État de siège : "Avec des civils, la situation aurait été bien plus compliquée. Avec les militaires, nous avons la possibilité de réponses rapides" (Patrick Muyaya)

Déplacés de Kanyaruchinya, à proximité de Goma. Photo/ACTUALITE.CD
Déplacés de Kanyaruchinya, à proximité de Goma. Photo/ACTUALITE.CD

Alors que les populations et les forces vives des provinces du Nord-Kivu et de l'Ituri ne veulent plus de l'état de siège en raison de son bilan mitigé trois ans après sa mise en place, le gouvernement de la République continue de croire en cette mesure d'exception pour ramener la paix et la stabilité dans cette partie de la République Démocratique du Congo.

Lors d'un briefing co-animé mercredi 15 mai 2024, le porte-parole du gouvernement, Patrick Muyaya, a déploré que cette mesure censée apporter une réponse structurelle au problème de l'insécurité soit fortement politisée, sans tenir compte des efforts des Forces Armées de la République Démocratique du Congo.

"Sur la question de l'état de siège, j'entends beaucoup de gens revenir là-dessus. Je n'ai pas besoin de revenir aux origines de l'état de siège, car c'était au départ une revendication des différentes communautés. Mais aujourd'hui, il y a eu des mesures d'allègement qui ont été prises. L'idéal serait d'arriver à lever cette mesure, mais comment pensez-vous qu'on puisse lever la mesure dans un contexte de guerre ? Je ne comprends pas parce qu'il y a toujours une tendance à diaboliser, entre guillemets, nos militaires. Très souvent, on ne fait pas mention de leurs sacrifices. Je ne suis pas sûr que dans le contexte actuel, d'autres pourraient faire mieux qu'eux, au-delà de ce que nous pouvons penser, au-delà de nos préjugés, parce que c'est une question qu'on a voulu politiser là où on a voulu apporter une réponse structurelle," a fait remarquer le porte-parole du gouvernement Patrick Muyaya devant la presse mercredi 15 mai 2024 à Goma, chef-lieu de la province du Nord-Kivu.

Pour le porte-parole du gouvernement, les résultats de l'état de siège sont visibles, et il estime qu'il reviendra au Président de la République de décider du sort de cette mesure d'exception trois ans après son entrée en vigueur.

"Ce n'est pas ici qu'on va faire l'économie de ce que l'état de siège a pu apporter. La question principale ici, c'est l'agression. S'il y avait eu des civils, la situation aurait été beaucoup plus compliquée. Avec les militaires, au moins, nous avons la possibilité d'avoir des réponses rapides. Il y avait des inquiétudes, notamment sur la question de la liberté de manifester ou d'expression. Je pense qu'il y a eu des allègements. Il faut considérer qu'il n'y a aucune revendication portée par les populations qui ne soit pas entendue. Comme il y avait déjà eu une table ronde qui avait réfléchi et qu'il y a des propositions sur la table du Président, on allège, on suspend ou on maintient. Le moment venu, en fonction de l'évolution de la question sécuritaire, des options seront prises. Il faut vous apaiser," a recommandé le porte-parole du gouvernement.

Trois ans après l'entrée en vigueur de l'état de siège, un régime spécial décrété par le Chef de l'État Félix Tshisekedi pour mettre fin aux violences armées en Ituri et au Nord-Kivu, le résultat est loin d'être atteint. Selon la société civile de l'Ituri, l'insécurité et les violences armées se sont davantage répandues sur l'ensemble de la province durant la mesure de l'état de siège.

Dans une déclaration faite lundi 13 mai à Bunia, elle dresse un bilan accablant de plus de 2 000 civils tués, des blessés, des kidnappés et plusieurs cas d'incendies. Pour la société civile, les violences ont atteint "un paroxysme" durant les 3 ans de l'état de siège en Ituri.

L'état de siège, décrété depuis mai 2021, a placé les militaires et policiers à la tête des entités territoriales décentralisées et des provinces de l'Ituri et du Nord-Kivu. Cette mesure exceptionnelle suscitait une lueur d'espoir chez les populations de ces deux provinces, qui espéraient un retour effectif de la paix. Depuis la résurgence des rebelles du M23 soutenus par le Rwanda, la situation sécuritaire s'est davantage détériorée comme si la gestion de la province n'était pas entre les mains des militaires.

Clément MUAMBA, à Goma