Dossier Forages : au-delà de l'enquête sur la livraison des ouvrages, Nicolas Kazadi encourage la justice à examiner également le problème du coût et responsabilise l'hôtel de ville de Kinshasa dans le dossier des lampadaires

Nicolas Kazadi
Nicolas Kazadi

En marge d'un briefing presse axé sur sa récente mission à l'Assemblée générale de printemps des institutions de Bretton Woods, le ministre des Finances, Nicolas Kazadi, est revenu sur les questions d'actualité liées aux forages et aux lampadaires. Selon lui, le projet relatif aux forages n'a pas débuté avec son gouvernement, dirigé par le premier ministre Jean-Michel Sama Lukonde, mais remonte au gouvernement Sylvestre Ilunga Ilunkamba.

Dans son intervention, Nicolas Kazadi a rejeté les allégations de surfacturation. Il rappelle que le paiement du prestataire a été validé sur la base de l'engagement pris par son prédécesseur, José Sele Yalaghuli, pour un montant de 80 millions USD réparti en cinq tranches annuelles. Il a précisé qu'il n'a pas encore versé la totalité, mais trois paiements échelonnés à hauteur de 71 millions USD ont été versés, conditionnant le versement du solde après l'achèvement des livraisons correspondant aux 71 millions USD déjà versés.

"Il y a quelques semaines, le ministre du développement rural (NDLR : François Rubota) a présenté en conseil des ministres le projet, en disant que tout se passait bien, notamment avec les stations à Kisangani. Il a demandé que nous poursuivions le projet, et j'ai accepté, mais je ne paierai pas tant que les 71 millions USD ne seront pas entièrement utilisés. C'est ce que je demandais, et je ne dévierai pas de cette position, cela a été acté en conseil des ministres. Maintenant, je vois surgir toute une polémique et je me demande ce que j'ai fait de mal," s'est-il interrogé devant la presse le mercredi 24 avril 2024.

Et de poursuivre :

"Qui a surfacturé, et y a-t-il eu surfacturation ? Je ne sais pas, mais ce que je sais, c'est que j'avais remarqué que 400 000 en moyenne, c'était trop, et ils ont obtenu de réduire à 300 000, ou un peu moins. S'il y a des gens qui ont surfacturé, ce n'est certainement pas moi ; au contraire, j'ai obtenu une baisse. A-t-on payé l'argent sans livrer ? Non, j'étais ferme. Le contrat prévoyait un premier paiement de 80 millions USD ; j'ai payé 71 millions. Je vous laisse d'abord terminer vos 71 millions. Vous n'avez pas terminé, je ne bouge pas. J'ai toutes les lettres dans lesquelles ils réclament, ils demandent ; je dis niet, je ne bouge pas. Qu'est-ce que j'ai fait ?"

Concernant les allégations selon lesquelles Mike Kasenga, PDG de Stever Construct, entreprise chargée d'exécuter ce projet, serait son frère, Nicolas Kazadi considère qu'il s'agit d'une invention des réseaux sociaux. Il n'a aucun lien de sang ni d'amitié avec Mike Kasenga.

"Si j'avais été complice de qui que ce soit, cela aurait commencé peut-être avant même que le contrat ne soit signé. On a trouvé une formule disant que j'avais payé mon cousin, Mike Kasenga. Non seulement nous n'avons aucun lien ni de famille, ni d'amitié, ni de quoi que ce soit, mais en plus, moi, je suis du Kasaï Oriental. Jusqu'à il y a quelques semaines, j'étais convaincu qu'il était du Maniema, parce que la première fois que je l'ai rencontré, c'était quand j'étais conseiller aux finances, et il avait un parrain qui s'appelait Kitima Bin Ramazani, qui est du Maniema. Mais sur les réseaux sociaux, j'apprends que c'est mon cousin," a-t-il dénoncé dans son intervention.

Le dossier étant déjà entre les mains de la justice, Nicolas Kazadi invite le procureur général près la Cour de Cassation à examiner aussi le problème des coûts.

"S'il y a eu surfacturation dans ce dossier, j'ai donné ma contribution à ce problème. S'il y a d'autres contributions, qu'on les apporte. J'ai vu que le procureur général près la Cour de Cassation a demandé des informations pour s'assurer que toutes les stations soient livrées. Moi, je vais lui écrire pour lui demander d'ajouter le problème du coût, afin qu'il vérifie les deux aspects : la livraison et le coût. Ainsi, l'affaire sera claire. Les prestataires devront rendre des comptes devant la loi, devant n'importe qui. Moi, je n'interviens qu'à la fin ; je n'étais pas là quand ils ont conclu le marché, quand le marché public a été validé. Je n'interviens qu'à la fin pour payer, et tous les maux d'Israël veulent retomber sur ma tête ? Je ne sais pas par quelle magie," s'est-il interrogé dans sa communication.

Dossier lampadaires : seule la mairie est responsable

Le ministre des Finances a révélé que le compte ouvert pour l'achat des lampadaires était au nom de la mairie de Kinshasa, avec comme signature celle du gouverneur de la ville de Kinshasa. Selon lui, ce marché, qu'il avait jugé surfacturé par rapport aux autres, ne voyait que 30 % du montant versé aux prestataires locaux et 70 % aux fournisseurs étrangers, dans le but de minimiser la fraude. "Le gouverneur de la ville de Kinshasa, Gentiny Ngobila Mbaka, m'a écrit pour me demander de payer 2 900 lampadaires, etc. Ça coûtait environ, je garde le prix directement, 4 900 par lampadaire. Je lui ai dit non, je ne peux pas payer ça, c'est trop cher. Il m'a demandé pourquoi. Je lui ai dit que, au moment où nous parlions, je payais des lampadaires qui coûtaient 1 500 USD chez un fournisseur local qui s'appelle Modern Construction et qui livre dans tout le pays, on ajoute seulement 120 USD pour l'installation. Il a fait son lobbying, disant que c'était pour lutter contre les Kulunas, etc. Finalement, je dis : bon, comme c'est un gros montant et que je ne suis pas convaincu, j'appelle d'abord l'inspecteur général des finances, je lui dis : voilà, on me fait pression ici pour payer cette histoire de lampadaires dans le cadre de la lutte anti-Kulunas. Je vais payer, mais je vous demande de faire le suivi de ce paiement. J'ouvre un compte qui s'appelle Hôtel de Ville/Investissement dans lequel on loge l'argent. Qui a la signature de ce compte ? La mairie, pas moi," a relaté Nicolas Kazadi.

Il poursuit :

"La mairie, le gouverneur Gentiny Ngobila a signé un ordre de mission, il a envoyé une équipe pour aller même visiter l'usine qui fabriquait tout cela. Je n'étais au courant de rien. Je viens de voir ça maintenant dans le dossier qu'il avait envoyé une équipe pour vérifier tout cela. J'entends un journaliste, qui est quelqu'un d'intelligent, je sais qu'il est intelligent, habillé en soutane, lever les mains et dire que Gentiny Ngobila Mbaka n'a rien à voir dedans, que le ministre a décidé lui-même d'acheter et de mettre ça sur le dos de la mairie. Mais je dis que c'est un dossier qui m'a été ramené sur la table, le gouverneur est là, je lui ai parlé ce matin pour lui dire, je suis désolé, ce n'est pas correct ce qui se passait, ce n'est pas mon dossier, c'est à vous de vous justifier de votre marché, s'il y a une justification à faire sur le marché, c'est la mairie."

Ces deux dossiers ne cessent de faire couler beaucoup d'encre et de salive dans l'opinion congolaise. Des Congolais et des Congolaises, propriétaires de l'argent, espèrent voir ce dossier, qui est déjà entre les mains de la justice, aller jusqu'au bout pour établir des responsabilités et sanctionner les coupables. Clément MUAMBA