Assemblées provinciales en RDC : trafic d'influence et usage de faux dans le processus de cooptation des chefs coutumiers

Photo
Assemblée provinciale du Sud-Kivu

Après l'installation des bureaux provisoires et la validation des mandats des élus, plusieurs assemblées provinciales en République Démocratique du Congo abordent l'étape de cooptation des chefs coutumiers censés rejoindre les assemblées provinciales conformément à la législation congolaise. Le déroulement de cette étape importante dans la mise en place des nouvelles assemblées provinciales est vivement critiqué dans l'opinion. C'est le cas de la Synergie des missions d’observation citoyenne des élections en RDC (Symocel).

Devant les chevaliers de la plume et du micro le jeudi 7 mars 2024, son coordonnateur national, Luc Lutala, a révélé que ce processus est émaillé d'actes de trafic d'influence et d'usage de faux dans la cooptation des chefs coutumiers.

"La Symocel a observé des faits relevant du trafic d'influence et de nombreuses dénonciations d'usage de faux dans la cooptation des chefs coutumiers. Cette observation de la mission a été confortée par la dénonciation faite par le ministre de l'Intérieur, Sécurité et Affaires Coutumières lui-même ; il a souligné qu'il y avait des tensions et des remous qui ont été signalés dans différentes organisations des pouvoirs coutumiers causés par l'implication de certains acteurs politiques dans la perspective des élections des sénateurs et des gouverneurs des provinces", a déclaré Luc Lutala dans son intervention.

Pour étayer son argumentaire, Luc Lutala, acteur de la société civile, évoque la situation dans la province du Kasaï Central.

"Dans son courrier n°0060/CENI/SEN/2024 daté du 20 février 2024, adressé au secrétaire exécutif provincial de la CENI Kasaï Central et ayant pour objet la cooptation des chefs coutumiers, le secrétaire exécutif national de la CENI l'instruit de suspendre la séance de désignation des chefs coutumiers à coopter et lui demande de respecter scrupuleusement les noms se trouvant dans la liste venant du Secrétariat général des Affaires Coutumières. Il est observé que le processus de cooptation dans la province du Kasaï Central reste particulièrement atypique et entaché de contestations et de mise en cause du cadre légal. Le secrétaire exécutif provincial de la CENI a été accusé dans cette province par les candidats en lice de jouer le jeu et d'organiser des élections de manière antidémocratique. Le but est d'obtenir une majorité en faveur d'un camp ou d'un autre", a-t-il fait remarquer dans son intervention.

À l'en croire, tout le monde ne peut pas devenir chef coutumier pour être coopté au sein des Assemblées provinciales.

"Il faut se rappeler que est chef coutumier toute personne désignée conformément à la coutume locale, reconnue par le pouvoir public, chargée de diriger une entité coutumière. Le ministère de la Décentralisation et des Affaires Coutumières est le pouvoir public attitré pour reconnaître qui est chef coutumier. Conformément au calendrier électoral de la CENI, les secrétaires exécutifs provinciaux de la CENI devaient réunir les chefs coutumiers, présélectionner aux chefs-lieux des différentes provinces pour la sélection des candidats à la cooptation comme députés provinciaux. La liste des chefs coutumiers reconnus a été transmise à la CENI par le ministère de la Décentralisation et Affaires Coutumières le 31 janvier. Il faut souligner que ces chefs coutumiers sont régis par la loi n°15/015 du 25 août 2015", a illustré Luc Lutala dans sa communication.

Les chefs coutumiers qui seront cooptés vont compléter le nombre de 688 personnes proclamées provisoirement députés provinciaux par la CENI en vue d'atteindre les 780 députés provinciaux attendus pour l'ensemble de la République Démocratique du Congo. À titre illustratif, 4 chefs coutumiers doivent rejoindre les députés provinciaux déjà proclamés provisoirement par la CENI pour compléter l'Assemblée provinciale de Kinshasa, une assemblée qui doit compter au total 48 députés provinciaux.

Clément MUAMBA