RDC : le mandat de la force de la SADC n'est pas offensif (décryptage) 

Ph. ACTUALITE.CD

Les médias ont annoncé le déploiement, mercredi 27 décembre à Goma, des troupes de la République d'Afrique du Sud . Ceci s'inscrirait dans le cadre de la force régionale de la Communauté de développement d'Afrique australe en appui aux Forces armées de la République démocratique du Congo. Ce, dans le but de contribuer à la pacification de l'Est de la RDC en proie à l'activisme des groupes armés locaux et étrangers au premier rang desquels le Mouvement du 23 mars (M23), résurgi depuis novembre 2021. 

Un constat : sauf erreur de ma part, la SADC n'en a fait aucune communication publique. Ceci tendrait à contaster avec les pratiques au sein de cette organisation intergouvernementale. 

De là, deux  hypothèses. De un. Les troupes sud-africaines sont déployées dans le cadre de la coopération bilatérale. De deux. Il s'agirait d'un premier déploiement, pour le compte de la force de la SADC, en attendant les troupes d'autres pays de cette communauté régionale, sans qu'il ne s'agisse d'une force offensive.

 Déploiement dans un cadre bilatéral 

L'Afrique du sud a la pleine latitude de déployer ses troupes à Goma. Ce, eu égard aux termes de sa coopération avec la RDC dont un Porte-parole militaire a annoncé à la presse l'arrivée des militaires sud-africains. A l’issue des travaux de la 12ème session de leur grande commission mixte tenue en juillet dernier à Kinshasa, la RSA et la RDC avaient convenu de renforcer leur coopération sur la défense et la sécurité. 

L'entrée en lice de l'Afrique du sud, aux côtés de la RDC,  dans la lutte contre le M23 pourrait relever d'une logique de trilatéralisaton de la puissance. En effet, il est un secret de polichinelle que Prétoria et Kigali se regardent en chiens de faïnce depuis plusieurs années. L'Afrique du sud héberge des "ennemis" de l'homme fort du pays de mille collines dont des agents secrets auraient ôté la vie, sur le territoire sud-africain, à Patrick Karegeya, ex-chef du renseignement rwandais. Amère déconvenue non encore ingurgitée par la première puissance africaine. 

Par ailleurs, Kigali s'illustre dans ses efforts de défense et de sécurité sur le continent. Une stratégie visant à élargir ses réseaux sur le continent. Son intervention militaire en appui et à la demande du Mozambique, pays membre de la SADC, d'une part, et les prouesses de ses troupes dans la lutte contre les terroristes islamistes dans ce pays, pendant que les Etats de l''Afrique australe traînaient les pieds, d'autre part, ont constitué un coup dur pour l'Afrique du sud, loin d'avoir été titillée dans sa sphère d'influence. Cette dernière peut ainsi légitimement s'investir dans une posture revancharde aux confins du territoire rwandais. 

C'est ainsi qu'il y aurait lieu de saisir les récents propos de Paul Kagame : " je ne pense que ceux qui cherchent à aider à résoudre ce problème (sécuritaire en RDC, ndla) puissent nuire au Rwanda".  Il est évident que le contraire n'est pas à exclure. Le devoir de prévoir les imprévus oblige ... 

 Déploiement de la force de la SADC 

Si c'est avéré, ce déploiement est indubitablement à inscrire dans le cadre du Pacte de défense mutuelle de la SADC préconisant la sécurité collective des Etats membres. En 1998, à défaut de bénéficier de cette disposition de la solidarité de la SADC divisée jadis sur le dossier d'un Congo alors agressé, le Président Laurent-Désiré Kabila avait pu obtenir, à titre bilatéral, le concours de trois Etats de l'Afrique australe, à savoir : l'Angola, la Namibie et le Zimbabwe pour contrer la bélligérance de la coalition ougando-rwando-burundaise.

Preuve, si besoin est, que la sécurité collective ne relève pas de l'automatisme. L'engagement de solidarité mutuelle et sa mise oeuvre ne faisant pas toujours bon ménage. 

Par ailleurs, à la suite de la prise de Goma en novembre 2012 par le M23, la SADC, en soutien à la RDC, y avait déployé sa force composée des troupes de l'Afrique du sud, du Malawi et de la Tanzanie. Sur instruction du conseil de sécurité en vertu de sa résolution 2098 du 28 mars 2013, cette force, à mandat exceptionnellement offensif, fut incorporée au sein de la Monusco et placée sous le commandement de cette dernière pour contraindre les groupes armés à la reddition. L'unique succès de cette Brigade d'intervention fut officiellement la mise en déroute du M23 et sa dissolution le 05 novembre 2013. 

Dix ans après, en dépit de sa reconfiguration, cette Brigade d'intervention est restée l'ombre d'elle-même. Privée de la logistique nécessaire pour assurer son efficacité opérationnelle face à un M23 requinqué, elle peine à rééditer son exploit d'antan. Au point de révolter les populations locales exigeant dès lors le retrait de la Monusco. 

C'est dans ce contexte qu'est fait état du déploiement de la force de la SADC. Par principe, surtout dans une situation marquée par la présence des casques bleus des Nations unies, le mandat d'une force régionale ne peut pas être offensif sans un avis express du conseil de sécurité. En effet, l'article 53 (alinéa 1er) de la charte des Nations Unies dispose : "aucune action coercitive ne sera entreprise en vertu d'accords régionaux ou par des organismes régionaux sans l'autorisation du Conseil de sécurité (...)". 

Faisant en fiiligrane mention de la force de la SADC, le conseil de sécurité a, dans sa récente résolution sur la situation en RDC, déclaré "son intention d’étudier, si le pays hôte et l’organisation concernée en font la demande de manière claire et précise, les conditions dans lesquelles la MONUSCO pourrait donner un appui logistique et opérationnel limité à une force régionale déployée sous l’égide de l’Union africaine dans la zone de déploiement de la Mission, aux fins de l’exécution du mandat de celle-ci, dans la limite des ressources disponibles" (point 20 de la Résolution 2717). 

Somme toute, la force de la SADC ne dispose pas (encore) d'un mandat offensif. Sur pied de l'article 53 de la charte des Nations unies ci-haut indiqué, il est aisé de comprendre pourquoi le mandat de la force de l'EAC n'était pas non plus offensif quels que soient les termes de ses statuts. 
Il est toutefois possible que l'Afrique du sud et d'autres Etats membres de la SADC soutiennent la RDC dans le strict cadre de la coopération bilatérale avec ce dernier pays. 

Lembis Tini (PhD)