Adèle Kahinda Mahina, ministre d'État, ministre du Portefeuille, a présenté vendredi 22 mars 2024 aux membres du conseil la situation d'insécurité et de spoliation des biens dans le parc agro-industriel de Bukanga Lonzo. En effet, a-t-elle rappelé dans son intervention, c'est depuis l'année 2022, avec le conflit entre les deux tribus Teke et Yaka dans les provinces de Kwilu et Kwango, que l'insécurité règne dans cette zone du parc.
"À partir de janvier 2024, leurs incursions dans le parc entraînent des homicides des agents affectés au service minimum pour assurer la supervision et la protection dudit parc. À cette insécurité grandissante s'ajoute la présence répétée de feux de brousse qui se sont déclarés à raison de l'avancée de la brousse, causant des dégâts au niveau des semoirs ainsi qu'à celui des entrepôts où sont logés les engins agricoles et plusieurs conteneurs. Il a été aussi rapporté que le magasin central du parc a été forcé et plusieurs biens ont été emportés," rapporte le compte-rendu de la réunion lu par le porte-parole du gouvernement Patrick Muyaya.
La ministre d'État, ministre du Portefeuille, a souligné la nécessité pour le gouvernement d'agir rapidement afin de protéger le parc agro-industriel de Bukanga Lonzo, de sécuriser ses titres, ses travailleurs ainsi que ses biens.
"Avec son collègue, le ministre de l'Agriculture, qu'elle a complété, ils ont suggéré au conseil, d'une part, de diligenter une mission mixte sur le terrain pour une analyse approfondie de ce patrimoine de l'État et, d'autre part, d'autoriser le paiement des arriérés couvrant plus de 30 mois de salaire en faveur du personnel dudit parc," ajoute le compte-rendu de la réunion.
Ce projet est né à la suite de l'adoption en 2013 du Programme National d'Investissement Agricole (PNIA). Ce document prévoyait notamment la construction de parcs agro-industriels à travers l'ensemble du pays. Bukanga Lonzo était alors considéré comme une initiative pilote dans le but de contribuer à l'autosuffisance alimentaire et de créer des emplois, contribuer à la réduction de la pauvreté et à l'accroissement de la productivité agricole.
Cependant, les choses ne se sont pas passées comme prévues et une enquête a été diligentée. En septembre 2020, les inspecteurs Thierry Mutombo Kalonji, Wangi Bo-Lokonge et Dieudonné Tutondele Ntima ont été officiellement chargés d'une mission auprès des ministères de l'Agriculture, du Portefeuille, de l'Industrie, des Finances, de la société African Commodities (AFRICOM) ainsi qu'auprès du parc agro-industriel de Bukanga Lonzo.
Cette mission de 20 jours couvrira la période de 2014 à ce jour. Les contrôleurs devraient notamment s'assurer de l'existence de faisabilité du projet du parc agro-industriel et en examiner les conclusions, contrôler les procédures de déclassement des fonds relatifs au projet, s'assurer de l'effectivité de l'encaissement par AFRICOM, vérifier la régularité du processus de désignation de AFRICOM, analyser le montage juridique mis en place, etc.
La mission devrait aussi s'occuper de faire le rapprochement entre la hauteur des fonds décaissés et les réalisations effectives sur le terrain, mais aussi contrôler la gestion des biens déjà installés sur le site et contrôler la comptabilité de AFRICOM et s'assurer du paiement dû par cette dernière à l'État.
À la suite de l'enquête, on apprend que 285 millions USD au total ont été décaissés par le gouvernement. L'enquête révèle aussi que 205 millions USD ont été perdus dans ce projet, dont l'échec était planifié dès sa conception, d'après l'IGF. Les inspecteurs notent aussi parmi les causes du débâcle le choix des partenaires non expérimentés ayant bénéficié, en plus, de marchés passés de gré à gré. L'IGF constate également une surfacturation de 1 à 10 pour l'acquisition des équipements et intrants. Elle ajoute que 80 % des paiements surfacturés étaient logés dans un compte bancaire en Afrique du Sud.
Les inspecteurs ont également rapporté une surfacturation présumée des travaux de raccordement électrique sur la ligne Inga à 40 millions USD, avec un trop-paiement de 2 millions USD. Ils notent aussi que « le manque d'une étude de faisabilité sur la viabilité du projet ainsi que le non-respect des procédures relatives à la passation des marchés publics seraient à la base de toutes les difficultés dans la programmation et la réalisation du projet ».
Le procès est en cours au niveau de la Cour constitutionnelle en vue d'établir les responsabilités liées au fiasco de ce projet, après le rapport de l'Inspection Générale des Finances.
Clément MUAMBA