Les élections de décembre 2023 en RDC ont révélé un paysage politique complexe dans le Katanga, exacerbé par des discours identitaires et des clivages profonds. Une nouvelle analyse d'Ebuteli, l’institut congolais de recherche sur la politique, la gouvernance et la violence, basé à Kinshasa et à Goma, dépeint une région où les tensions historiques entre Katangais et Kasaïens s'entremêlent avec les dynamiques électorales pour créer une situation potentiellement explosive.
L'élection présidentielle a mis en exergue la préférence régionale marquée au Katanga, divisé en quatre provinces depuis 2015. Félix Tshisekedi, malgré un large soutien national, n'a recueilli que 39,4% des voix dans cette région, tandis que Moïse Katumbi, son principal rival, a obtenu 60,53%. Cette polarisation s'accompagne de discours identitaires et populistes, mettant en relief un repli régional prononcé.
Un des éléments clés exacerbant les tensions est la perception du pouvoir à travers des prismes régionaux, tribaux et linguistiques. La fin de la coalition FCC-Cach et le rapprochement entre Katumbi, Gabriel Kyungu et Tshisekedi ont entraîné une fragmentation de l'élite politique katangaise. Des figures pro-Kabila comme Félix Kabange Numbi et Daniel Ngoy Mulunda ont exprimé des positions reflétant cette division. Kabange Numbi a par exemple affirmé que le Katanga appartenait à Kabila, tandis que Mulunda a été condamné pour incitation à la haine tribale après avoir souligné le rôle prépondérant de Kabila dans la région.
La campagne électorale a été marquée par une rhétorique identitaire forte, avec des messages haineux anti-Kasaïens circulant sur les réseaux sociaux. Cette atmosphère chargée a confirmé la méfiance et l'animosité entre les communautés, particulièrement entre Katangais et Kasaïens. Les tensions ont été alimentées par la crainte de violences en cas de victoire ou de défaite de Katumbi, soulignant l'impact des discours tribaux à l'approche des élections.
Malgré une diminution de la violence électorale par rapport aux scrutins précédents, le Katanga reste une région où les tensions peuvent rapidement dégénérer. La stratégie de consolidation et de dissuasion sécuritaire avant et pendant le processus électoral a joué un rôle clé dans le maintien de la paix. Cependant, la région demeure sur un équilibre précaire, avec un potentiel de conflit intercommunautaire qui reste une préoccupation majeure.
Cette analyse d'Ebuteli met en lumière la nécessité d'aborder de manière proactive les tensions dans le Katanga et d'engager des dialogues pour la réconciliation et la paix. La situation dans cette région stratégique et riche en ressources souligne l'importance de promouvoir un discours politique inclusif et de s'attaquer aux causes profondes des divisions communautaires.