le dialogue avec les communautés. Le gouvernement de la RDC, la MONUSCO, les agences, fonds et programmes des Nations Unies, ainsi que les représentants des ONG internationales et de la société civile ont élaboré une feuille de route provinciale pour faciliter le transfert des responsabilités de la MONUSCO au gouvernement, avec le soutien d'autres partenaires. Cela permettra de s'assurer que les progrès réalisés pendant la présence de la MONUSCO seront préservés après le départ de la Mission.

Après la province du Sud-Kivu et conformément à la résolution du Conseil de Sécurité de l'ONU, les provinces du Nord-Kivu et de l'Ituri sont les prochaines étapes où la Monusco devra quitter comme elle l'a fait dans la province du Sud-Kivu et ailleurs.

Clément MUAMBA