Cri d'alarme des survivantes de Panzi au GCP: « j'étais enceinte de 7 mois, j'ai été violée et c'est pourquoi je suis ici » 

Bruno Le Marquis avec sa délégation devant les survivantes de Panzi
Bruno Le Marquis avec sa délégation devant les survivantes de Panzi

Les survivantes des violences diverses prises en charge par Denis Mukwege ont lancé un appel pour la cessation de la guerre et de l'insécurité dans plusieurs régions de la République Démocratique du Congo, qui les rendent victimes et proies des hommes armés. Ce cri d'alarme a été lancé lors de la visite du groupe de coordination des partenaires, dirigé par Bruno Le Marquis, à l'hôpital de Panzi de Mukwege.

Pour ces survivantes, les auteurs de ces atrocités les ont profondément déshumanisées. « Nous souffrons énormément. Dans les forêts de nos villages, il y a les militaires et les Mai-Mai qui vivent dans la forêt et nous font souffrir jusqu'à nous amener ici. Et moi, je suis parmi ces femmes violées », a déclaré une survivante au groupe de coordination des partenaires.

Emmenée à Panzi pour la prise en charge des fistules, cette femme a été violée par des hommes armés alors qu'elle était enceinte de 7 mois. « J'étais enceinte de 7 mois, j'ai été violée. Le jour de la naissance, j'ai été victime de fistules. Ici, plusieurs femmes sont victimes de ces viols et fistules. Moi, j'ai été opérée trois fois. Nous remercions le docteur Mukwege, qui nous prend en charge gratuitement, nous soigne et nous nourrit, mais ce que nous demandons, c'est la paix. Nous souffrons à cause de cette guerre », a-t-elle ajouté.

En visite dans la province du Sud-Kivu, le groupe de coordination des partenaires a eu un entretien avec les responsables de l'hôpital de Panzi, une structure qui bénéficie de l'appui de la Monusco pour le transfert des malades et le soutien des audiences foraines contre les auteurs de divers crimes.

Depuis le Brésil, Denis Mukwege, Prix Nobel de la Paix 2018, a exprimé ses inquiétudes quant à l'impact négatif du départ précipité de la Monusco sur leur travail. « En ce moment, les provinces du Nord-Kivu et de l’Ituri sont confrontées à une violence inouïe qui a déjà fait de nombreux morts, plus de 7 millions de déplacés internes et plusieurs femmes violées. Des déplacés sont tués dans leurs camps, des bombes sont larguées sur la cité de Minova, tuant la population civile. La ville de Goma est menacée par les rebelles du M23, supplétifs de l’armée rwandaise, et aujourd’hui la guerre est aux portes de la province du Sud-Kivu. C’est dans ce contexte inquiétant que, malheureusement, la Monusco a décidé de se désengager progressivement des territoires de la RDC et assure le transfert échelonné des responsabilités de la Mission onusienne aux autorités congolaises conformément à la résolution 2717 du Conseil de Sécurité », s'est inquiété Denis Mukwege.

Et d'ajouter :

« Dans sa résolution 2556, le Conseil de sécurité avait déjà présenté 18 jalons comme conditions minimales nécessaires pour effectuer un retrait responsable et durable de la Monusco. Mais aujourd’hui, toutes ces conditions sont-elles remplies pour que les troupes de la Monusco quittent ces zones en proie au feu, laissant un immense vide sécuritaire ? Il était sans nul doute connu que le retrait précipité de la Monusco favoriserait davantage le pillage des ressources naturelles de la RDC et laisserait un champ libre aux forces négatives soutenues par les pays voisins pour poursuivre, sans témoins, leur entreprise de déstabilisation et de mort sur le sol congolais. Le tableau que je viens de peindre est tragique, mais rien n’est définitivement perdu », a conclu Denis Mukwege.

À Panzi, Bruno Le Marquis a rassuré ces femmes qu'elles ne devraient pas être là, mais que la situation sécuritaire et les guerres à répétition en sont les causes principales. « Vous ne devriez pas être là normalement. S'il y avait la paix, la guerre ne se ferait pas sur les corps des femmes, le viol ne serait pas une arme de guerre. Ce sont des violations totales du droit international. Nous sommes ici pour voir comment la communauté internationale peut appuyer les autorités congolaises, ainsi que toutes les organisations congolaises qui se battent pour la paix. Nous essayons, dans le contexte du retrait de la Monusco, de faire en sorte que le gouvernement et ses forces de sécurité soient en mesure d’assurer la sécurité, l'intégrité et la stabilité dans tous les territoires de la RDC. Comme vous le savez, ce n’est pas facile, les problèmes sont profonds, il y a beaucoup de gens qui veulent faire du mal, il y a beaucoup de tireurs de ficelles. Ce n'est pas facile », a déclaré Bruno Le Marquis aux survivantes.

Au Sud-Kivu, une délégation d'une vingtaine de personnes, constituée notamment de partenaires de la RDC, consulte différentes couches sur le désengagement et la transition de la Monusco. La société civile, les organisations nationales et internationales, la police et les autorités ont toutes été consultées pour recueillir leurs appréciations et leurs contributions à cette transition.

Justin Mwamba