Kinshasa: à la rencontre de Priscille Mwanza, coiffeuse et entrepreneure à Lemba

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Salon de coiffure de Priscile Mwanza

Ce jeudi 22 mai, le DeskFemme de ACTUALITÉ.CD s’est rendue à Lemba, quartier Kemi à Kinshasa, pour rencontrer Priscille Mwanza, entrepreneure et coiffeuse, dans son salon de coiffure bâti il ya un an. En cette fin de matinée, alors que les générateurs bourdonnent doucement dans la rue, Priscille nous accueille avec un large sourire, vêtue d’une blouse noire et les mains encore pleines de produits capillaires. 

Elle nous invite à nous installer à l’arrière du salon, sur une banquette entourée de miroirs et de perruques soigneusement exposées. Une cliente attend patiemment que ses tresses sèchent sous un casque, pendant que deux jeunes coiffeuses s’affairent sur des têtes en plastique.

Dans cet espace modeste mais vivant, au carrefour de la beauté, de la débrouillardise et de la solidarité féminine, Priscille Mwanza partage son quotidien, ses espoirs et les défis d’une entrepreneure congolaise dans le secteur informel.

Priscille, comment vous est venue l’idée d’ouvrir ce salon ici, à Lemba/Kemi ?

Priscille Mwanza : J’ai grandi à Lemba. J’ai commencé par coiffer des voisines et des amies à domicile, surtout pour me faire un peu d’argent pendant mes études en gestion commerciale. Au fil du temps, j’ai compris que ce que je faisais pouvait devenir une vraie activité. En 2024, j’ai décidé de franchir le pas et d’ouvrir mon propre salon. C’était un risque, car je n’avais pas de gros moyens, mais je voulais créer un espace à moi, où les femmes puissent se sentir bien, écoutées, valorisées.

Vous parlez d’un lieu où les femmes se sentent écoutées. Que représente cet espace au-delà de la coiffure ?

Priscille Mwanza : C’est un salon, oui, mais c’est aussi un lieu de parole. Ici, les femmes viennent avec leurs histoires, leurs préoccupations, leurs joies aussi. On parle beaucoup : maternité, travail, santé, relations. Parfois, je sens que certaines clientes viennent surtout pour se poser, se confier, avoir un moment pour elles. Et pour moi, c’est aussi ça, notre rôle : accueillir sans juger, conseiller quand on peut.

Vous êtes autodidacte dans le domaine de la coiffure. Comment vous êtes-vous formée ?

Priscille Mwanza : Au début, je regardais des tutos sur YouTube, je pratiquais sur des amies. Ensuite, j’ai beaucoup observé dans d’autres salons. J’ai aussi eu la chance d’avoir une cousine qui m’a montré des techniques de base. Aujourd’hui, je continue d’apprendre tous les jours. Et ce que j’apprends, je le transmets aux filles que je forme ici.

Justement, vous formez aussi d’autres jeunes femmes. Comment cela se passe ?

Priscille Mwanza : C’est quelque chose qui me tient à cœur. Beaucoup de filles dans le quartier n’ont pas pu finir l’école ou cherchent un moyen de gagner leur vie. Je les prends comme apprenties. Elles travaillent ici, elles observent, elles pratiquent. Certaines sont restées, d’autres ont pu ouvrir leur propre petit coin. C’est ma façon de rendre ce que j’ai reçu, et de participer à ma manière à l’autonomisation des femmes.

Quels sont les défis auxquels vous êtes confrontée au quotidien dans la gestion de ce salon ?

Priscille Mwanza : Il y en a beaucoup. D’abord, les coupures d’électricité, c’est un vrai problème pour sécher les cheveux ou utiliser certains appareils. On doit souvent compter sur le générateur, mais le carburant coûte cher. Ensuite, il y a l’approvisionnement en produits capillaires. Beaucoup viennent de l’étranger et les prix ne cessent d’augmenter. Et puis il y a la concurrence : ici, beaucoup coiffent à domicile, souvent sans charges ni loyers. Il faut donc se démarquer autrement, par la qualité du service et l’accueil.

Avez-vous des projets à venir pour le salon ?

Priscille Mwanza : Oui, plusieurs. J’aimerais agrandir l’espace, proposer un petit coin bien-être avec des soins du visage, peut-être même une cabine pour les massages. J’ai aussi envie d’installer une petite bibliothèque avec des livres sur l’estime de soi, la santé féminine, l’entrepreneuriat. Mon rêve, c’est de faire de ce lieu un petit centre d’autonomisation pour les femmes, pas seulement un salon.

Que diriez-vous aux jeunes femmes qui aimeraient se lancer mais n’osent pas ?

Priscille Mwanza : Je leur dirais de ne pas attendre que tout soit parfait pour commencer. Moi, j’ai commencé avec deux chaises, un miroir, et mes mains. Le plus important, c’est la volonté, la discipline et le respect du client. Et surtout, croire en soi. Ce n’est pas facile tous les jours, mais c’est possible.

Nancy Clémence Tshimueneka