RDC : Comment justifier le retard dans la paie des fonctionnaires ?

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Des billets des Francs congolais. Ph. Droits tiers.

La paie des mois de février et mars des agents et fonctionnaires de l’Etat en République démocratique du Congo (RDC) s'effectue avec un grand retard.  Selon le constat de terrain, la majorité des fonctionnaires n'ont pas encore été  payés pour les deux précédents mois alors que nous tendons vers mi-avril. Cette situation affecte la vie de nombreuses familles et crée des grognes au sein de la population.

« En principe, nous travaillons pendant 25 jours. Mais il arrive souvent que nous soyons payés avec près de 20 jours de retard. Ça nous pousse à emprunter l’argent chez des tiers, à rembourser avec intérêt. Dès que vous rembourserez tout, vous restez sans moyens de subsistance pour couvrir le mois », a confié à à ACTUALITE.CD, Colin Maviya, agent de la Régie des voies fluviales (RVF).

« Je suis mère de famille, nous vivons à huit chez moi. Le retard dans la paie nous déstabilise. Il n’y a pas moyen de payer les frais de scolarité à temps pour les enfants. J’ai des enfants à l’Université et au secondaire. Ils se sont absentés des cours plusieurs jours par manque d’argent », a expliqué pour sa part une fonctionnaire ayant requis l’anonymat.

Les conséquences du retard de paiement des agents et fonctionnaires de l’Etat se fait remarquer: « Les agents répondent de moins en moins au service et ils ne sont toujours pas payés pour le mois de mars  », a indiqué à ACTUALITE.CD Henri-Paul  Kana Kana, président du syndicat « Transparence et justice sociale (TJS) ».

Un budget exécuté en déséquilibre ?

Il faut relever que selon la loi des finances 2024, le plafond mensuel des enveloppes à rémunérer est fixé à 290 millions de dollars. Même si les opérations financières de l’Etat ont dégagé un solde excédentaire de 70 millions USD au 15 mars 2024, les inquiétudes demeurent. 

« Il se dessine clairement que le Gouvernement est en train de sauter un mois de rémunération au même moment, paradoxalement, ils se félicite des performances du point de vue des recettes », a dit M. Kana Kana.

Fin février 2024, le trésor public a effectué des dépenses de l'ordre de 726,5 millions $ contre les prévisions linéaires de 2,4 milliard $, soit 29,2%. Ces opérations démontrent que les dépenses de 1,7 milliard de dollars américains n’ont pas été effectuées, faute des recettes publiques dit le Ministère du Budget dans son dernier rapport publié sur son site Internet. A ce titre, les dépenses de rémunération de l’ordre de 32,8 millions $ n’ont pas été payées, poursuit la même source.

Ces déséquilibres budgétaires ont été démontrés par le Centre de recherche en finances publiques et développement local dans un communiqué publié le 21 mars dernier. « Le gouvernement a dépensé 11 milliards $ en 2023, contre des prévisions de 14,8 milliards $, soit une contre-performance budgétaire de 5 milliards $ », a déclaré l’ONG. Le CREFDL souligne également qu'un déficit budgétaire de 1,2 milliard $ a été enregistré en 2023, suite à l’indiscipline budgétaire.

Lire ici : La RDC enregistre une contre-performance de 5 milliards USD dans l'exécution du budget 2023, selon CREFDL

La faible mobilisation a un impact certes sur le paiement des dépenses publiques. Le ministère du Budget affirme par exemple qu’aucune dépense d’investissement en province n’a été payée depuis le début de l’exercice 2024. La caisse nationale de péréquation censée gérer les équilibres de développement entre province et entre entités territoriales décentralisées n’a pas été non plus alimentée.

Le Syndicat « Transparence et justice sociale (TJS) » appelle le gouvernement à prendre des dispositions utiles pour éviter l'enlisement des arrêts de travail, en organisant  un dialogue permanent et en  respectant ses engagements en tant qu'employeur ».

Lire aussi : Fonction publique: Face aux retards de salaire, le gouvernement évoque les efforts de guerre et promet une régularisation 

Bruno Nsaka